Travail dominical : quel domino ne pas faire tomber ?
La décision de la Cour d’Appel de débouter Bricorama face aux deux géants du bricolage Leroy-Merlin et Castorama a été plutôt relayée comme une victoire. Ce n’est pourtant qu’un répit pour les deux grosses enseignes autorisées désormais à ouvrir en Île-de-France le dimanche, le fond de l’affaire n’étant pas encore jugé. Il le sera le 22 novembre, apprend-on.
On peut en tout état de cause continuer à stigmatiser la pagaille de la Loi Mallié. À la lumière de ces batailles juridiques qui ne font visiblement que commencer, on est bien obligé de reconnaître que quelques-uns avaient vu clair avant tout le monde, syndicats et députés qui avaient prédit lors des débats de 2009 les distorsions de concurrence vers lesquelles cette loi mènerait fatalement. Il eût été judicieux alors de les écouter.
Pour l’instant la presse se focalise sur le kafkaïen des dérogations oubliant, semble-t-il, l’effet domino menaçant : « Actuellement, la loi interdit aux enseignes de bricolage d’ouvrir leur portes le dimanche, contrairement à celles d’ameublement et de jardinage. » écrit Le Parisien. « Contrairement à celles d’ameublement et de jardinage ». Tout est là, dans l’opposition et la victimisation des enseignes auxquelles la loi n’accorde pas l’ouverture. La mise sur le même pied d’égalité de ces deux secteurs d’économie avec deux autres annonce un effet domino dévastateur. On fait croire que puisque l’un ouvre, il est injuste que l’autre n’ouvre pas. Ce qui n’est surtout pas dit, c’est la suite logique : si l’on autorise enfin les magasins de bricolage, pourquoi ensuite ne pas autoriser autres Sephora, FNAC et Autobacs …et ainsi de suite ?
Remettre en cause l’ouverture des magasins de meubles ?
Or, alors qu’est toujours mise en avant l’ouverture des magasins de meubles, on oublie de quelle façon celle-ci a été réalisée. Faut-il le rappeler ? Il n’y a pas eu de loi à proprement parler. Si aujourd’hui les magasins d’ameublement peuvent ouvrir le dimanche, c’est à la faveur non d’une loi sur le repos dominical mais d’un projet de loi Châtel sur la consommation … qui vise à faire baisser les prix dans les grandes surfaces et la téléphonie mobile ! Un amendement félon porté par Isabelle Debré avait été déposé en catimini, au Sénat, de nuit devant un hémicycle vide. Un amendement sur mesure pour Conforama et Ikea. Daniel Raoul (PS) avait alors fustigé une disposition « inadmissible » qui, à elle seule, « aurait suffi à justifier un vote contre » l’ensemble du texte. Coup de Jarnac donc que ce vote aux ondes de choc exponentielles. De là, une part du pataquès actuel. N’est-ce pas cette exception de trop, à l’obtention suspecte, qu’il faudrait supprimer ? Remettre debout le domino-maître prêt d’emporter tout l’édifice du repos dominical ? H.B.
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Addendum 11h48
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Lire sur le site du Point “Le patron de la FNAC partisan d’une ouverture le dimanche”
L’avis du Collectif des Amis du Dimanche (CAD)
“La Cour d’Appel a rendu une décision sans surprise, confirmant l’autorisation d’ouverture dominicale des Leroy-Merlin et Casto, relevant soit du régime des PUCE, soit de dérogations préfectorales. Pour des raisons de communication, le PDG de Brico feint de ne pas comprendre cette décision, mais nous pensons que sa stratégie de communication n’est pas la bonne, car il n’est plus un premier communiant : il faut, et nous le soutenons sur cet argument, que la loi soit la même pour tout le monde, quel que soit le secteur. Et que les compensations salariales soient inscrites dans le droit d’une manière beaucoup plus claire et plus simple. La première étape pour obtenir ce résultat est l’abrogation pure et simple de la loi Mallié : en effet, c’est elle qui constitue ces zones de non-droit, discriminantes, et fondamentalement injuste. Comme dans le cas des portiques écotaxes, il faut parfois avoir le courage de reconnaître qu’une mesure législative a été une erreur, et l’abroger simplement, au lieu de tenter de masquer l’erreur par une surcouche législative inverse”