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VatiLeaks : le mot “limoger” au crible de l’actualité

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L’heure est au limogeage tous azimuts. Le pape « aurait pleuré » en apprenant le limogeage surprise de « son ami » Ettore Gotti Tedeschi, président de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR), la banque du Vatican. Étrange limogeage ! Tous les commentateurs sont unanimes pour noter que l’entreprise de transparence en cours était pourtant en bonne voie. Personne ne met visiblement en cause l’expertise ni la compétence du banquier. Alors pourquoi ?


Constatons d’abord qu’Henri Tincq sur Slate n’utilise pas le terme négatif de limogeage et parle plutôt de l’éviction du « Monsieur Transparence » : 


 « Ce n’est pas tout. Peu avant l’arrestation du majordome, Ettore Gotti-Tedeschi, président de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR) – la banque du Vatican -, avait été évincé brutalement de ses fonctions. Mis en minorité par le comité de surintendance de l’IOR composé de quatre financiers, il aurait payé son opposition au rachat par le Vatican de l’hôpital milanais San Raffaelle, fondé par un religieux et tombé en faillite.

   Mais Ettore Gotti-Tedeschi était aussi en butte à une campagne de contestations en raison de son action tenace pour une politique de transparence des finances vaticanes. Mandaté explicitement par le pape, il se serait heurté à de nombreuses réticences internes, dont celle du cardinal secrétaire d’État.

   Ainsi, ce sont deux collaborateurs laïcs parmi les plus proches du pape qui sont évincés. »


Sait-on ensuite ce que signifie ce mot qui a la fortune des médias aujourd’hui, d’où ce verbe vient ? Le Dictionnaire historique de la langue française (Bordas, 2006) précise que LIMOGER est « à l’origine un terme argotique de l’administration militaire, dérivé (1916) du nom de Limoges, ville du centre de la France où le généralissime Joffre assigna à résidence les officiers d’état-major qu’il avait relevés de leurs fonctions au début de la première guerre mondiale. »

 

Rappelons pour mémoire qu’au début de la guerre de 14-18, le général Joffre affronte une crise grave dans le haut commandement de l’armée française. Il écarte alors de nombreux hauts gradés de leur poste, « brillants en temps de paix », « incapables au front ». Joffre décide le 27 août que ces généraux faillibles doivent se retirer dans une localité dans laquelle se trouve Limoges.

 

C’est de cet épisode historique que vient le verbe limoger. Même si le sens du verbe connaît aujourd’hui un sens plus affaibli, lié à celui seulement de « frapper (une personne haut placée) d’une mesure de disgrâce », « relever de ses fonctions », limoger reste lié dans son origine à l’incompétence. Est-ce vraiment le mot juste concernant Tedeschi dans la cauchemardesque affaire Vatileaks ? Alors de quel côté l’incompétence ?  H.B.

 

Photo : H.B.