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Thanatos de Pierre Barnérias : passer de cette vie à l’autre vie

Thanatos

Quel crédit donner à ceux, nombreux depuis des siècles, qui prétendent revenir de la mort ? Pas beaucoup est-on tenté de répondre un peu vite. Ce n’est pourtant pas le parti pris du film Thanatos de Pierre Barnérias qui essaie de donner justement la parole à ces personnes que tout dans un premier temps porterait à cataloguer vite fait bien fait de farfelus voire de mythomanes.

Shakespeare dans le célèbre monologue d’Hamlet n’a-t-il pas qualifié la mort de “région inexplorée, d’où nul voyageur ne revient” ? Le christianisme lui-même n’a-t-il pas fondé sa foi sur la résurrection du “premier-né d’entre les morts”, le seul Jésus de Nazareth, le messie sauveur ?

Pourtant, un artiste comme Jérôme Bosch a dans ses Visions de l’au-delà (Le Paradis, Montée des bienheureux vers l’empyrée, La Chute des damnés, La Rivière vers l’enfer) peint au début du XVIe siècle une scène particulièrement proche de ces témoignages qui nous parviennent encore aujourd’hui via le cinéma ou les livres (3). On peut la voir à Venise, à la Galerie de l’Académie. Elle est saisissante et atemporelle.

Quelqu’un m’attend-il au bout du tunnel ?

J’ai donc vu Thanatos. Je trouve que le réalisateur Pierre Barnérias a l’art de présenter ses sujets dérangeants de manière ample, objective et professionnelle. C’est pour cela que je guette ses films. Son but n’est pas apologétique, de prouver l’au-delà, Paradis ou Enfer, dans une optique catholique et selon ce qu’en dit le catéchisme. On ne parle quasiment pas de Dieu dans ce film. Non, il s’agit de confronter les témoignages en prenant pour argent comptant ce qu’ils disent. Libre au spectateur d’en penser ce qu’il veut. Mais le job est fait, l’amorce de réflexion réalisée autour de l’existence de l’âme. Quelqu’un m’attend-il au bout du tunnel ?

Sans dévoiler la substantifique moelle des presque deux heures de film, je dirais que deux choses m’ont particulièrement frappée : l’association naissance/mort avec l’image récurrente du tunnel et le sort sévère réservé à l’athée plus qu’au libertin. Les témoignages des médecins m’ont frappée également, notamment la différence scientifique faite entre hallucinations et ces expériences de mort imminente.

La mort : du tabou à l’apprivoisement

Alors que notre société la cache, rien de la mort ne nous est épargné même si c’est pudiquement abordé : du Samu opérant sur des scènes de mort violente, du médium et ses imprudentes communications spirites aux soins du thanatopracteur. Mais au lieu qu’elle nous révulse comme Bossuet citant Tertullien la décrit, “ce je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue”, elle paraît, tout scandale qu’elle est, comme un peu apprivoisée : légèreté, lumière et amour reviennent sans cesse dans la bouche de ceux qui ont vécu ce moment surnaturel.

Les expériences partagées invitent dans tous les cas à peser de manière plus qu’urgente les choses importantes de la vie, notamment notre amour envers le prochain. Parce que le langage humain est évidemment bien faible pour dire ce qui a été vécu, par nature indicible, c’est tout le mérite de ce film d’essayer de relier ces difficultés à dire et de tenter d’unifier ces témoignages dans un souci louable de vulgarisation simple.

Car l’enjeu est celui-là… Toucher le plus grand nombre pour que ce plus grand nombre se prépare au grand rendez-vous ultime. Peut-être même y a-t-il urgence…

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(1) Titre “l’autre vie” : expression dans la bouche de Sganarelle quand il interroge le grand seigneur méchant homme, Don Juan, qui ne croit qu'”en deux et deux sont quatre”… (“Ne croyez-vous point l’autre vie ?”, III, 1)

(2) Pierre Barnérias sur Radio Notre-Dame “Pierre Barnérias pour le film « Thanatos – l’ultime passage » au cinéma le 30 octobre”

(3) Le livre Chacun son tour de Gaspard-Marie Janvier chez Fayard aborde le thème de la mort en montrant les absurdités de la société à l’égard des corps.

Lire sur le site du Figaro (abonnés) la bonne critique du film par Marie-Noëlle Tranchant.