Patrice Martineau : la complainte de Notre-Dame de Paris

Patrice Martineau, que l’on ne présente plus et dont la chanson Le Temps des Veilleurs m’avait particulièrement touchée en 2014, présente dans son dernier album Troubadours, de l’étreinte à l’éternité un fort bel hommage à la cathédrale de Paris, La complainte de Notre-Dame de Paris.
Dans la chair, au chevet
On reste dans une lignée sobre et sensible, très cultivée et poétique, populaire aussi. Modernes jongleurs, les chanteurs jouent avec la polysémie des mots “chair” et “chevet”. Ils chantent de manière poignante, de manière courtoise le malheur de ce 15 avril, de ce lundi saint inouï, comme le veut le style de la complainte du Moyen- Âge.
Un signe ultime de Notre-Dame ?
Au-delà de la “Dame de pierre”, la cathédrale œuvre d’hommes, c’est la “Dame de France” qui est ici évoquée – invoquée ? – patronne principale de la France. Espérons effectivement comme le veut la chute de la chanson, que cet incendie dévastateur contribue à une “prise ténue de conscience sur le fil du rachat”.
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Dans la chair de la Dame de pierre
À Paris, il y a
Étendue sur son île-civière
Entre ses deux beffrois
Une lave en fusion, un cratère
Qui provoquent l’effroi
De ces yeux, interdits, qui espèrent
Et nous laissent sans voix
Dans la chair de la Dame de France
À Paris, il y a
Une Semaine Sainte qui commence
Quelque part sous les toits
Et de lourdes larmes dans les lances
Qui aspergent une croix
Qui se dresse en un dolent silence
Au milieu des gravats
Au chevet de la Dame de pierre
À Paris, il y a
Face aux rires narquois des chimères
Le sanglot des sans-voix
Qui mendient dans leur humble prière
Un miracle, un éclat
Une flèche dardant sa lumière
Vers des nues d’au-delà
Au chevet de la Dame de France
À Paris, il y a
La tendresse d’un peuple en souffrance
Qui lui offre ses bras
Et du baume fleurant l’espérance
Au-delà des « pourquoi »
Une prise ténue de conscience
Sur le fil du rachat