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Travail dominical à Arcueil : les récalcitrants pénalisés

Vache noire Arcueil

On l’a entendue sur tous les tons, la ritournelle ! « Pas d’accord, pas d’ouverture » assénait Emmanuel Macron pour faire croire que sa loi ne malmènerait pas les salariés non volontaires du travail le dimanche. Beaucoup comme moi n’y croyaient pas. Un premier cas vient de nous donner raison, symptomatique des problématiques qui se posent entre petits commerçants et grandes enseignes dans les centres commerciaux. Gare aux salariés qui ne voudraient pas travailler le dimanche dans ces centres commerciaux.

Il se passe à Arcueil.

Il concerne une petite société dont l’effectif est composé d’un gérant et d’une salariée à temps partiel. Elle dispose d’un petit local au sein du centre commercial « La Vache noire ». L’association des commerçants du centre commercial dont la majorité des voix repose sur la position des grosses enseignes commerciales a voté comme beaucoup de centres commerciaux l’ouverture des commerces les dimanches de novembre et décembre pour satisfaire aux huit ouvertures dominicales du maire permises cette année de transition par la Loi Macron. Ils passeront à douze l’an prochain.

Le Préfet ne censure pas l’arrêté illégal

Fort de cette délibération, le centre commercial a donc saisi le maire d’une demande d’arrêté municipal pour couvrir ces dimanches. Le Maire fait droit et prend donc un arrêté en ce sens. Le Préfet n’a pas quant à lui déféré l’arrêté à la censure du Tribunal administratif face à l’illégalité manifeste de cette décision. Illégal pour plusieurs raisons de forme comme de fond.

La petite société ne souhaite pas ouvrir ? Le centre la prévient illico qu’elle aurait des pénalités. Le gérant ne voit déjà son fils que le dimanche et n’entend pas y renoncer, pas plus qu’il n’entend demander à sa salariée de venir travailler à sa place les dimanches concernés. Il n’est pas intéressé par ces ouvertures. D’autres commerçants sont tout autant concernés.

En scrutant bail commercial, règlement intérieur du centre, statuts de l’association des commerçants, on ne peut rater la clause qui impose aux commerçants le respect des horaires d’ouverture du centre sous peine de pénalités.

C’est ainsi que la société décide de ne pas faire travailler le dimanche, en raison de l’illégalité de la décision municipale : elle risque sinon une amende de 7 500€. Outre de ne pas ouvrir le dimanche, elle décide de démissionner de l’association des commerçants, d’attendre la réaction du centre qui a déjà promis les pires avanies à ceux qui n’obtempèreraient pas.

Pénalités pour un premier et deuxième dimanches chômés

Arrive le premier dimanche. La petite enseigne reste fermée, comme d’autres petites sociétés du centre commercial qui emboîtent le pas.

La réaction de la direction du centre ne se fait pas attendre. Elle liste aussitôt les récalcitrants et leur adresse alors tout simplement une facture avec le montant de la pénalité pour défaut de respect des horaires d’ouverture décidés par le centre commercial : 25€ par m2 commercial soit 1 250 € pour un seul dimanche. Elle lui rappelle dans la lettre d’accompagnement que si elle continue les dimanches suivants, elle risque d’autres pénalités et lui donne la liste des dimanches d’ouverture votés par l’association des commerçants.

Au passage, rappelons que le non-respect des clauses d’un bail commercial permet au bailleur de ne pas renouveler le bail ou d’en obtenir la résiliation, ce qui ferait perdre à l’enseigne son fonds de commerce comme l’augmentation des jours d’ouverture pourrait aussi aboutir à une augmentation du loyer commercial.

Politiquement et juridiquement, on le voit l’affaire est très intéressante, loin d’être finie. Le ministre de l’économie n’a, on le sait depuis le début, travaillé que pour les grosses enseignes. Mais ce qui se profile de manière certaine, c’est que les mairies et leurs contribuables risquent, à l’issue de recours juridiques, de payer très cher leurs largesses non budgétées.

“Limiter les contreparties en créant le moins d’emplois possibles”

À l’heure où l’on compte sur les doigts de la main les grandes enseignes qui ont signé les accords qui devaient l’être avant le 23 décembre la situation est « durablement bloquée » comme l’a déclaré à l’AFP Karl Ghazi porte-parole CGT commerce de Paris. « Les problèmes de fond demeurent et on ne voit pas ce qui pourrait les débloquer à l’avenir. Il s’agit pour le patronat de limiter le niveau des contreparties et d’augmenter la productivité en créant le moins d’emplois possible ». À côté de ces grandes enseignes, le cas du petit commerce d’Arcueil fait figure de David contre Goliath. On connaît la fin de l’histoire !