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Travail le dimanche : un dossier de plus en plus bricolé

Media le Mag 6 10

Paru sur le site de Liberté poltique après mise à jour le 9 août


Thomas Hughes avait dégainé le premier. Dans son excellent “Medias Le Mag”, flanqué de sa fine équipe de journalistes, l’ex-présentateur vedette du JT avait analysé de près la manipulation des “Bricoleurs du dimanche”, l’instrumentalisation inédite de salariés d’enseignes de bricolage payés pour manifester par leurs patrons.

 

À la manoeuvre, une boîte de com’, les Ateliers Corporate. Tout y était mis à jour dans la séquence « Coup de com’ » de l’émission et le blog « Raison garder » de l’auteur de ces lignes, dédié à la défense du repos dominical, avait tôt relayé l’affaire le 10 octobre 2013.

 

C’était en pleine actu du rapport Bailly : que ne ferait pas en effet une gauche servile pour damer le pion à la droite en libéralisant le travail du dimanche ? Que n’inventerait-elle pas enfin pour « assouplir », « moderniser », « rendre flexible » un point du droit du travail jugé dépassé et bientôt délayé dans la grande soupe de la mondialisation ultra-libérale ? 

 

Faux-pas honteux : l’opération de com’ compromise ?

 

Pris la main dans le pot de confiture comme le montre le reportage concernant ces Bricoleurs du dimanche, gêné, le directeur des Ateliers Corporate s’était justifié comme il avait pu en bon Saint-Bernard : « On les aide pour que les médias s’en occupent. »

 

Quelques mois plus tard, le 6 mai dernier, c’est au tour de la talentueuse Carole Gaessler dans Le Monde en Face de reprendre l’affaire, devenue un marronnier. L’émission est cette fois-ci dédiée aux jeux d’influence et aux stratégies échafaudées par des entités soudain mises à mal.

 

À chaque fois, les entreprises mal en point appellent des agences de communication au secours. Exemples convoqués : Coyote, Richard Gasquet, la Société générale dans sa crise avec Jérôme Kerviel. Abordé également, le collectif des Bricoleurs du Dimanche. Mais le ton n’est plus tout à fait le même que dans Medias Le Mag.

 

En phase 2, on se récupère

 

En marche en réalité désormais, la phase 2 du plan com’ qui a failli mal tourner et le début de sa récupération. Après tout, même un faux pas peut être positivé. Puisque les mass médias refusent d’être dupes en dévoilant la manipulation — en tout cas une partie d’entre eux — qu’à cela ne tienne : avouons publiquement le forfait et déguisons-le en succès. Répété en boucle, le bobard finira par s’imposer comme vérité et spectateurs ou auditeurs par en être convaincus.

 

D’où les nouveaux dossiers d’émissions comme « Anatomie d’un succès d’influences » de Carole Gaessler ou encore en ce dimanche de juillet sur Europe 1, « Secrets de Com’ » où Wendy Bouchard analyse, avec ses invités dont Robert Namias, la recette d’un succès.

 

De qui croyez-vous en effet que médias et experts en com’ parlèrent sans sourciller ? De nos candides Bricoleurs jaunes orange ! Entre bricoleurs on se comprend tellement ; on invente même. Et d’entendre les contre-vérités d’Arnauld Champremier-Trigano : le slogan « Yes week-end ! » aurait été trouvé par la boîte de com’, aurait été soufflé aux salariés mobilisés. Archi-faux : dès le débat de la Loi Mallié en 2008, il courait le slogan… Les archives du site Travail-dimanche.com, site du « Collectif des Amis du dimanche » (CAD), le révèlent aisément.

 

Hold-up sur le droit de 18 millions de salariés

 

On reste médusé devant tant d’aplomb malhonnête. Qui juge ainsi du succès dans cette satisfaction bonhomme, cette faconde performative ? Ceux-là mêmes qui l’orchestrent, grandes enseignes et médias se parant des plumes du paon, ceux-là mêmes qui largement complices se congratulent en dehors de toute réalité, niant en toute connaissance de cause les dix-huit millions de salariés auxquels ils veulent enlever de force la jouissance d’un droit historique, le droit au repos hebdomadaire donné à tous le dimanche. Puissants de connivence s’entendant bien visibles dans un entre-soi pénible sur le dos de pauvres invisibles.

 

Le pseudo succès de ces communicants vénaux, quel est-il vraiment ? Essayer de faire croire que patrons et salariés ne sont plus liés par un contrat de subordination ? Qui va tomber dans le panneau ?  H.B.