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La pub et le dimanche : C’est mieux en vrai… On adore !

Promenez-vous à Paris, à l’air libre près d’un grand centre commercial, ou sous terre dans le métro, vous serez frappé par la publicité continue faite aux ressources du dimanche ! Malgré l’envie de l’effacer dans ses racines les plus profondes, ce jour reste encore bien ancré comme jour incontournable de repos hebdomadaire. Les publicistes l’ont bien compris eux dont la culture large les fait surfer toujours davantage sur les inconscients collectifs.

Penchons-nous d’abord sur la publicité d’Italie 2, centre commercial en plein agrandissement dans le treizième arrondissement, centre qui entend attirer du monde ce jour-là dans cent trente boutiques et restaurants. Il s’agit évidemment de profiter du temps libre de la fin de semaine et d’attirer le plus possible de personnes le dimanche dans cet antre de la consommation.

Le centre commercial : promenade pour vieux

Une vieille dame, outrageusement maquillée, s’affiche alerte en un pantalon jaune démodé et blazer à fleurs, dans une tenue kitsch à souhait, pendentifs de mauvais goût aux oreilles. Un slogan traverse le visuel : Le shopping du dimanche. “C’est mieux en vrai” “Ouvert 7/7” est-il écrit dessous en plus petit. Il s’agit là naturellement de réorienter la vision d’une consommation le dimanche de personnes âgées désœuvrées et peu argentées, de lui donner un coup de jeune quitte à être offensants et cruels. Le centre commercial but de promenade pour vieux ce n’est plus possible : il faut que les porte-monnaie s’ouvrent !

Le sous-titre tombe alors terrible, agressif : “C’est mieux en vrai”. Pauvre fausse vieille belle ! Comprendre : le shopping du dimanche à Italie 2 est “mieux” que cette vieille femme qui se met sur son trente-et-un parce que n’ayant rien à faire d’autre. Entendre donc : La nouvelle consommation que nous vous proposons est jeune et moderne. Venez donc vite ! Publicité repoussoir…

C’est mieux en vrai

Mais, ne soyons pas si négative, allons au-delà du mauvais goût. L’on peut également faire l’ellipse du noyau du groupe nominal et comprendre “Le dimanche, c’est mieux en vrai”. Une publicité a toujours de multiples entrées et celle-ci n’est pas la moins intéressante. Ne renverrait-elle pas contre toute attente à la notion de vérité du repos dominical ? Ce temps donné initialement pour Dieu et qu’ainsi l’homme vive ?

Volkswagen ne prononce pas le mot dimanche

Depuis de nombreuses années désormais, les amis du dimanche, ne cessent de rappeler les dimensions de ce vrai repos, “noyau historique et culturel” d’une civilisation, santé du corps et de l’esprit. Ils rappellent à temps et à contre-temps les bienfaits du premier jour de la semaine qui ne saurait se réduire à hanter les allées d’un centre commercial. L’audience d’un tel discours fait son chemin, quoi qu’on en dise, devenant même un jour écologique dans sa dimension d’épanouissement intégral, d’équilibre de vie.

Nombre de “porte ouvertes” le dimanche n’annoncent plus autant qu’auparavant d’ailleurs qu’elles ouvrent le dimanche. À la télévision comme à la radio, on troque le mot “dimanche” pour “week-end”. Il ne faut pas faire trop sonner que l’on touche à un acquis social… Dans cette même veine, Volkswagen en ce moment annonce l’ouverture de ses magasins les 10 et 11 octobre prochains sans nommer précisément les jours concernés par ces ouvertures exceptionnelles. Serait-ce le signe d’une forme de mauvaise conscience ? D’une résistance inattendue à la déconstruction de la semaine de sept jours que les publicitaires ont bien perçue ? D’autant qu’en Allemagne le repos du dimanche est inscrit dans la constitution, “jour d’élévation spirituelle”… La marque allemande pousse-t-elle à ouvrir ses magasins le dimanche de cette façon dans son pays comme elle le fait en France ?

Dans le métro, la gaité Merinos

Photo : H.B.

La publicité des matelas français Merinos n’a pas de son côté mauvaise conscience et s’amuse plus que jamais avec ce jour. Oh, il ne s’agit pas promouvoir le travail le dimanche, non ! Mais le matelas, n’est-ce pas l’objet par excellence du repos ? Les affiches du métro font l’article en deux visuels différents : l’un mettant l’accent sur la belle résistance des matelas aux sauts des enfants venant réveiller leurs parents le dimanche matin en une joie familiale sympathique, l’autre pour dire qu’on l’adore avec subtile superposition matelas/dimanche puisque vous voyez l’un après l’autre.

Photo : H.B.

Le repos et le dimanche, il est vrai, s’embrassent même si ce n’est pas, à l’origine, pour paresser sur un matelas ! Même si ce n’est pas le matelas que l’on adore ! L’adoration, le dimanche, en est certes un jour privilégié dans la religion catholique puisque c’est Dieu seul que l’on adore. Utiliser ainsi ce mot n’est donc pas anodin. Il va chercher au plus profond des cœurs et des inconscients – pour un matelas ! – ce que ce jour sacré veut vraiment dire signe que ce n’est pas encore tout à fait effacé. Le publicitaire habile a de la culture…

Le dimanche : jour de vraie fraternité

Sourions donc sans amertume aux facéties publicitaires qui en disent long sur notre dimanche en péril. Retrouvons la gratuité du dimanche, jour de don, qui en quelque sorte, bon pour tous et pas seulement pour les catholiques, nous dit quelque chose d’une vraie fraternité. En tout cas, on se demande mi-amusé mi-inquiet si la pub ne parle désormais pas plus du dimanche que les encycliques !