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Travail de nuit, du dimanche : l’art de tout compliquer

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Dernière note ci-dessous parue ce jour sur Liberté politique. Au moment où nous la publions, France Inter et Itélé donnent comme sûre la publication demain ou lundi du nouveau décret de bricolage promis par Jean-Marc Ayrault. Plus de date de fin dans le nouveau décret sur l’ouverture dominicale des enseignes de . Autorisation définitive en attendant la loi.”

 

 

Deux Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) d’importance étaient examinées ce mardi 4 mars au conseil constitutionnel. L’une sur le travail de nuit. L’autre sur le repos dominical (et non « sur le travail dominical » ainsi que le dit le président Jean-Louis Debré en ouverture d’audience).


LES VIDEOS mises en ligne sur le site du Conseil constitutionnel présentent les parties opposées : représentants syndicaux, entreprise Sephora, Clic-P (Comité de liaison intersyndical du commerce parisien). Concernant le travail de nuit (vidéo ici) : la FCD (Fédération patronale du Commerce et de la Distribution), Uniqlo, Sephora, les syndicats parisiens et la Fédération FO ; concernant le travail du dimanche (vidéo ici) : Sephora, Castorama, les mêmes syndicats. Le gouvernement était représenté par M. Potier.

 

BFMTV a rendu compte de la QPC sur le travail de nuit, relayant en les simplifiant à l’extrême les seuls arguments de la plaidoirie de l’avocat de Sephora, Maître Neyret : « Les avocats de Sephora qui ont décidé de porter l’affaire au plus haut niveau ont de vrais arguments. La loi est très floue actuellement. Les conseils de la marque demandent par exemple des précisions sur le caractère exceptionnel du recours au travail de nuit. »

 

Rien en revanche des arguments de la défense, ceux de maître Cédric Uzan Sarano, pourtant objectivement très bons. Le délibéré est au 14 mars prochain à partir de 10h consultable sur le site du Conseil constitutionnel.

 

Les arguments de Sephora ne touchent pas la constitutionnalité de la Loi


Concernant le travail de nuit, les arguments sur le « manque de précision » sont certes recevables. BFMTV a sans doute raison. « Arbitraire de la loi… Pas de termes clairs et précis… Réponses péremptoires et contradictoires » a-t-on, en effet, entendu dans la bouche de maître Neyret [1]. Mais touchent-ils la constitutionnalité de la loi ? Non. Le législateur a déjà précisé les cas où le travail de nuit est exceptionnellement possible. D’ailleurs, c’est très bien comme cela si l’on ne veut pas arriver au même inventaire à la Prévert que celui, ubuesque, du règlement du travail du dimanche qui, on le voit, n’évolue pas avec le temps mais en fonction du lobby du moment.

 

« On n’a pas vu les pompiers arrêter de combattre un incendie à 22h pile, ni les pilotes de ligne lâcher les commandes de leurs appareils et sauter en parachute à 20h59 ! »… « Ceux qui trouvent les lois trop tatillonnes, lois qui stressent les entreprises, ce sont ceux-là qui ont, au contraire, compris la loi » plaide maître Uzan Saran, loi claire justement en matière de travail de nuit… Ceux qui trouvent que la loi s’épaissit comme un mille-feuille voudraient étrangement en rajouter !

 

En réalité ce que veut Sephora, conclut la partie de la défense, c’est qu’on écrive « son droit de vouloir ouvrir son magasin sur les Champs-Élysées jusqu’à minuit ». Sephora a au fond très bien compris la précision de la Loi et elle veut la changer (vidéo de la défense, de Maître Uzan Sarano (16:44 – 29:16).

 

Une QPC jugée non conforme tomberait à pic pour le gouvernement


Le débat tombe sans doute à pic pour le sort du pacte de responsabilité, la priorité du gouvernement Ayrault qui rêve d’intervenir par le règlement pour “aider les entreprises” contre des engagements non chiffrés pour résorber l’emploi, histoire de montrer qu’on s’occupe du chômage comme on le voit dans la bataille de l’ouverture le dimanche des magasins de bricolage.

 

Ajoutons qu’à ce titre, l’opportunisme de la société nipponne Uniqlo est emblématique avec ce coup de canif dans le droit du travail français, en se présentant comme un « service d’utilité sociale » lorsqu’elle offre aux étudiants un emploi en soirée ! Les révolutionnaires du temps de travail osent bien tout !

 

Concernant le travail du dimanche, sur le caractère suspensif du recours, retenons entre autres choses entendues dans la bouche de l’avocat de Castorama : la reconnaissance du fait que les préfets ne publient pas leurs dérogations pour qu’elles ne soient pas attaquées. Ce qui démontre une politique volontaire de se placer hors la loi pour sauver les contrevenants du dimanche. Quand on parle de complaisance des préfets, alors qu’ils sont en charge de faire respecter la loi, ne voit-on pas ici qu’on est au-delà d’une tolérance passive mais bien d’un comportement actif ?


Que dirait l’OIT de tout cela ?

 

H. B