Gagner ou perdre en 2017 : question d’école !
La première des deux journées consacrées à la refondation de l’école de la république, un « point d’étape », vient donc de se terminer. Ouverte par les trois ministres de l’éducation nationale du quinquennat Hollande, fermée par le président de la République en personne, elle est apparue comme une immense opération de ressaisissement des troupes. À un an des présidentielles, alors que la fronde concernant la réforme du collège applicable dès la rentrée prochaine ne s’éteint toujours pas, l’opération de charme a déployé toutes les grosses ficelles : rhétorique huilée, visuels léchés, direct via Dailymotion avec ses chiffres oscillant entre soixante et presque six cents personnes.
Le « plan de com du gouvernement », a twitté le député Annie Genevard, spécialiste des questions d’éducation, pour Les Républicains … Quant à François-Xavier Bellamy, il s’est insurgé, qu’en pleine crise de l’école, « ses trois derniers ministres convoquent la presse pour « s’autocélébrer ». Ils sont en effet persuadés, nos chers ministres, que les réformes issues de ce « travail arachnéen… feront date », « seront surtout utiles ». Méthode Coué en plein naufrage ou aveuglement idéologique ? Les deux sans doute, mon capitaine !
Pas moins de trois ministres de l’Éducation nationale
Vincent Peillon – qui « n’a pas parlé depuis deux ans » – est apparu tel qu’en lui-même, loquace et tout sourire, drapé dans sa superbe idéologue, revendiquant d’emblée cette lumière naturelle à « faire grandir », chère aux philosophes des Lumières. De son côté, Najat Vallaud-Belkacem, chahutée au premier mot, a pris un ton doucereux de petite fille qui ne lui va pas du tout. Benoît Hamon n’a pas, quant à lui, applaudi à tout et, bien que complice, a réussi à émettre finement quelques réserves en conclusion de son discours. Que tous les efforts de la réforme ne soient pas « réduits par la loi travail »… Attention aux évolutions d’une école toujours « plus utilitariste, plus consumériste »… parfois « plateforme de services »… Voilà pour l’explicite.
Mais il y a eu également, çà et là, des pointes intéressantes comme la référence par exemple à l’étymologie grecque et latine du mot « crise ». Au moment où l’on sacrifie les langues anciennes sur l’autel du code, le choix de Benoît Hamon n’est évidemment pas anodin et sans doute même est-il discrètement subtil dans cette passe d’arme à fleurets mouchetés qu’est l’« examen de conscience » qu’il force son successeur à faire sous l’égide de Marc Bloch.
S’agirait-il de comprendre de manière oblique qu’un ministre de gauche comme lui, pur produit du mérite républicain, regretterait le latin et le grec, en serait fier ? Notons également, son humour quand, rappelant son éphémère mais « intense » passage rue de Grenelle, il ne refuse pas les miettes du bilan positif qui passera ce matin par une autosatisfaction assumée. Aucune autre majorité ne défera d’ailleurs ces enjambements de cycles « audacieux », aucun homme raisonnable, a même renchéri, presque machiste, Vincent Peillon.
La réforme de l’école, « ce que veut la nation » ?
Oh, il n’a pas été question des ABCD de l’égalité, ni de la théorie du genre, Najat Vallaud-Belkacem s’est bien gardée d’y faire référence puisqu’elle n’existe pas. Mais le grand principe a été réaffirmé : « L’inégalité de moyens pour une égalité de réussite ». L’enseignement privé sous contrat en fait anormalement les frais.
Il s’agissait de mettre tout le monde au pas, à commencer par les premiers concernés, les professeurs. On a rappelé les prochaines augmentations, les différentes formations, les dizaines de milliers de postes créés, on a pris bien soin de les remercier, plusieurs fois. Sauf que, jamais les professeurs n’ont été vraiment consultés. Et quand ils disent, pendant des mois, leur ferme désapprobation, ils sont marginalisés.
La critique ne s’est d’ailleurs pas fait attendre : quand la salle a eu la parole, quelqu’un a demandé si les professeurs étaient de « simples exécutants » dans le dispositif. Ce à quoi a répondu Claude Lelièvre, que « ce n’était pas déshonorant de mettre en pratique ce que veut la nation » ; que « les professeurs, s’ils sont des cadres supérieurs (sic), ne font pas partie des professions libérales »… Traduire : oui, qu’ils exécutent la réforme, et que ça saute, le petit doigt sur la couture du pantalon ! Et tant pis si cela vient contredire les grandes envolées lyriques de Vincent Peillon qui en appelait l’instant d’avant à l’esprit éclairé ; et tant pis si l’étymologie du mot crise en appelait au discernement, à l’intelligence des choses. Les propos furent ainsi derechef frappés d’hypothèque à peine prononcés. Bien prétentieux de surcroît, me dis-je, de faire croire que la réforme serait « ce que veut la nation » !
Que signifie l’« effort de laïcité » remarqué par le chef de l’état ?
Des discours entendus, le plus décevant fut sans conteste celui de François Hollande qui semblait bâclé, pas à la hauteur de l’événement, avec ce sommet d’obscurité : « La charte de la laïcité a été introduite dans les écoles avec un effort fait pour que les parents puissent y adhérer ». J’ai beau relire dans tous les sens, je ne comprends pas cette mauvaise phrase, ce que peut signifier l’expression « effort fait ». Est-ce à dire qu’on aurait contorsionné la laïcité pour que celle-ci passe auprès des parents ? auprès de certains parents rétifs ? Auquel cas, la laïcité serait-elle plastique ?
Or, rien de moins souple précisément que cette notion présente au premier article de notre constitution. Ainsi donc, des laïcités, ou plutôt une laïcité édulcorée, réduite à un plus petit commun dénominateur, pour qu’elle passe auprès des parents musulmans ? auprès des parents de l’enseignement privé catholique qui s’est empressé de l’avaliser et de la faire joindre dans les projets d’établissement ? Ou plutôt, une laïcité masquée qui s’affiche souriante, cosmétique, sans paraître ce qu’elle est vraiment ? Mais non, je dois faire fausse route…
Oublier les mauvais débats
Les grandes manœuvres pour la bataille de 2017 ont en tout cas débuté, avec comme cœur de cible de la gauche, son électorat privilégié (1), le milieu enseignant prié de se soumettre et d’oublier avec le sourire les « mauvais débats ». Il fallait pour cela dégainer vite et tôt car la reconquête s’annonce difficile, ne pourra pas se réaliser en un seul colloque. Pas sûr cependant que la stratégie déployée porte cette fois-ci beaucoup de fruits.
Car, l’incantation dans la bouche de ceux qui revendiquent valeurs de la république et lumineuse raison à tout bout de champ finit par fatiguer et surtout par faire sonner fort le faux et l’injustice qui caractérisent désormais la politique désastreuse de François Hollande.
#RefondationEcole #cavamieux aussi pour l’écolehttps://t.co/UdAGGRbFIK pic.twitter.com/fu1y6wIlsX
— Mehdi Mebarki (@MehdiYanis) 2 mai 2016
***
Lire sur le site du Figaro Vox : “Assises de la refondation de l’école : le zéro pointé d’un prof”
- (1) 45% des enseignants ont voté pour François Hollande en 2012 ; ils ne sont plus que 25% aujourd’hui à le soutenir, tweete ce soir BFM @20HPolitique
- Le discours de Najat Vallaud- Belkacem
- Le discours de Vincent Peillon
- Le discours de Benoît Hamon