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L’hebdomadaire Le Point promeut “Sodoma” de Frédéric Martel

La Une d’abord. Puis douze pages intérieures. Le livre Sodoma bénéficie d’une exceptionnelle promotion dans l’hebdomadaire Le Point. À charge, onze pages. À décharge si l’on peut dire, une page, celle de l’abbé Vénard. L’accusation se veut énorme, concertée et massive. Plus qu’un coup de com, la déflagration d’une bombe, « une descente aux enfers ». Beaucoup seront durablement ébranlés. En attendant de lire le livre à sa sortie, sortie prévue cette semaine, deux ou trois étonnements à partir de ces seules pages du Point.

Journaliste adoubé

Première surprise : l’impression dès le chapeau de l’article que le journaliste est adoubé ou en tout cas essaierait de se faire le collaborateur d’un pape à aider, pape d’emblée bizarrement cité, pape « inquiet » par l’homosexualité dans le clergé. Le journaliste s’inscrirait ainsi dans une préoccupation majeure du pape François. Quelle gentillesse, n’est-ce pas ? D’ailleurs, les pages du Point sont prolixes pour révéler à quel point le journaliste n’a eu que des facilités pour réaliser ses recherches.

L’argument d’autorité serait ainsi censé nous faire croire à une alliance objective entre l’Église dans sa recherche multiséculaire de vérité et ce journaliste aux quatre ans d’enquête, aux mille cinq cents ecclésiastiques interrogés dont cinquante et un cardinaux, cinquante-deux évêques ou monsignori. Ces chiffres pseudo colossaux auraient à eux seuls valeur de méthode, appelleraient un constat d’évidence, un constat sans appel. Mais nous n’oublierons pas dans le même temps que l’Église catholique porte en son sein plus de quatre cent mille prêtres, près de cinq mille évêques. Il y a peu de chances que « le bastion gay » qui agiterait l’Église soit donc représentatif même s’il est certainement trop gros. Nous n’oublions pas non plus la parole de saint Jean à propos des antéchrists « Ils sont sortis de chez nous mais ils n’étaient pas des nôtres… (1 Jn 2, 19) »

Le grand secret… de Polichinelle !

Deuxième surprise : « le secret de Polichinelle ». L’homosexualité du clergé serait à en croire Le Point un « grand secret » comme l’indique la couverture mais en même temps connu de tous ! Intéressant vraiment… De deux choses l’une : ou c’est vrai et tous nos journalistes spécialistes du Vatican sont à clouer au pilori de se laisser dicter l’agenda d’une attaque concertée LGBT sans précédent contre l’Église ; ou c’est faux, et ces mêmes journalistes n’auront pas de mal à riposter et de la plus véhémente façon, habiles à déconstruire le montage. On n’imagine pas un seul instant qu’ils aient pu taire si longtemps pareil scandale.

Troisième surprise : le sort inique réservé au pape émérite Benoît XVI « mystique authentique », « figure honnête, non hypocrite et tragique » quoique dans une sorte d’« homophilie maîtrisée » ! L’on retrouve dans cette phrase, comme concentré, tout ce qu’il y a d’on ne peut plus choquant dans ces pages. Ainsi font souvent ceux qui attaquent ce qu’ils ne peuvent pas comprendre : plaquer leurs perversions sur des purs, rendant ces purs coupables des vices d’autres. Quoi de plus énigmatique, sans doute, que la chasteté à celui qui ne la pratique pas, qui ne la pratique plus  ? Une certaine psychologie moderne tend de surcroît à réduire en « frustrés » ces chastes, ceux qui ne s’épanouiraient pas obligatoirement dans une sexualité débridée, niant la grâce surnaturelle qui préside à cette maîtrise de soi demandée par l’Église à la suite du Christ.

Le pape du samedi saint

Le pape du samedi saint au regard si pur le voilà de « la paroisse » au nom de cette règle personnelle édictée par le journaliste : le plus homophobe en est ! Quel sophisme ! Nous revient cette phrase de l’écriture dans l’épître à Tite « Tout est pur pour les purs. Mais pour ceux qui se sont souillés, et qui n’ont pas la foi, rien n’est pur. Leur esprit même et leur conscience sont souillés. » Ces souillures de l’ Église, le pape Benoît XVI en souffraient et les a révélées lors d’un chemin de croix en 2005, « effrayé » par les vêtements et le visage si sales de l’Église. Beaucoup de saints et de saintes dans l’histoire de l’Église ont dû ainsi supporter les calomnies proportionnellement inverses à leur vie de vertus. Jusqu’à des religieuses encore aujourd’hui. J’en connais personnellement.  

Atmosphère de fin des temps ? Sévérité extrême pour prêtres et religieuses de deuxième zone. Actes graves au sommet de l’Église à peine ou tardivement réprimandés. Les contradictions au sein de l’Église se font aujourd’hui béances énormes, deviennent tragiquement publiques. Qu’en sortira-t-il ? Nul doute qu’il faille plus que jamais prier, en Église souffrante, ne pas se troubler, se fortifier face aux temps qui viennent. Il y a comme un avertissement ultime dans ces révélations terribles.

Sodoma
La Une du Point
n° 2424
14 février 2019

Retenons malgré tout du dossier du Point cet hommage liminaire, écrit comme en guise d’excuses : « Lancé comme un pavé à la face d’une Église considérablement affaiblie par les scandales d’abus sexuels, son livre [Sodoma de Frédéric Martel] se parcourt, pour un catholique, comme une longue Via Dolorosa, en pensant aux milliers de ses serviteurs (plus nombreux qu’on ne le croit) qui s’engagent, se sacrifient, pour le bien commun et les plus fragiles, sans jamais céder au moindre plaisir. » Il fallait évidemment que cela fût dit !