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Trois jours avant les attentats : Fillon “Danger mortel pour toutes les civilisations !”

François Fillon au cirque d'hiver

Le 23 juin dernier, François Fillon rassemblait plus de deux mille personnes au Cirque d’hiver en faveur des Chrétiens d’Orient. À côté d’autorités religieuses ou associatives, de nombreux députés avaient répondu présents comme Philippe Gosselin, Xavier Breton, Hervé Mariton mais aussi Jérôme Chartier,Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet. La presse s’est fait l’écho dès le lendemain du moment de grâce vécu pendant ces quelque trois heures où grands écrans, flonflons et musique étaient absents. Seule la parole de conviction a circulé, non sans grande émotion. François Fillon a montré ce soir-là quel était le visage de la France. Et il était celui du courage… H.B.

Lire sur le site du Point : “François Fillon se mobilise pour les Chrétiens d’Orient”

Écouter l’intervention de Bruno Retailleau, Président du groupe Les Républicains au Sénat.

Écouter l’intervention de Valérie Pécresse.

Interview par Ruth Elkrief BFM TV

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Mes amis,

En organisant ce rassemblement, je me posais des questions : Seriez-vous là ? Serions-nous suffisamment nombreux pour être dignes de ceux qui appellent au secours ? Je m’interrogeai et j’avais tort. Vous êtes solidaires, généreux, vous êtes engagés. Merci de tout cœur d’avoir répondu à notre appel !

Réveiller les consciences

Pour les chrétiens d’Orient, l’oubli est la pire des peines. Nous sommes ensemble pour leur dire que Paris ne les oublie pas ; pour leur dire que des Français sont avec eux. Notre voix est là pour presser les gouvernements européens à agir; elle est là pour réveiller les consciences; notre voix est là pour rappeler que la France fut longtemps la nation protectrice des Chrétiens d’Orient mais aussi celle des élites du Levant qui aimaient le pays des lumières; notre voix est là pour susciter des soutiens en faveur des associations qui accueillent les réfugiés, soignent les blessés, scolarisent les enfants.

En Irak, au Liban, dans les camps de réfugiés, j’ai rencontré ces bénévoles et professionnels de l’action l’humanitaire, j’ai vu ces prêtres et ses sœurs qui travaillent dans des conditions extrêmes. Ils sont formidables de courage, de dévouement : je voudrais ce soir, avec vous, leur rendre hommage. Sur place les besoins sont immenses. Nos concitoyens doivent se mobiliser ! Ils doivent se tourner vers les associations qui œuvrent en Orient, ils peuvent dans leurs paroisses organiser des actions de solidarité. Je recommande aux jeunes, dans leurs lycées, dans leurs universités, de parler, de sensibiliser, de rameuter leurs amis. Ils se demandent parfois à quoi sert la politique, et bien elle sert à défendre des valeurs essentielles !

À cinq heures d’avion de Paris, on tue, on torture, on vend des femmes

À cinq heures d’avion de Paris, on tue, on torture, on vend des femmes sur les marchés, on brule des bibliothèques, on détruit des églises. Dans les villages de la plaine de Ninive, un « Convertissez-vous à l’Etat islamique, sinon vous mourrez par le glaive » éraille des hauts parleurs des pick-up surarmés. Hommes, femmes, enfants prennent la route de l’exode ; sur les places publiques gisent les corps des insoumis autour desquels les adolescents sont invités à jouer au djihad. De quoi sont-ils coupables tous ces innocents, sommés de se parjurer, de fuir ou de mourir ? Ils ne sont coupables de rien, simplement d’être chrétiens et fidèles à leur foi !

Faudrait-il devoir rappeler que derrière ce commerçant, ce professeur d’École, ce paysan chrétien, ne se trouve pas le vassal d’un « croisé en arme », mais des êtres qui chérissent leur simple existence. Depuis plusieurs années déjà les chrétiens d’Orient sont les otages d’une région minée par des guerres dont nous fûmes parfois les complices orgueilleux et naïfs, une région contaminée par des prêches toujours plus rigoristes. Humiliations, intimidations, obligations de se plier à la loi du plus fort, de choisir son camp… Les racines du drame ne datent pas d’aujourd’hui.

Ce ne sont pas des musulmans, ces monstres ! 

Mais avec l’État islamique, nous avons changé de monde. On ne partage plus, on brise ! On ne négocie pas, on tue ! On ne cherche pas à sauver sa propre vie, on souhaite la mort, jusqu’à ce que le « califat règne sur la terre et impose à tous sa lecture de la Charia ». Le fanatisme islamiste n’épargne personne. Dans les camps de réfugiés du Kurdistan Irakien, j’ai entendu les mots de ces musulmans épouvantés, outragés par ces assassins qui bafouent leur religion et enflamment l’Islam. « Ce ne sont pas des musulmans, ces monstres ! ». « Ils n’ont rien à voir avec l’Islam » !

