Travail dominical : le magazine “Elle” contre les femmes ?
Lire sur le site Acrimed, observatoire critique des medias, l’article de Denis Perais “Travailler le dimanche : une évidence pour Elle” paru ce 19 février 2014.
Extrait 1
Dans son numéro du 27 décembre 2013, le fleuron des magazines féminins du groupe Lagardère consacrait un article au travail du dimanche. Une belle occasion, pour cet hebdomadaire qui présente la cause des femmes comme un combat prioritaire, d’examiner en quoi les salariées, qui occupent déjà tendanciellement des positions dominées sur le marché du travail, seraient spécifiquement concernées par un élargissement du travail dominical. Une belle occasion également de mener une enquête sociale puisque le nombre de celles qui travaillent le dimanche est déjà loin d’être négligeable.
Le résultat ? En lieu et place d’une enquête et d’une analyse prospective, un plaidoyer en faveur d’un élargissement à tout prix du périmètre des activités commerciales autorisées à bénéficier d’une dérogation au repos dominical, conforme au « remarquable » unanimisme que nous avions observé dans les médias généralistes sur cette question.
L’appel de « Une », repris à l’identique en titre de l’article, affichait la couleur d’emblée : « Témoignages : elles veulent travailler le dimanche ». Pourtant les premières lignes pouvaient laisser quelque espoir, en prenant soin de préciser qu’il y a « d’un côté, les défenseurs du travail du dimanche qui arguent de la nécessité d’arrondir leurs fins de mois et revendiquent la liberté de choisir. De l’autre, les opposants qui s’inquiètent de la perte de ce qu’ils considèrent être un acquis social et qui dénoncent la dérégulation des temps sociaux, le volontarisme contraint et le consumérisme sans limite [et pour qui] la dérégulation du travail le dimanche est la porte ouverte à tous les chantages : face au faible niveau de rémunérations et à l’ampleur du temps partiel subi, les salariés ne pourraient qu’accepter des horaires atypiques pour augmenter leur pouvoir d’achat ».
Bizarrement, les opposants au travail le dimanche, qui avaient pourtant semble-t-il quelques arguments à faire valoir, disparaissent définitivement après cette brève mention. La suite de l’article n’est ouverte qu’aux seuls témoignages de six femmes… favorables au dispositif et salariées d’enseignes ouvertes le dimanche (légalement ou illégalement) : Marionnaud sur les Champs-Elysées, Bricorama, Castorama et Leroy Merlin en région parisienne.
(…)
Extrait 2
Au-delà de l’unanimité des grands médias sur la nécessité de démolir ce qui reste encore du code du travail, on ne peut s’empêcher d’émettre l’hypothèse que ce militantisme échevelé de Elle répond à des intérêts économiques bien compris – si ce n’est à des impératifs vitaux – : la plupart de ses annonceurs sont des marques de luxe ayant pour principaux propriétaires les milliardaires Bernard Arnault et François Pinault (également « tenanciers » de nombre d’autres médias), dont les produits sont écoulés, entre autres, dans les enseignes Marionnaud et Sephora (propriété de Bernard Arnault) ouvertes le dimanche dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle comme les Champs-Elysées ou dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle (PUCE), qui elles-mêmes font profiter Elle de leurs largesses publicitaires. /DP