Repos dominical au Sénat : le texte de révision de la loi Mallié est adopté
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Repos dominical, acte II. Les débats au Sénat se poursuivaient ce vendredi 9 décembre, avec les mêmes rappels vains, les mêmes stratégies méprisantes, les mêmes obstructions pavloviennes. On a vu, une fois encore, les mêmes camps s’affronter, Isabelle Debré, Nadine Morano, Chantal Jouanno et l’inénarrable Catherine Procaccia, jusqu’au boutistes, prêtes à défendre la loi du Président, pied à pied, y compris en avançant des chiffres dont on ne sait pas trop bien d’où ils sortent. Femmes inflexibles qui plaident pour que d’autres femmes travaillent le dimanche, pour celles qui « font le taxi pour les enfants » les autres jours de la semaine, pour celles qui les « emmènent l’un à son heure de poney, l’autre à son cours de musique ».
En face, les mêmes voix de défense cherchant quant à elles à mettre en avant la dimension subjective dutravail. Il y a des hommes, des personnes derrière le travail du dimanche, des travailleurs qui ont un droit historique à ne pas travailler ce jour-là. Bien sûr, on peut se résigner et accepter les dérives d’une société d’hyperconsommation, comme Mme Joëlle Garriaud-Maylam l’a fait : « Une société habituée au confort des services, une société de loisirs poussent naturellement au travail du dimanche, jour aussi actif que les autres, pour les horaires et la consommation. En cela, la boutade lancée par Pierre Charon reprochant à Madame David son « zèle sacralisant » avait quelque chose de cruel « Vous auriez pu, au moins, rebaptiser le dimanche jour de l’humanité !» Oui, bien cruel car le dimanche, jour de liberté, est assurément le jour de l’homme !
Mention spéciale à Ronan Kerdraon (PS) qui ne s’en laisse pas conter s’insurgeant quand la droite de mauvaise foi expose« que le lien social se tisse entre les rayons des supermarchés ! » La réaction ne se fait pas attendre. Le député se rebiffe alors quand on plaide une énième fois pour les achats en famille le dimanche : « Je suis stupéfié ! La vie de famille, c’est donc pour vous traîner ses gamins dans un chariot de supermarché ? Pour moi, le dimanche, c’est une autre vie de famille, la vie associative, le sport, pas le consumérisme à tout va. D’ailleurs, les Français n’en ont plus les moyens. Et l’ouverture des grandes surfaces le dimanche, c’est la mort du commerce de proximité. »
Du lundi au dimanche, ce ne sera plus rien que morne plaine
Donnons le mot de la fin à Jean Desessard (PS-EELV) qui redit l’importance du temps dans une vie humaine : « Comme l’espace est fait de multiples paysages, le temps est fait de moments différenciés. Mais vous voulez gommer toutes ces différences. Du lundi au dimanche, ce ne sera plus rien que morne plaine… Dans la vie, le temps demande à être différencié en moments spécifiques qui appellent la prévision. Mais vous voulez une société anonyme, dépersonnalisée, grise. »
Pour l’heure, la proposition de loi est adoptée. Il n’y aura plus d’ouverture de nouveaux PUCE. Seuls les commerces alimentaires de moins de 500 m2 pourront ouvrir le dimanche matin. Le droit des salariés est renforcé ; est généralisée l’obligation de conclure un accord collectif préalable, de branche ou interprofessionnel.
Un coup de frein salutaire a donc été donné. N’en déplaise à Yves Pozzo di Borgo (UC) se plaignant alors d’un texte « trop politicien », la nouvelle majorité du Sénat n’a pas choisi « de remettre en cause tout ce qui a été voté depuis cinq ans ». Le toupet est grand de prétendre qu’est détricoté par ce nouveau Sénat ce qui a été réalisé quand c’est la Majorité en place qui a « détricoté » en 2009 le repos du dimanche, un principe millénaire, une véritable avancée de civilisation.
Hélène Bodenez dirige le dossier “Oui au repos dominical !” et a publié À Dieu, le dimanche ! (Éd. Grégoriennes, 2010).
L’AFSP fait partie de l’European Sunday Alliance depuis le 20 juin 2011.