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Travail dominical : l’urgence suspecte de Frédéric Lefebvre

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Le Figaro avait été prompt à relayer la nouvelle : Frédéric Lefebvre vient de déposer une proposition de loi visant à introduire un assouplissement d’urgence des dérogations au repos dominical. Elle est en ligne sur le site de l’Assemblée nationale depuis trois jours comme nous l’apprend la recherche Google. L’ancien secrétaire d’État chargé du Commerce et député UMP des Français de l’étranger n’entend pas attendre fin novembre le rapport Bailly et justifie sa proposition en argumentant notamment que :


–          « notre société ne peut aujourd’hui s’exonérer du débat sur la liberté du travail » ;

–          « vu de l’étranger (…), ce débat (…) est purement et simplement décalé » ;

–          « cette proposition de loi propose d’adapter en urgence le cadre juridique actuel ».

 

La proposition de loi contient quatre articles ayant pour objectif de :

 

–         Article 1 : réduire le seuil de population des unités urbaines (Paris, Marseille, Lyon Lille) fixé à 1 million d’habitants par la loi MALLIE pour le ramener à 100 000 habitants (seront alors concernées les villes de Nice, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Dijon, Amiens, Angoulême,…) et permettre l’ouverture dominicale de commerces situé dans des zones d’attractivité commerciale (et non plus des PUCE) ;

–      Article 2 : donner compétence aux Préfets de départements (et non plus de région) de délimiter la liste des zones susceptibles d’ouvrir le dimanche;

–       Article 3 : permettre une autorisation d’ouverture tacite des commerces situés dans une zone d’attractivité commerciale en l’absence de réponse de l’administration dans un délai de 4 mois ;

–       Article 4 : autoriser l’ouverture de 30 dimanches dans les villes de plus de 100 000 habitants et de 12 dimanches dans celles de moins de 100 000 habitants.

 

“Urgence” ? Une précipitation qui n’a rien d’étonnant à quelques mois des municipales ! En jeu, Paris (et le Grand Paris !) et plusieurs de ses quartiers que des Comités, comme celui d’Haussmann, voudraient voir tomber dans le simple cas de la Zone touristique* et où il n’est besoin de donner aux salariés aucune compensation de salaire. Dans ces zones-là, comme le rappelle très justement le reportage Sept à huit du 13 octobre dernier  sur TF1, le “dimanche est un jour comme un autre”.

 

Que Frédéric Lefebvre nous permette de lui objecter

1. que le Conseil constitutionnel a déjà statué et a refusé de considérer que le repos dominical entravait la liberté d’entreprendre ;

2. que vu de France, l’ouverture permanente aux États-Unis n’est pas à l’honneur de ceux qui admettent sur leur sol des enseignes comme Wal-Mart renforçant l’idée que le capitalisme échevelé est un matérialisme déhumanisant. Il n’est pas si sûr que la France soit regardée outre-Atlantique de manière si “décalée”. Pourquoi ne serait-elle pas enviée au contraire pour son modèle social ? La France au lieu d’être un repoussoir devrait plutôt devenir un exemple en la matière, comme l’Allemagne ;

3. que l’urgence demandée ne changera rien. Lex dura, sed Lex ! Soutenir des délinquants en col blanc qui contreviennent aux décisions de justice, est-ce le rôle exemplaire de députés ? Le rapport Bailly n’annoncerait-il pas plutôt comme Eric Heyer le dit sur BFM Business que cette ouverture du dimanche ne profiterait finalement qu’à quelques « très grosses enseignes » ne créant pas d’emplois en plus ? Une précipitation et une urgence qui nous semblent donc bien suspectes ! H.B.

 

* Le Comité Haussmann avait refusé la proposition de Bertrand Delanoë de faire de cette zone un PUCE. Le Comité voulait mordicus la Zone touristique. On le comprend de son point de vue, le PUCE est en effet plus avantageux pour les salariés.

 

Image : photos comte twitter @FLefebvre_UMP