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Paris-Lourdes 2008 : Quand Benoît XVI lui-même montrait la Croix en France

En pleine affaire de Ploërmel, ce n’est pas le moindre des paradoxes ! Moins de dix ans après sa visite en France, Benoît XVI accueilli en ses paroles sur la Croix est finalement peu écouté. Souvenons-nous. À Lourdes en 2008 après un passage à Paris très remarqué, notamment lors de sa grande conférence aux Bernardins, le pape a voulu se recueillir à la grotte en ce jubilé du cent cinquantième anniversaire des apparitions de l’Immaculée conception à sainte Bernadette. Lors de la grand-messe dominicale sur l’Esplanade, en la fête de la Croix glorieuse, le Saint-Père avait prononcé une homélie profonde dont les mots restent encore dans les cœurs. Elle avait été annoncée l’avant-veille aux jeunes à Paris. Réunis devant la Cathédrale Notre-Dame, nous avions écouté avec émotion ce “trésor” qui allait être développé deux jours plus tard à Lourdes.

En cette année dédiée à saint Paul, je voudrais vous confier un second trésor, qui était au centre de la vie de cet Apôtre fascinant. Il s’agit du mystère de la Croix. Dimanche, à Lourdes, je célèbrerai la fête de la Croix Glorieuse en me joignant à d’innombrables pèlerins. Beaucoup d’entre vous portent autour de leur cou une chaîne avec une croix. Moi aussi, j’en porte une, comme tous les Évêques d’ailleurs. Ce n’est pas un ornement, ni un bijou. C’est le symbole précieux de notre foi, le signe visible et matériel du ralliement au Christ. Saint Paul parle clairement de la croix au début de sa première Lettre aux Corinthiens. A Corinthe, vivait une communauté agitée et turbulente qui était exposée aux dangers de la corruption de la vie ambiante. Ces dangers sont semblables à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Je ne citerais que les suivants : les querelles et les luttes au sein de la communauté des croyants, la séduction offerte par de pseudo sagesses religieuses ou philosophiques, la superficialité de la foi et la morale dissolue. Saint Paul débute sa Lettre en écrivant : « Le langage de la croix est folie pour ceux qui vont vers leur perte, mais pour ceux qui vont vers le salut, pour nous, il est puissance de Dieu » (1 Cor 1,18).

Le trésor de la Croix

Et encore, sous les feux d’un soir magnifique, dans le Paris historique :

Pour les chrétiens, la Croix symbolise la sagesse de Dieu et son amour infini révélé dans le don salvifique du Christ mort et ressuscité pour la vie du monde, pour la vie de chacun et de chacune d’entre vous en particulier. Puisse cette découverte d’un Dieu qui s’est fait homme par amour, cette découverte bouleversante vous inviter à respecter et à vénérer la Croix ! Elle est non seulement le signe de votre vie en Dieu et de votre salut, mais elle est aussi – vous le comprenez – le témoin muet des douleurs des hommes et, en même temps, l’expression unique et précieuse de toutes leurs espérances. Chers jeunes, je sais que vénérer la Croix attire aussi parfois la raillerie et même la persécution. La Croix compromet en quelque sorte la sécurité humaine, mais elle affermit, aussi et surtout, la grâce de Dieu et confirme notre salut. Ce soir, je vous confie la Croix du Christ. L’Esprit Saint vous en fera comprendre les mystères d’amour et vous crierez alors avec Saint Paul : « Pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil. Par elle, le monde est à jamais crucifié pour moi, comme moi pour le monde » (Gal 6, 14). Paul avait compris la parole de Jésus – apparemment paradoxale – selon laquelle c’est seulement en donnant («en perdant ») sa propre vie qu’on peut la trouver (cf. Mc 8,35 ; Jn 12,24) et il en avait conclu que la Croix exprime la loi fondamentale de l’amour et est la formulation parfaite de la vraie vie. Puisse l’approfondissement du mystère de la Croix faire découvrir à certains d’entre vous l’appel à servir le Christ de manière plus totale dans la vie sacerdotale ou religieuse !

Puis ce fut le dimanche 14 septembre. L’homélie dominicale se fait plus insistante rappelant la présence des jeunes autour de la croix des JMJ.

