Travail le dimanche : Thouvenel écrit aux députés
1er mars 2013
Monsieur le Député,
L’actualité nous rappelle de façon récurrente que la loi du 10 août 2009, visant à étendre les dérogations au principe du repos dominical et à légaliser des pratiques jusqu’alors interdites, est non seulement une atteinte grave à ce temps privilégié pour la vie familiale, personnelle, associative et spirituelle qu’est le dimanche, mais, qu’en outre, elle a complexifié inutilement le droit du travail, instauré le principe « à travail égal, salaire différent », légitimé des distorsions de concurrence territoriale et bafoué les engagements internationaux de notre pays (convention 106 de l’Organisation Internationale du Travail).
C’est bien naturellement qu’une proposition de loi a été adoptée par le Sénat lors de sa séance du 9 décembre 2011 (par 139 sénateurs du groupe socialiste et apparentés et groupe Europe écologie les verts rattachés – 21 sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen – 10 sénateurs du groupe du rassemblement démocratique et social européen – 1 sénateur ne figurant dans aucun groupe).
Cet excellent texte pourrait être rapidement repris par votre Assemblée. Quelques changements devraient toutefois intervenir par rapport au vote de la Haute Assemblée.
Sur la forme : en rectifiant le calendrier proposé aux articles 2 et 4.
Sur le fond : en prévoyant
– que les dérogations au repos dominical ne puissent être accordées qu’après avis positif de la majorité des organisations représentatives de salariés et d’employeurs saisie par le Préfet.
– que soit interdite, dans les règlements des centres commerciaux, l’obligation d’ouvrir le dimanche ou les jours fériés pour les commerçants ne le désirant pas.
À propos des dispositions transitoires à mettre en place concernant les enseignes qui ouvrent actuellement le dimanche, deux cas doivent être pris en considération :
1) Celles qui ouvrent légalement. Celles-ci devraient pouvoir disposer d’un délai de deux ans pour négocier les conditions de fermeture dominicale, notamment concernant les salariés qui pourraient être financièrement impactés par cette mesure. Un fond de compensation devant permettre d’indemniser les salariés des enseignes ouvrant antérieurement légalement, sera créé. Ce fond sera alimenté par une taxe sur le chiffre d’affaires des grandes surfaces et centres commerciaux ouvrant le dimanche. La répartition des indemnisations sera effectuée par la commission ad hoc, tel que définie ci-dessous.
2) Celles qui ouvrent illégalement. La fermeture le dimanche devant intervenir au plus tôt, la situation des salariés travaillant le septième jour devra être examinée par une commission réunissant les partenaires sociaux, sous l’égide de la Direction du Travail. Cette commission devra fixer l’indemnisation à laquelle auront droit les salariés concernés en raison de la pratique illégale de leur employeur.
Cette indemnisation devra prendre en compte la baisse de rémunération éventuelle. Pour les étudiants devra être chiffré le montant qu’auraient perçu ceux-ci jusqu’à la fin de leurs études, leur indemnisation ne pouvant être inférieure à ce montant.
Les salariés, employés par les enseignes ouvrant illégalement et qui n’auraient pas travaillé le dimanche, se verront attribuer une prime correspondant à 50 % du montant qu’ils auraient perçus s’ils avaient travaillé vingt-six dimanches dans l’année ; cette prime étant revalorisée de 25 % par enfant à charge.
La commission ad hoc sera habilitée à trancher les litiges et éventuellement autoriser l’étalement des sommes à verser aux salariés concernés.
Concernant l’article 3 de la proposition de la loi, celui-ci devrait être examiné afin de valider sa conformité avec la décision « Ekima International » du Conseil d’État.
Enfin, il apparaît que certains préfets, notamment en Seine-Saint-Denis, continuent à accorder des dérogations illégales. Cette situation est, à la fois, contraire au respect des règles républicaines et désastreuses vis-à-vis de populations à qui, à juste titre, l’on demande le respect des lois de la République, tout en favorisant la délinquance économique.
La CFTC vous demande, Monsieur le Député, si vous êtes prêt à soutenir la proposition de loi du Sénat, tout en y apportant les changements nécessaires.
En l’attente de votre réponse, Veuillez agréer, Monsieur le Député, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Joseph Thouvenel
Vice-président de la CFTC