Travail dominical : qui pollue le débat ?
Le dernier article d’Atlantico (1) concernant le travail du dimanche, en bonne place des Actualités Google, mérite qu’on s’y arrête. L’expert qui l’a écrit y affirme que « Leroy-Merlin et Castorama viennent d’être autorisés à ouvrir le dimanche ». Peut-on croire cela ? Nous avons un peu de mal à imaginer la Chambre 1 (formation la plus solennelle) du Pôle 6 (pôle social) de la Cour d’appel de Paris dire à Leroy-Merlin et à Castorama de continuer à braver la Loi. Pour reprendre l’un des commentaires, celui de Maître Lecourt : « Très fort ! D’où diable sortez-vous que la Cour d’appel de Paris a autorisé Castorama et Leroy Merlin à ouvrir le dimanche ? »
Que s’est-il passé ? Comment comprendre cet arrêt ? L’avocat de Bricorama a tenté un coup procédural en demandant au juge des référés du Tribunal de Commerce de se ressaisir du dossier dont il s’était l’an passé dessaisi au profit du Tribunal de Commerce statuant au fond. Des circonstances nouvelles le permettaient, prétendait-on ; le Tribunal de commerce n’avait-il pas rejeté les questions prioritaires de constitutionnalité au printemps dernier ? Le juge des référés du Tribunal de commerce lui a donné raison et empêché Castorama et Leroy-Merlin de laminer Bricorama en les condamnant sous astreinte.
Ce qu’a sanctionné la Cour en appel c’est donc le procédé procédural utilisé. Rien ne justifiait ce court-circuitage de la procédure alors que le même juge avait chargé le tribunal de résoudre le problème à sa place. Le commentaire de Maître Lecourt sur le site d’Atlantico est clair :
« La Cour, dans son arrêt du 29 octobre 2013, a simplement indiqué que l’ordonnance du Président du Tribunal de Commerce se heurtait à ce qu’il avait précédemment jugé en renvoyant l’affaire devant le Tribunal de Commerce. La Cour a indiqué qu’il ne pouvait, en l’absence de circonstances nouvelles, revenir sur sa décision. Sephora, ce n’est pas l’ouverture en soirée, mais la nuit jusque 2 heures du matin. Monoprix, c’est un procès qui concerne un accord qui n’a pas été approuvé par la majorité des salariés. »
En tout état de cause, cette mauvaise cuisine coûte cher à Bricorama qui doit payer 24.000 € (article 700 du CPC) de frais d’avocats au total à Leroy-Merlin et à Castorama. Contrairement a ce qu’affirme l’article d’Atlantico, la Cour d’appel de Paris n’a donc pas autorisé Castorama et Leroy Merlin à ouvrir le dimanche. Maître Lecourt n’a-t-il pas dès lors raison de conclure son commentaire en interpellant le chroniqueur d’Atlantico « Votre article contribue davantage à polluer le débat qu’à l’enrichir. » ?
(1) “Travail du dimanche : les arguments à déconstruire pour dépolluer le débat“
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Capture d’écran des Actualités Google.