Mais dans ce cortège de détresse, j’ai vu une réalité que nous ne pouvons pas taire, une vérité que la France n’a pas le droit de refouler au nom de je ne sais quelle mauvaise conscience qui n’a pas lieu d’être: cette vérité, c’est que les chrétiens sont les premières cibles d’une épuration culturelle, spirituelle et humaine. Leurs coutumes, leur foi, et, disons-le, le message bienveillant du Christ, doivent faire place nette au drapeau noir d’un nouvel ordre.

Les derniers vestiges d’une civilisation dans la civilisation arabo-musulmane sont en passe de disparaître, et avec eux ce sont tous les espoirs de la cohabitation, du dialogue inter-religieux qui s’effondrent. La minorité chrétienne résiste, se bat, et son combat transcende sa propre cause, car ce qui est en jeu, c’est le combat de la pluralité, c’est le combat de la tolérance, c’est le combat pour la liberté de tous contre l’oppression. Souvenons-nous du pasteur Martin Niemöller et de son terrible poème écrit en 1942… Qu’il me soit permis de l’actualiser. 

« Lorsque les fanatiques ont chassé les chrétiens, je n’ai rien dit, je n’étais pas chrétien. Lorsqu’ils ont enfermé les Yazidis, les imams les plus sages, je n’ai rien dit, je n’étais ni Yazidis, ni théologien. Lorsqu’ils ont masqué le visage des femmes, je n’ai rien dit, j’étais un homme. Lorsqu’ils qu’ils ont créé leur califat, je n’ai rien dit, j’étais de l’Occident. Lorsqu’ils sont venus me menacer, il ne restait plus personne pour se battre avec moi. »

Telle est la logique totalitaire

Oui, si par faiblesse, si par indifférence, personne ne se dressait pour les chrétiens d’Irak, de Syrie, de Lybie, du Nigéria, d’Erythrée et d’ailleurs, alors la liste des victimes s‘allongera car telle est la logique du totalitarisme. Et plus cette logique intégriste et « purificatrice » avancera, plus notre monde se fermera.

Sunnites, chiites, juifs, chrétiens, chacun se recroquevillera sur sa communauté, sur son territoire, sur ses dogmes, et de l’autre côté de la méditerranée, l’Europe se repliera sur elle-même et s’abimera dans la peur et les affrontements identitaires. Il en sera alors fini de ces passerelles qui nous lient, de ces cultures qui s’entrecroisent et nous rassemblent. Le temps des « tribus » sera revenu !

Quelle que soit sa religion, croyants ou athées, personne ne doit donc se taire et baisser les bras. L’issue du drame ne peut pas être, ne doit pas être, le départ de tous les Chrétiens de Syrie ou d’Irak ! Il faut combattre et démanteler l’État islamique puisqu’il est le fer de lance du fanatisme. Il faut gagner cette guerre en s’en donnant vraiment les moyens.

La France fait son devoir et nos soldats méritent nos éloges. Mais la lutte contre l’État islamique au Levant et en Irak ne peut pas réussir telle qu’elle est engagée, parce qu’elle ne rassemble pas la communauté internationale et qu’elle n’engage que les forces aériennes de l’OTAN en soutien aux kurdes, à la modeste armée irakienne et aux trop rares résistants syriens qui partagent nos valeurs. Cette stratégie n’est pas inutile mais elle nous entraine dans une très longue guerre dont les chrétiens d’orient risquent ne jamais voir la fin.

Il faut enrôler le monde contre une barbarie qui le menace

Il faut changer de stratégie ! Il faut enrôler le monde contre une barbarie qui le menace. Tous les états du proche Orient, l’Europe et les États Unis, mais aussi la Russie et l’Iran doivent conjuguer leurs efforts pour éradiquer l’État Islamique et son sinistre drapeau noir. Ne pas associer l’Iran et la Russie, c’est se priver de toutes possibilités de résoudre cette crise car leur influence sur les mouvements chiites et sur l’évolution du régime de Damas est cruciale. En choisissant de privilégier le dialogue avec les seuls Etats sunnites, la France se prive de toute véritable influence. Il est temps qu’elle équilibre sa diplomatie et qu’elle amène sunnites et chiites à se parler et à agir ensemble pour détruire l’Etat islamique, en déployant ensemble des forces armées sur le terrain.

Le temps n’est pas à choisir nos alliés en fonction de nos intérêts commerciaux ou de notre conception idéale de la démocratie. Le temps est à la mobilisation générale contre un danger mortel pour toutes les civilisations ! Le temps n’est pas non plus à l’organisation d’une croisade occidentale sous la bannière de l’OTAN pour réitérer le désastre de la guerre en Irak. Le temps est à la mobilisation générale, avec en première ligne les États du Proche Orient qui, seuls, peuvent combattre au sol les djihadistes sans provoquer cette réaction anti occidentale sur laquelle misent justement nos ennemis. Ce sont ces États de la région qui sont les premiers concernés par cette crise, par ses crimes, par cet affront lancé à la haute spiritualité de l’Islam. C’est à eux de s’engager ! Certains le font, mais la plupart sont sur leurs gardes et maintiennent plusieurs fers au feu.

