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Le blog-notes de Radio Notre-Dame

Le blog-notes de Radio Notre Dame

Le blog-notes du 23 novembre 2015 – L’École des femmes au Théâtre 14 (À 02:35 sur le site de Radio Notre-Dame en réécoute).

Louis Daufresne : La période est difficile après les attentats et l’état d’urgence décrété est désormais prolongé pendant trois mois. Les centres commerciaux, les grands magasins enregistrent une baisse de fréquentation – c’est peut-être bon pour les magasins de proximité – les hôtels des annulations en cascade. Vous, vous êtes allée au théâtre…

Hélène Bodenez : A chacun de choisir son option comme disait le juge Trevidic sur BFM hier soir, choisir si l’on veut sortir ou ne pas sortir, mais qu’on nous laisse choisir. Si la menace est en effet réelle, s’il faut obéir aux mots d’ordre des forces de sécurité, cela ne m’a pas empêchée d’aller au cinéma, ni au théâtre. Et de la dernière pièce vue, j’aimerais pour faire partager mon enthousiasme. Il s’agit de L’Ecole des Femmes de Molière jouée au théâtre 14, Porte de Vanves. La mise en scène d’Armand Eloi est très classique, très élégante. Enfin une pièce qui n’est pas que poursuite, où les acteurs ne se jettent pas tous par terre. Il n’y a pas de grands moyens : petite salle, mêmes décors et mêmes costumes pendant deux heures. Mais les habitués du théâtre 14 savent que la qualité est souvent au rendez-vous.

L.D. : Une pièce donc sur le mariage

H.B. : Oui et au fond il y a une certaine militance à promouvoir ces relations homme/femme-là en nos temps troublés, le choix libre des époux, la liberté de la femme. Comme toujours chez Molière, la structure est un peu la même, un mariage empêché par la lubie d’un père. Mais dans L’école des femmes, c’est différent puisque le tuteur veut se faire amant. Par phobie de l’infortune conjugale – d’être cocu, disons-le tout net comme Molière le disait – voilà Arnolphe séquestrant une jeune fille dès ses quatre ans, Agnès, la faisant éduquer par des rustres, espérant ainsi qu’elle ne connaîtrait par les séductions du monde, l’idée même de tromperie. C’était sans compter ses neuf jours d’absence : un jeune blondin passe, Horace, et la belle Agnès a chaviré. La pièce commence là : de retour de voyage, Arnolphe voit son projet s’effondrer.

L.D. : Agnès a été élevée en quelque sorte en cage et voilà qu’elle s’envole…

H.B. : Oui c’est l’élément principal du décor cette cage dorée sur fond de nature verte : Agnès tout habillée de jaune canaris y est présentée d’emblée prisonnière, et l’on pressent dès la scène d’exposition que les choses ne vont pas se passer si facilement, puisque, assise sur une escarpolette, la présumée sotte lit… Les barreaux de la cage sépare deux mondes, celui de l’espace coercitif du monde de l’amour libre ; le monde de la rusticité du monde de la conversation et d’une certaine élégance. Les acteurs Pierre Santini et Anne-Clotilde Rampon portent la pièce d’Armand Eloi avec grande justesse. Arnolphe terminera dans la cage qu’il s’est lui-même forgée à force d’obsessions, mais livre un personnage plus complexe qu’on ne croit. Les savants éclairages de la pièce qui ont fait passer le spectateur du matin au soir, accompagnent finement la comédie des sentiments, éclairant les émois du cœur de l’intelligente femme. Superbe !