Par

Hold-Up : le style de Pierre Barnérias dérange

Les lecteurs de ce blog ont eu l’occasion déjà de lire mes critiques de deux films de Pierre Barnérias : M et le 3e secret, Thanatos. Il y en aura donc une troisième car j’ai également vu le dernier opus, Hold-Up, après que le film a pourtant été censuré. J’ai eu la chance de le trouver via un lien we transfer sur twitter.

Le moins que l’on puisse dire c’est que la crise de la COVID a révélé mensonges, absurdités et contradictions énormes dans les sphères les plus hautes qu’elles soient politiques, scientifiques, qu’elles soient journalistiques. Le vulgum pecus a été obligé depuis des mois de se faire une opinion emporté malgré lui dans un maelström ubuesque qui le laissait bien souvent désorienté. L'”inutile” a cherché boussole, bouées, protections et il lui a fallu choisir, seul, à la fin, la prudence, absolument.

Retour du refoulé

Alors quand Hold-Up sort, c’est la ruée. Forcément. Par une sorte de retour du refoulé les spectateurs ont trouvé comme un exutoire à leur absence de réponses. Des millions de spectateurs sont alors au rendez-vous et quand on les empêche, ils s’accrochent. Le long documentaire fait alors beaucoup hurler en face. Les grands médias se sentent morveux et sortent articles sur articles pour dénoncer le complotisme ajoutant au succès du film clandestin. Pour lister les fake news naturellement et se dédouaner puisqu’ils sont bigrement attaqués notamment au moment de l’article bidonné du Lancet ! On ne sait toujours pas qui est derrière cet énorme scandale, lance dans le film l’ancien ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy qui s’est depuis désolidarisé du film.

Ceux qui prennent fait et cause pour le film – et ils sont malgré tout nombreux – le font mezzo voce : offusqués de la censure, revendiquant la liberté d’expression pour Pierre Barnérias, mais n’avalisant pas tout le film qui serait trop long et dont la fin sur le “Great Reset” ne serait pas crédible. Bon. Moi, j’ai eu alors en tête la fin de Globalia de Jean-Christophe Rufin qui disait à propos de sa dystopie “C’est déjà là !”. Personne n’a alors crié au complot. Ludlum dans Opération Hadès n’a rencontré aucune vocifération. Pourtant que décrivent les romans sinon une part de vérité. L’extrait des Guignols, le “bizness plan”, qui sonne tellement juste dans le film date de 2012 ! Tout le monde riait à cette époque à gorge déployée !

L’hétéroclite a son dynamisme

Un artiste c’est un style, une vision. Ayant vu les autres films, je perçois dans celui-ci plus que dans les autres encore la patte de Barnérias. Le cinéaste aime ces mises en scène choc, léchées, dramatisées. Après tout, il n’est pas le seul aujourd’hui à jouer sur la corde affective. Et force est de constater qu’il rencontre un certain public. C’est sûr, il faut le reconnaître, son docu n’est pas en premier lieu pour ARTE. Et alors ? Qu’y a-t-il de malfaisant dans tout cela ? On en voit à la télévision et au cinéma des choses bien plus nulles et bien plus immorales qui ne font sourciller personne si tant est que le film le soit, nul et immoral, ce que je ne crois pas. Alors pourquoi haro sur le baudet en ces jours de rappel douloureux de la liberté d’expression en France ? Parce que Pierre Barnérias a une vision des choses qui ne rencontrerait pas l’unique pensée ? Aurait-il touché, même de façon cahoteuse, là où ça fait mal ?

Hold-Up est un film kitsch, comme je l’ai déjà dit. Ce que je perçois sous le mot de kitsch, et qui pourrait sembler injurieux, en réalité ne l’est pas. L’hétéroclite a sa force et son dynamisme. Mélanger sommités et idées reconnues avec des noms et des réalités plus obscurs, plus secondaires, borderline même, dit en tout cas bien la soif de vérité totale de Pierre Barnérias qui ne veut pas trier, imposer d’ordre préséant. C’est même un signe de reconnaissance. Certes, cela décontenance cet hétéroclite, comme dans une espèce de relativisme où seraient mis à même niveau les éléments de second plan et ceux d’importance.

La satire par en-dessous

Mais ce ballottement forcé du spectateur est un style. Cherche-t-il une surprise coûte que coûte, jusqu’à l’état de malaise ? Ce mélange, sorte de macédoine aigre-douce, porte une satire par en-dessous, puissante. De ce point de vue le but est atteint. Pierre Barnérias ne cherche pas à déverser de sagesse toute faite mais à partager ce qu’il a dans sa besace en vrac. C’est tout.