Dissoudre ces fonds occultes qui financent les organisations fondamentalistes

La maison brûle : il faut arrêter de jouer les uns contre les autres; il faut dissoudre ces fonds occultes qui financent les organisations fondamentalistes; il faut stopper toute participation au commerce direct ou indirect des produits pétroliers avec le prétendu état islamique en Irak, le Front el-Nosra et autres groupes associés à Al-Qaïda. La rivalité entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, dont le Yémen est actuellement la proie, est meurtrière pour tous. Au-delà de la question nucléaire iranienne qui n’est pas encore résolue, l’éventuel rétablissement des relations avec Téhéran doit déboucher aussi sur un dialogue avec Ryad. Tant que ces deux puissances se défieront, l’Orient est voué à demeurer la poudrière du monde. Peut-on totalement éteindre cette poudrière sans faire avancer la paix israélo-palestinienne? Non !

Les États-Unis et l’Europe doivent réenclencher et imposer un processus de dialogue. À moyen terme, Israël n’a rien à gagner à un environnement empoisonné par un djihadisme antisémite, capable d’aggraver la situation sécuritaire des israéliens et de déstabiliser le Liban et la Jordanie. Vous m’aurez compris, il faut frapper ensemble le fanatisme et il faut avoir l’audace de réfléchir ensemble à l’avenir du proche orient dont les peuples paient très chers nos erreurs passées.

Urgence humanitaire

Et puis, il y a l’urgence humanitaire. On y répond dans les camps de réfugiés pour lesquels la communauté internationale doit amplifier ses aides car la Turquie, la Jordanie, le Liban, sont à bout de souffle. L’urgence se joue aussi en Europe, et singulièrement en France, pour ces réfugiés persécutés qui ont droit à l’asile politique. Au premier rang d’entre eux, les Chrétiens d’Orient peuvent à juste titre réclamer notre protection. La guerre en Syrie et la déstabilisation du Proche et Moyen Orient provoquent en Europe une forte croissance du nombre de demandeurs d’asile. Près de 500 000 en 2014, sans doute plus en 2015.

La tentation est forte de dire que nous n’avons pas les moyens de les accueillir et d’invoquer notre situation économique… Naturellement, il faut filtrer ces flux migratoires, mais les demandeurs d’asile ne sont pas des migrants comme les autres ! C’est la Convention de Genève qui régit leur situation et je n’hésite pas à dire que ce texte qui fait écho à la tradition multiséculaire de l’Église depuis le Moyen-Âge est un des piliers de la civilisation européenne et de ses valeurs. Notre devoir est d’en respecter l’esprit et la lettre.

Ne pas le faire ne serait pas seulement une violation de nos engagements internationaux, ce serait d’abord une faute morale. L’effort qui est demandé à l’Europe est modeste par rapport à celui que consentent les pays limitrophes au premier rang desquels le Liban ou la Turquie qui accueillent plusieurs millions de réfugiés.

Depuis le tragique naufrage qui fit plus de 800 victimes en Méditerranée, l’Europe se cherche. Plus les semaines passent, plus les querelles entre États membres ont quelque chose d’indécent face aux drames que vivent chaque jour les chrétiens d’Orient. Puisque cette question est à nouveau à l’ordre du jour du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui se réunit le 25 juin, après demain, j’en appelle au Président de la République, à la Chancelière allemande, Angela Merkel, au président du Conseil italien, Matteo Renzi et à tous ceux qui gouvernent l’Union européenne.

Je leur dis : « Prenez vos responsabilités, expliquez la situation à vos opinions publiques, ne vous perdez pas en arguties juridiques, mettez l’Europe en ordre de marche face à l’une des plus grandes catastrophes humanitaires qui se déroule à ses portes ».

Un jour l’État islamique tombera

Ici, dans cette salle, beaucoup ont de la famille et des compagnons qui souffrent de la guerre. Leur espérance est en danger, mais grâce à notre engagement collectif, elle vaincra. Un jour mes amis, l’Etat islamique tombera, Al-Qaïda tombera, Boko Haram tombera… Et ils tomberont parce que nous aurons été plus forts que ces organisations ! Ils tomberont parce que nos idéaux sont plus beaux que les leurs ! Ils tomberont parce qu’il existe en l’Homme un instinct de liberté et de bonheur que l’oppression ne peut éternellement étouffer ! Oui, ce jour-là viendra, mais faisons en sorte que les Chrétiens d’Orient voient ce jour et qu’ils puissent le vivre chez eux.