Exposition « Béatitude » de François-Xavier de Boissoudy : épiphanie du couple

Par François Allais
Collègue de lettres à Saint-Louis de Gonzague/Franklin (Paris), François Allais enseigne les lettres classiques en collège et en lycée. Il assume en outre par intérim la charge de préfet des études des classes de troisième. Je lui donne volontiers la parole sur mon blog.
Il faut aller voir à la galerie Guillaume, située rue de Penthièvre dans le 8e arrondissement de Paris (1), l’exposition de François-Xavier de Boissoudy qui, pour illustrer le thème des Béatitudes, en s’inspirant des évangiles de Matthieu et de Luc (2), consacre finalement sa création à la « Béatitude » de la vie conjugale qu’il nous laisse entrevoir dans ses fragilités et ses transcendances.
Nuances du brun et de l’ocre
Figure reconnue de l’art sacré français contemporain, après sa conversion en 2004, François-Xavier de Boissoudy, a d’abord privilégié pour sa création les lavis à l’encre noire. Ici, en différents formats, ce sont surtout ses huiles sur toile où dominent toutes les nuances du brun et de l’ocre qui frappent le regard. Son dessin volontairement estompé laisse habilement place à tout un jeu de lumière, souvent rendu dans un subtil clair-obscur qui établit une manière de pont entre clarté extérieure et clarté intérieure.
Le couple dépeint n’est pas figé, mais comme saisi dans un instant de vie, où l’on perçoit l’ineffable présence du Créateur qui semble faire passer gestes et regards de l’inquiétude à l’extase. L’homme et la femme, avec une sensualité douce et pudique, se devinent et se guettent, se rejoignent et se contemplent, se parlent et s’interrogent, s’effleurent et s’étreignent, dans le délicat mouvement lent de leur secrète attirance.
L’amour célébré s’en trouve sublimé : c’est à l’intime de leur cœur que prend naissance la lueur qui les illumine harmonieusement, dans l’otium sacré d’une vie à deux qui, avec sa part d’ombre et de lumière, ne demande qu’à s’accomplir en accédant à la plénitude trinitaire. On est là bien loin de l’agitation superficielle d’une société humaine trop souvent éprise de gloriole, dont les héros narcissiques noient béatement leur être dans un avoir éphémère.
Simplicité sereine
Le mérite et le talent de François-Xavier de Boissoudy, c’est de nous montrer tout cela dans la simplicité sereine des gestes et des moments ordinaires d’une vie conjugale, où l’homme et la femme semblent d’autant plus goûter leur bonheur d’être ensemble qu’ils peuvent en ressentir l’origine et la grâce. Les lieux, extérieurs ou intérieurs, eux aussi par leur simplicité même, forment le cadre et le berceau édéniques de cette communion qui semble s’affranchir du temps, comme toujours renouvelée dans l’innocence d’un éternel commencement.
Belle vision poétique et presque mystique du couple, à la fois lumineuse et paisible, celle d’un couple d’aujourd’hui esquissé dans son humanité pure, pétri dans une glaise ocre et blanche, dont l’humble (3) vie paraît surgir de l’ombre et doucement s’embraser au souffle de l’Esprit ! /Fr.A
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1. Galerie Guillaume : 32, rue de Penthièvre, 75008 Paris. L’exposition « Béatitude » est prolongée jusqu’au 25 janvier 2020.
2. Mt 5, 3-12 ; Lc 6, 20-23.
3. Désignant l’homme en hébreu, le nom d’Adam signifie « celui qui est fait de terre », d’une terre rougeoyante (adamah). Le lexique latin établit à peu près le même lien en donnant au nom masculin homo, -inis, désignant l’homme, l’être humain, la même racine que celle du nom qui désigne la terre et le sol, humus, racine que l’on retrouve naturellement dans les termes qui précisent ce que l’homme ne doit jamais refuser d’être, humilis, humble, en attendant de partager la gloire de Dieu.