L’éducation des Maisons de la Légion d’Honneur enviée
Ils avaient commencé par démanteler en 2011 la grande structure d’excellence du Foyer des Lycéennes, rue du Docteur Blanche dans le XVIe arrondissement de Paris, pour la transformer en « internat d’excellence » (pardon en « Internat de la réussite », le premier nom a été donné par la droite, le second nom par la gauche !) pour filles et garçons le nommant Internat Jean Zay. Dans le collimateur désormais Les Maisons d’Éducation de la Légion d’Honneur ! Cet établissement ouvert par Napoléon aux filles de père ou de grand-père ayant reçu la Légion d’Honneur ou le Mérite dépend non de l’Éducation nationale mais du ministère de la Justice ce qui n’est pas insignifiant. Cette semaine, des parents d’élèves en colère ont investi cette séculaire « LH » au motif que leurs enfants ne sont pas logés à la même enseigne. Ces « Bonnets d’âne du 93 » comme ils se nomment sont en colère, scandaient « On veut la même école ! » et pensent qu’il y a, sous les voûtes de l’ancienne abbaye, inégalité.
Ils ont raison de la vouloir cette école-là ! Ancienne de la Légion d’Honneur, je puis affirmer que nous n’étions pas nées une cuiller en argent dans la bouche. Y entrer était difficile, il fallait un bulletin de notes plus que convenable et la feuille d’impôts des parents justifiait ou non d’être boursière entièrement ou partiellement. Des calculs fins étaient faits, et l’on était redevable. L’éducation concernait tous les domaines : il y avait par exemple des concours de piano avec des degrés différents de difficulté et l’Institution remettait en jeu chaque année la bourse si bourse de musique avait été octroyée. Il fallait prouver que vous aviez effectivement travaillé, que vous n’aviez pas gâché cet argent public donné. J’y ai reçu mes plus beaux cours de musique, y ai vu les plus belles pièces de théâtre certaines mises en scène par Pierre Bertin lui-même qui anima un temps la troupe de la LH !
Envergure intellectuelle de tous les instants : études, religion, musique…
Ils ont raison de la vouloir cette école-là ! Les religions étaient traitées à égalité, toutes les croyances respectées : un aumônier, un pasteur, un rabbin venaient voir les ouailles qui le souhaitaient. Pendant le Carême était dispensée, à mon époque en tout cas pour les catholiques, une retraite que dans aucune école privée catholique je n’ai vu donner dans une telle envergure intellectuelle. J’ai passé dans ce lieu chargé de grandeur de très belles années comme les deux qui ont suivi ensuite au Foyer des Lycéennes. Combien de prises d’armes également, de cérémonies où Honneur et Patrie s’embrassaient ? Il y avait toujours une délégation de jeunes filles de la « LH » aux grandes cérémonies républicaines. Gants blancs et bérets. Stoïques dans le froid de novembre.
Ils ont raison de la vouloir cette école-là ! Il y avait aussi un système de récompenses au mois et à l’année, sanctionnant études et comportement. Le must était d’obtenir évidemment les deux ensemble. Vous les portiez épinglées sur votre uniforme, robe bleue à collerette blanche ornée d’une ceinture de différentes couleurs selon les classes. Le collège se trouve aux Loges à Saint-Germain-en-Laye, le lycée et les classes préparatoires à Saint-Denis. C’est grand, c’est beau, on y fait classe comme il faut. Cela fait naturellement envie quand la faillite de l’Éducation nationale est patente.
Rien n’est parfait, là comme ailleurs ; sans doute que certaines de mes camarades n’auront pas les mêmes souvenirs heureux que moi. Un internat a toujours quelque chose de rude, même dans celui-ci quand ses week-ends s’étiraient loin de chez vous et pouvaient peser. Mais la « LH » représentait bien, en tout cas celle que j’ai connue, une certaine idée du mérite. Beaucoup ont réussi, certaines sont journalistes, chef d’orchestre (une très connue !), professeurs… ou encore, entre autres activités, organisatrice de très très grandes manifs… Excellence et réussite, loin de tout embrigadement. La culture était le seul mot d’ordre. Excellence et mérite dans un réel souci de transmettre le meilleur ; je vois très bien ce qui aujourd’hui fait à la fois envie et fâche. L’actuel Garde des Sceaux ne doit pas vraiment aimer, elle qui est en charge de ces Maisons…
La Patrie reconnaissante
Qu’on ne se méprenne pas : le signal donné la semaine dernière est grave et risque bien d’être le début de la fin. Et après, à qui s’en prendra-t-on ? Aux lycées de l’Armée ? Au Lycée Naval, au Prytanée militaire de La Flèche ? Ces manifestants, veulent-ils vraiment l’uniforme, les notes, la discipline que portent les Maisons d’Éducation de la Légion d’Honneur alors qu’elles révèlent la reconnaissance de la république envers ceux qui l’ont protégée au péril parfois de leur vie ? Mauvais temps… H.B.
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