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Séries Netflix : le cran de certaines séries coréennes

Dans les nouvelles habitudes, on le constate sans doute pour le déplorer, toujours moins de lecture, mais toujours plus de séries. Même la télévision pâtit, affirment les dernières études. C’est peu dire le phénomène de société. Si la plateforme Netflix concurrence chaque jour davantage les livres, elle met donc à mal également le petit écran.

Les vidéos à la demande via ordinateurs et smartphones séduisent les jeunes générations qui organisent leur visionnage comme elles le souhaitent, dans une inquiétante addiction. Régulièrement paraît d’ailleurs le classement des séries plébiscitées. Celles qui sortent du catalogue au grand dam des abonnés font même le buzz. Je n’en ai pour ma part vu aucune dans celui dont je donne le lien à part la série française Jeux d’influence diffusée sur Arte.

Chaque pays son atmosphère

Chaque pays a sa couleur, son atmosphère dit quelque chose des évolutions en cours : les séries britanniques comme Happy Valley ou scandinaves comme The Killing revêtent une complexité que les séries françaises peinent à proposer. Les séries françaises, justement, parlons-en.

Tout à leurs militances variées, tout à l’autorité à inverser, tout à leurs transgressions morales à faire passer au plus vite, comme la GPA par exemple dans Plus Belle La Vie récemment, les producteurs ne se rendent même plus compte de la pauvreté esthétique proposée. Alice Nevers, production de Pascale Breugnot, en est à cet égard un condensé exceptionnel. Le jeu des acteurs que l’on pouvait encore saluer dans Boulevard du Palais grâce à Jean-François Balmer a vécu. L’œil exercé a repéré depuis longtemps que les séries françaises ne sont donc pas un divertissement qui puisse être parfois modélisant. Elles sont toujours transgressives, comme promotrices de lois à venir. Ils s’agit de préparer les esprits par l’image idéologique. C’est même leur seule raison d’être. Les riches minorités agissantes détiennent le grand pouvoir des médias. Et elles en abusent à heures de grande écoute.

C’est par hasard que j’ai découvert il y a quelques mois des séries coréennes. Netflix ne proposant pas de séries européennes me convenant, à deux doigts de me désabonner, je décide de guerre lasse de regarder Misty, thriller coréen se passant dans le milieu du JT d’un grand média. Quel dépaysement ! Ce qui me frappe alors, outre le grand thème de la liberté de la presse, c’est la qualité de l’image, une esthétisation extrême, une élégance, un rythme, une poésie. Tout y est minutieusement travaillé. La musique porte. La langue coréenne difficile au début passe finalement avec les sous-titres. Nous sommes à des années-lumière de nos séries poussives.

Defendant

Récemment, je me mets à regarder Defendant, dix-huit épisodes d’une saga incroyable. Un procureur est injustement emprisonné, condamné à mort. Les thèmes de la corruption, d’une justice injuste, de la jalousie y sont magistralement traitées. L’auteur du Comte de Monte-Cristo ne l’aurait sans doute pas reniée. Mes premières impressions nées de Misty se trouvent plus que confortées : scénario en béton, structures narratives complexes, dialogues amples et profonds, images travaillées, musique parfaite. La saga se déploie rythmée, pudique, aux valeurs humaines affirmées comme le sacrifice, le courage, la solidarité dans l’adversité, la protection de la femme et de l’enfant. Me frappe vraiment la jeunesse saine des héros coréens au rebours des cinquantenaires post-soixante-huitards liftés des séries françaises. Il y a une telle fraîcheur dans les actions et les sentiments, tellement oubliée chez nous, qu’elle en devient tout à coup vraiment originale. La vie en prison, la tentative d’évasion, tout y est à part. Et l’on plonge. Et cela fait du bien.

Healer

Dans Healer, même étonnement dans ces neuf premiers épisodes que j’ai pour l’instant regardés. Même pas encore trentenaires, ses héros n’ont rien d’adulescent comme dans nos séries françaises. Ils agissent et aiment jusqu’au sacrifice, jusqu’au dédain de leur vie. Le thème de la filiation y est prépondérant. « Qui es-tu ? qui suis-je ? » demande la jeune journaliste adoptée au sympathique coursier de nuit lui-même abandonné. Le En Famille d’Hector Malot n’a rien à lui envier. Les dialogues, là encore forcent l’admiration dans leur profondeur et même leur humour. Les Marvel ou Superman n’ont jamais brillé, c’est vrai, par leurs répliques … Mais ici, les détails des images y sont très travaillés comme ce sucre glace tombant poétiquement sur le gâteau au chocolat parallèlement aux premiers flocons de neige. C’est l’anniversaire de Healer. Romances comme on n’en voit plus jamais. Ainsi les très jolies prises de vue de Healer marchant sur les toits enveloppant de son aura protectrice Chae Yeong Sin. Flashbacks explicatifs huilés et émouvants.

Par trop invraisemblables, me direz-vous ? Pas plus que les fictions françaises dans leurs reconstructions malsaines de la société, osons le dire ! À l’eau de rose, gnangnan, renchérirez-vous encore ? Vraiment ? Quand le héros avoue ne plus avoir pleuré après que sa mère l’a abandonné, n’attendant rien des humains, tout à son credo formulé ainsi « Ce que j’exècre le plus au monde c’est la compréhension et l’intérêt qu’on peut avoir pour un autre être », le voilà pourtant analysant son revirement, sa conversion à l’amour naissant. Des flux de conscience riches, pas du tout pesants. Voir et entendre cela n’est-il pas une forme d’élévation que toutes les noires séries oubliées aussi vite que vues et faisant leur mauvais œuvre ne réalisent jamais ?

Le goût des autres

Vous étonne peut-être qu’un professeur de lettres, étudiant La Fontaine, Beaumarchais, Stendhal et Apollinaire, aimant la contemplation de la nature, fasse l’éloge de banales et légères séries. Il y a bien de brillants philosophes qui aiment Mylène Farmer ! Et pourquoi pas… Qu’on me pardonne d’aimer mieux le clair regard et l’énergique héros que les yeux glauques et les personnages dépressifs. Ce n’est pas près de changer.