Repos dominical : vers une dépossession optimale ?
Beaucoup d’articles sortent en ce moment ayant comme sujet « le travail du dimanche ». Actu oblige. Quand l’unanimisme médiatique ne brame pas, enthousiaste, en faveur d’une dépossession sans précédent, surgit parfois une note qui s’essaie à défendre le repos dominical. On se réjouit alors. Beaucoup de bonnes choses, de belles intentions paraissent n’explorant souvent que les seules dimensions sociales de la question. Ne s’empare d’ailleurs pas de la dimension religieuse qui veut. Danger de pataquès navrants sinon.
Prenons l’article sympathique de La Croix du 3 octobre : « Le repos dominical, anachronique ? ». Intéressant bien sûr. Mais révèle-t-il ce que les récits de la Genèse, pourtant cités, signifient en profondeur ? Quid du troisième commandement de Dieu ? de l’obligation de la cessation du travail ? Rien. Rien des conséquences anthropologiques et théologiques que celle-ci a. La notion du « repos » à partir de laquelle la note se déploie est prise au sens dégradé du travailleur fatigué ou de la possibilité du « loisir ».
La chute de l’article laisse coi. « À l’image du créateur qui s’est dessaisi de sa créature : l’authentique création libère l’œuvre de celui qui la fait ». Cela est certes bien dit. Mais est-ce vérité ? N’est-ce pas grave de réduire de manière poétique Dieu créateur qui se « dessaisit de sa créature » ? Qu’on me permette de contester cette posture esthétique d’un homme artiste de sa vie et construisant à partir de lui-même une vision fausse d’un Dieu artiste.
Dieu ne s’est jamais dessaisi de sa créature
Dieu ne s’est jamais dessaisi de sa créature. L’erreur de l’article, pourtant gardée à la fin pour la bonne bouche, n’est d’ailleurs pas tant théologique, que philosophique. Si Dieu cessait de penser à l’homme, l’homme n’existerait plus. « Dieu est cause analogique de son œuvre », c’est-à-dire que s’il se retirait de la création, s’il cessait un seul instant de la porter dans sa pensée, il la ferait retourner au néant. En cela, Dieu n’est pas le travailleur ou l’artiste qui est « cause univoque de son œuvre », comme le maçon faisant un mur. Quand le mur est fini, le maçon s’en va et pense à autre chose, le mur comme la plus sublime œuvre d’art, continue d’exister.
Aux yeux des postmodernes blasés que nous sommes devenus, la consécration d’un jour par semaine à la louange de Dieu n’est plus comprise. Les chrétiens eux-mêmes ne connaissent plus vraiment les sources théologiques du dimanche, ni son sens spirituel. Le mal vient de très loin. Qui voit encore dans l’injonction biblique un commandement bon, non un arbitraire divin ? Qui comprend aujourd’hui que la désobéissance à ce commandement est voie de mort ? Regardons les choses en face : plus grand monde. Dans le meilleur des cas, reste la petite heure de la messe. Oublié bien sûr que tout le jour soit à sanctifier. Le constat est sans appel : nous régressons, sommes bel et bien redevenus esclaves, comme ce peuple regrettant les oignons d’Égypte.
Pour résumer (1), le respect du repos du dimanche s’enracine dans l’institution du shabbat, dans la Révélation que Dieu en donne à Moïse, son sens ne se dévoilant parfaitement que dans la résurrection de Jésus. Pour comprendre le dimanche il s’agit de saisir l’importance d’une juste anthropologie du corps humain car le corps est l’enjeu du travail, du repos, de la résurrection et du don sublime du corps du Christ dans l’eucharistie. Le dimanche ? Prophétique ! Le dimanche dans la semaine de sept jours pour entrer dans l’amour, dans la vie éternelle. Le dimanche d’ici-bas pour vivre déjà du dimanche qui n’aura pas de fin, ce Ciel que nous espérons, ce désir de ne pas mourir vraiment que nous avons dans le coeur. Il ne faut donc pas dormir pendant ce repos-là ! H.B.
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(1) Voir de Jean-François Froger, Le Maître du Shabbat.
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Image
Vitrail représentant le Veau d’or, Cathédrale de Sens.
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Et toujours
1. Mon livre À Dieu, le dimanche ! (Éditions grégoriennes, 2010) en ebook (4,99€)
Préface de Mgr Dominique Rey
Propos
I. L’argument manipulé de la liberté
II. Autres arguments en faveur du dimanche
III. Universalité du troisième Commandement selon saint Thomas d’Aquin
IV. Contemplation d’une image médiévale : le Christ du dimanche
V. La Salette à Corps en Isère
VI. Pour une culture du dimanche
Conclusion
Annexes
2. Le dossier
Retrouvez tout le dossier “Oui au repos dominical !” ici ou ici
Retrouvez l’argumentaire et la liste des notes ici
3. Le débat sur newsring : 4,2 K votes, 67% contre le travail le dimanche.