Heureux ceux qui pensent dimanche !
Il y eut ce singulier « Penser printemps » lors de la campagne électorale qui en avait fait rire plus d’un sur le moment mais qui a su étonnamment toucher son but malgré les ricaneurs. Emmanuel Macron a bien été élu président de la République au printemps dernier. Mais avec ce jeune chef d’État, c’est tout un cortège hivernal de déconstructions dont le repos dominical qui est advenu. C’était promis. Ce fut tenu. Les grands magasins peuvent aujourd’hui ouvrir le dimanche et en soirée dans les zones touristiques internationales (1) de certaines grandes villes dont Paris qui en compte douze. Sinon, c’est ouverture possible de toute façon douze dimanches par an, soit un repos dominical de moins par mois.
On pourrait se dire que la bataille du repos dominical est donc définitivement perdue, que le dimanche devient un jour comme un autre voulu par ces Français toujours plus acquis à l’individualisation du temps. Seulement ce serait sans compter sur la détermination des syndicats d’une part, sur la désinvolture des élus de Paris d’autre part. Certains heureusement continuent de Penser dimanche ! Cette semaine un événement intéressant s’est déroulé révélant que les carottes ne sont pas cuites. « La guerre du temps a bien lieu », a titré Alternatives économiques.
Rififi au Conseil de Paris
Une petite dépêche AFP est en effet tombée. Pas reprise par tous les médias, non, mais Libération relaie, France soir également. « Des élus écologistes et communistes de Paris, hostiles au travail le dimanche, ont demandé l’annulation d’une décision municipale mettant en place dans les commerces douze dimanches par an dans la capitale, pour non respect de procédure. »
Un contrôle de légalité est demandé : les élus ne s’en tiennent pas au seul vote en Conseil de Paris n’émettant, disent-ils, qu’un “avis consultatif”. Ce qu’ils entendent démontrer c’est que cet avis n’a pas été entériné par un vote de la Métropole du Grand Paris le 8 décembre dernier. L’AFP précise en effet que si « le conseil métropolitain a délibéré sur les demandes de dérogations présentées par les autres villes de métropole », Paris n’a pas transmis sa liste, n’a pas non plus respecté la date butoir du 31 décembre. Pour les deux groupes d’élus le nombre de dimanches travaillés doit donc retomber au minimum légal, soit à cinq dimanches autorisés.
L’affaire tombe à pic pour nous qui pensons depuis le début que l’on a probablement monté de toutes pièces l’opération “Création d’emplois” pour déboulonner le repos dominical. La vague de licenciements annoncée cette semaine par Alexandre Bompard, le nouveau PDG de Carrefour nous le confirme amèrement. La FNAC et Darty dont il avait les rênes au cœur de la lutte pour le repos dominical étaient les enseignes fer de lance du travail le dimanche. Que l’on se souvienne encore : Pierre Gattaz avait même avancé le chiffre d’un million d’emplois créés… Or, qu’advient-il aujourd’hui ? Le repos dominical est tombé et on va licencier à tour de bras.
Que devient l’Observatoire des ZTI ?
Mais ce n’est pas tout. L’Observatoire des ZTI mis en place en 2015 par Anne Hidalgo n’a pas non plus rendu ses conclusions à la date prévue. Que cache donc ce cafouillage ? On ne sait, mais le promeneur du dimanche à Paris se rend compte que les magasins ouverts le dimanche sont loin d’être bondés.
L’option optimiste serait de se réjouir, l’on se dit que comme dans le passé, on sera bien obligé de faire marche arrière : le dimanche ne rapporte pas tant que cela. Pire : le dimanche travaillé fait des dégâts sur les salariés ne pouvant s’y soustraire. Santé, équilibre de la vie personnelle et de la vie professionnelle… Les grandes perdantes d’ailleurs sont une fois encore les femmes. C’est une bien triste considération au moment où l’on a l’expression « égalité Femmes/Hommes » à la bouche à tout bout de champ.
Faire marche arrière ? Vraiment ? L’option pessimiste déboule alors : bien sûr que le dimanche va devenir un jour de la semaine comme un autre, sans compensations, sans surplus de salaire, sans ce fatras de promesses qui ne devaient durer qu’un temps, le temps d’embobiner les crédules et d’amollir toute résistance. Et la chrétienne par-dessus le marché ?
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Les ZTI sont au nombre de 12 à Paris : Saint-Honoré-Vendôme et les Halles (1er arrondissement), le Marais (3e arr.), Rennes-Saint-Sulpice (6e arr.), Saint-Germain (7e arr.), Champs Élysées-Montaigne et Haussmann (8e arr.), Saint-Émilion-Bibliothèque (12e arr.), Olympiades (13e arr.), Beaugrenelle (15e arr.), Maillot-Ternes (17e arr.) et Montmartre (18e arr.). La mise en place du travail le dimanche dans une ZTI doit se faire dans le cadre d’accords passés entre l’employeur et les salariés qui sont décrits à l’article L.3132-25-3 du code du travail. Ceux-ci prévoient notamment les contreparties salariales, les mesures permettant de concilier vie personnelle et vie professionnelle comme la compensation des frais de garde d’enfants par exemple, etc
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Lire sur le site de 20 Minutes “Strasbourg : Les syndicats se mobilisent contre le travail le dimanche”
Lire sur le site de La Nouvelle République : “L’ouverture dominicale des hypermarchés fait débat”
Lire sur le site Le Progrès-Le Puy-en-Velay : “Travail le dimanche : les enseignes se limiteront à cinq dimanches”