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Attaques islamistes à Paris : spectral Daech

symbole attaques terroristes Paris

Cette fois-ci les Ricains n’ont pas surgi. On savait que l’heureuse coïncidence de la présence des militaires américains déjouant l’attaque dans le train à grande vitesse ne se reproduirait pas. Si ce jour-là le carnage avait été évité in extremis, il paraissait pourtant assez évident qu’il fallait vite profiter de l’avertissement si net de la haine des terroristes pour la France. Las ! « les coups de surprise à nos cœurs enchantés de l’amour du monde », comme aurait dit Bossuet – et « celui-ci [était] assez grand et assez terrible », – n’auront pas infléchi l’analyse de la situation catastrophique dans laquelle se trouve la France depuis plusieurs mois. Nos politiques, tout avertis qu’ils étaient, n’allaient rien prévoir, allaient une fois de plus tout subir.

Pendant Spectre, agitation louche

J’étais au cinéma vendredi soir. Le quartier de Montparnasse, comme souvent le week-end grouillait de tous ces citadins cherchant détente et divertissements légers. Plusieurs salles de Paris affichaient complet depuis le début de l’après-midi pour Spectre ; j’avais finalement réussi à trouver trois places pour la séance de 20h30 que je m’étais mis en peine de réserver tôt pour le très couru dernier James Bond.

Alors que l’élégant sujet de sa Majesté s’acharnait à employer les moyens les plus sophistiqués pour sauver la belle française Lea Seydoux, voilà que quelques spectateurs se lèvent, sortent. Certains reviennent cependant s’asseoir. Je trouve louche cette agitation soudaine mais ne trouve aucune explication à cela. Alors qu’un SMS de son fils lui arrive « T’as vu les nouvelles ? », mon voisin me montre discrètement, dans l’obscurité, sur l’écran lumineux de son IPhone, le fil de l’actualité du Point « Fusillade à Paris »… À ce moment-là, je ne sais pas encore qu’il y a plusieurs attaques coordonnées. J’ai du mal à me concentrer sur la fin du film. Le happy end attendu, fidèle au genre, ne se superposera hélas pas à ce que nous n’allons plus tarder à apprendre. Le générique n’a pas le temps de se dérouler jusqu’au bout que la salle se vide. Beaucoup sont alors rivés à leur portable. Tout à coup, la fièvre de Montparnasse me semble tout autre : la magie du cinéma est cassée : nous voici rendus au tragique du moment. Dans notre réalité, il n’y aurait pas de James Bond pour sauver les jeunes Français du Bataclan.

Puis ce sont les heures devant les chaînes d’information, l’horreur du bilan. Je me couche groggy. Je me réveille groggy encore. Pas de cours ce samedi dans mon lycée fermé comme tous les lycées de France. Comment en est-on arrivé là ?

Contrairement aux bonnes âmes qui vous étalent leur communiqué ou leur tweet tartinés de la confiture de la décence ou de l’unité nationale, je n’arrive pas à sacrifier à la pudeur en cours qui sonne faux. Bien sûr, le hashtag Pray For Paris utilisé par le pape François lui-même, je l’écris. Bien sûr, il faut prier. Bien sûr, je pense aux victimes et aux forces de l’ordre. Bien sûr, chaque tweet est pesé. Mais depuis vendredi soir je suis en colère. Comment le sol français n’a-t-il pas été davantage protégé ? Pourquoi ne ferme-t-on les frontières que maintenant ? Pourquoi le juge Trevidic n’a-t-il pas été écouté quand dans son bureau un terroriste avait avoué qu’un attentat dans une salle de concert se préparait ? Pourquoi jouons-nous à ce point les naïfs ? Pourquoi s’occuper de politicaillerie quand on frise le chaos ? Pourquoi tant d’aveuglement coupable ? Pourquoi ? Pourquoi ? Ne s’agit-il donc pas de la vie de nos jeunes ?

Quand François Hollande dans sa toute première allocution, vendredi soir, a lâché « Nous savons qui c’est », qu’on me pardonne mais j’avoue que j’ai enragé ; non – mea culpa, mea maxima culpa – je n’ai pas pensé à l’unité nationale. Comment l’Histoire tranchera-t-elle à propos d’une phrase si terrible ? Que feront les familles endeuillées, en proie à la pire douleur, la perte d’un enfant ? Une class action contre l’État “qui savait” ? C’est bien beau d’en appeler à l’unité nationale quand elle est à construire entièrement, de toutes pièces, et à partir de ruines fumantes. L’état d’urgence est censé contrer un danger imminent, c’est-à-dire qui menace, pas après coup lorsqu’il est passé et a atteint son but.

Les faux-dévots de Daech

Le générique de Spectre sur sa musique envoûtante montrait une sorte de monstrueuse pieuvre tentaculaire prenant possessionSpectre James Bond de ses proies sans qu’elles pussent grand-chose. C’est un peu cela Daech, des spectres infernaux, tels ces squelettes de la parade de la fête des morts à Mexico au début du film. La mort, rien que la triste mort dans le sillage de ses cibles. À entendre les assassins de l’organisation terroriste, notre capitale, tout à sa « perversion » et à son « abomination », la mériterait cette noire mort. Ainsi habillent-ils de cause morale le massacre de « centaines d’idolâtres ».

Mais la raison sonne faux lorsque l’on confronte cette affirmation avec l’autre affirmation accusatrice « Paris qui porte la bannière de la croix en Europe ». Comment les terroristes peuvent-ils superposer sans mentir le reproche moral au reproche religieux, quand il y a belle lurette que l’Allemagne et la France tournent le dos ostensiblement au christianisme ? Ce n’est pas le christianisme qui agite un chiffon rouge sous le nez de Daech avec l’affiche salace de Eagles of DeathMetal annonçant le concert du Bataclan ; ce n’est pas non plus le christianisme qui invite à chanter Kiss the Devil. Après l’horreur, force est de constater que l’abomination et la perversion ne grandissent pas du côté qu’on croit. Il n’y a au contraire que prétextes fallacieux pour justifier le massacre : foot, rock, alcool que représentent le Stade de France, le Bataclan ou les bars-cafés attaqués n’abusent personne. Écrans de fumée, ils ne cherchent qu’à masquer l’idéologie totalitaire et asservissante fonctionnant à plein. Et quand Tartuffe se fanatise au dernier degré, se métamorphosant en vampire assoiffé de sang, nous le voyons, c’est pour le pire !

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RELIRE sur le site de Paris Match, article du 25 septembre 2015 : “On manque d’hommes pour neutraliser les terroristes”