« Quelle grande chose que de posséder la Croix ! Celui qui la possède, possède un trésor » (Saint André de Crète, Homélie X pour l’Exaltation de la Croix, PG 97, 1020). En ce jour où la liturgie de l’Église célèbre la fête de l’Exaltation de la sainte Croix, l’Évangile nous rappelle la signification de ce grand mystère : Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique, pour que les hommes soient sauvés (cf. Jn 3, 16). Le Fils de Dieu s’est fait vulnérable, prenant la condition de serviteur, obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix (cf. Ph 2, 8). C’est par sa Croix que nous sommes sauvés. L’instrument de supplice qui manifesta, le Vendredi-Saint, le jugement de Dieu sur le monde, est devenu source de vie, de pardon, de miséricorde, signe de réconciliation et de paix. « Pour être guéris du péché, regardons le Christ crucifié ! » disait saint Augustin (Traités sur St Jean, XII, 11). En levant les yeux vers le Crucifié, nous adorons Celui qui est venu enlever le péché du monde et nous donner la vie éternelle. Et l’Église nous invite à élever avec fierté cette Croix glorieuse pour que le monde puisse voir jusqu’où est allé l’amour du Crucifié pour les hommes, pour tous les hommes. Elle nous invite à rendre grâce à Dieu parce que d’un arbre qui apportait la mort, a surgi à nouveau la vie. C’est sur ce bois que Jésus nous révèle sa souveraine majesté, nous révèle qu’Il est exalté dans la gloire. Oui, « Venez, adorons-le ! ». Au milieu de nous se trouve Celui qui nous a aimés jusqu’à donner sa vie pour nous, Celui qui invite tout être humain à s’approcher de lui avec confiance.

C’est ce grand mystère que Marie nous confie aussi ce matin en nous invitant à nous tourner vers son Fils. En effet, il est significatif que, lors de la première apparition à Bernadette, c’est par le signe de la Croix que Marie débute sa rencontre. Plus qu’un simple signe, c’est une initiation aux mystères de la foi que Bernadette reçoit de Marie. Le signe de la Croix est en quelque sorte la synthèse de notre foi, car il nous dit combien Dieu nous a aimés ; il nous dit que, dans le monde, il y a un amour plus fort que la mort, plus fort que nos faiblesses et nos péchés. La puissance de l’amour est plus forte que le mal qui nous menace. C’est ce mystère de l’universalité de l’amour de Dieu pour les hommes que Marie est venue rappeler ici, à Lourdes. Elle invite tous les hommes de bonne volonté, tous ceux qui souffrent dans leur cœur ou dans leur corps, à lever les yeux vers la Croix de Jésus pour y trouver la source de la vie, la source du salut.

L’Église a reçu la mission de montrer à tous ce visage aimant de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Saurons-nous comprendre que dans le Crucifié du Golgotha c’est notre dignité d’enfants de Dieu, ternie par le péché, qui nous est rendue ? Tournons nos regards vers le Christ. C’est Lui qui nous rendra libres pour aimer comme il nous aime et pour construire un monde réconcilié. Car, sur cette Croix, Jésus a pris sur lui le poids de toutes les souffrances et des injustices de notre humanité. Il a porté les humiliations et les discriminations, les tortures subies en de nombreuses régions du monde par tant de nos frères et de nos sœurs par amour du Christ. Nous les confions à Marie, mère de Jésus et notre mère, présente au pied de la Croix.

Pour accueillir dans nos vies cette Croix glorieuse, la célébration du jubilé des apparitions de Notre-Dame à Lourdes nous fait entrer dans une démarche de foi et de conversion

Mais neuf ans après, oubliant le grand voyage de “l’humble serviteur dans la vigne du Seigneur”, la France, dans ses plus hautes instances, exige de retirer “l’installation d’une croix en surplomb d’une statue du pape Jean-Paul II érigée sur une place de la commune de Ploërmel” la jugeant contraire à la loi du 9 décembre 1905.

Les ennemis de la Croix, les ennemis de toujours

Personne n’est cependant dupe. Les prétextes avancés, que l’arche et la croix ne feraient pas partie de l’œuvre, ne sauraient jouer écran de fumée. L’antique ennemi de l’Église est à la manœuvre !

Tout cela va être malgré tout senti comme le développement toujours plus fort de “l’apostasie silencieuse” dont parlait déjà Jean-Paul II dans Ecclesia in Europa en son paragraphe 9. Contre toute attente, le Conseil d’État, bien au-delà du Morbihan, n’est alors pas compris et suscite sur twitter le hashtag viral #MontreTaCroix.Salutaire prise de conscience !

Détruire une croix : indignation inattendue

Naturellement, les médias aimeraient faire passer que la réaction d’ampleur est celle de réseaux d’extrême droite. Il n’en est rien. Un ancien premier ministre de la France (2002-2005) intervient dans cette décision aussi idéologique qu’absurde .

Si tu veux,#MontreTaCroix. Mais si tu peux, #ConfesseTaFoi.

— Jean-Pierre Denis (@jeanpierredenis) 28 octobre 2017

Et quand je veux moi aussi m'associer à l'opération "Montre Ta Croix", naturellement je pense au Calvaire du XVIIe siècle rénové de Plougastel (29) que la guerre n'a pas réussi à totalement détruire.

Jamais les sept paroles du Christ en croix, et notamment son "J'ai soif" ou son "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font" n'auront été plus actuelles. Prophétiques papes en France...

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Lire sur le site de France Catholique de Gérard Leclerc "La Croix interdite"