Réforme Peillon : Non à la mise en place de l’égalité de genre
Alors que se déroule aujourd’hui le troisième jour de discussion publique concernant le projet de loi pour la refondation de l’école, Jean-Frédéric Poisson a lancé sur twitter le lien vers les amendements préparés avec plusieurs de ses collègues dont Henri Guaino, Xavier Breton et Yves Censi. Retenons d’ores et déjà deux d’entre eux, les 1101 et 1102, ceux du refus de la mise en place des « conditions à l’égalité de genre » en primaire (article 31). À surveiller également, l’article 27 qui entend remplacer le cours d’instruction civique par un cours d’enseignement moral et civique. Que mettra-t-on sous cette appellation ? Nous relayons le texte de l’intervention de Jean-Frédéric Poisson prononcée hier à la tribune lors de la première séance (intertitres H.B.) ainsi que le texte des amendements 1101 et 1102. H.B.
Mardi 12 mars 2013
PJL Refondation de l’école
Intervention en discussion générale de M. Jean-Frédéric Poisson, Député des Yvelines.
Je voudrais, monsieur le ministre, pour commencer vous adresser deux remerciements. Le premier, c’est pour nous donner l’occasion de rappeler que la question de l’école est éminemment politique, et pas d’abord ni seulement un sujet de gestion. Il y a dans le projet que vous nous présentez des dimensions politiques affirmées, qui seront ensuite précisées par les différents textes que prendra votre ministère. En tout état de cause, avoir réinscrit la refondation de l’école comme un sujet militant est en soi intéressant.
Mon deuxième remerciement concerne votre discours d’hier. Vous avez, en effet, accepté de Vous placer sous l’autorité de l’école d’Athènes, en faisant référence à la tapisserie qui se trouve derrière cette tribune. J’y reviendrai lorsque j’évoquerai, tout à l’heure, la question de la morale naturelle, mais j’espère que l’on peut en déduire que l’enseignement de la morale naturelle – je ne sais pas très bien ce qu’est la morale laïque, mais vous nous l’expliquerez sans doute – pourrait s’inspirer utilement du Timée de Platon et de l’Éthique à Nicomaque. Ce sont cependant des ouvrages compliqués, il faudrait les « décoder » un petit peu…
Sur le fond, je suis étonné, cher confrère philosophe, que vous utilisiez le mot « refondation» avec une telle facilité. Si j’en crois les excellents dictionnaires de notre langue française, «refonder » signifie : reconstruire sur des bases et des valeurs naturelles. Or, quoique j’aie bien cherché, tant dans votre projet de loi que dans le rapport d’orientation qui y est annexé, je ne vois pas beaucoup de bases ou de valeurs nouvelles, mais je ne vous en ferai pas le reproche. Je vous avais interrogé, dans le cadre des questions d’actualité au Gouvernement, sur le rapport que venait de remettre la commission dite « commission Peillon ». De mon point de vue, ce rapport était un peu en arrière de la main. Je ne sais si vous vous rappelez cet échange, mais j’en reste un peu à la même impression en lisant le document que vous nous avez présenté.
Accord sur la priorité au primaire, l’enseignement numérique
Pour commencer, je souhaite dire mon accord à titre personnel sur trois points.
J’approuve, tout d’abord, la priorité donnée à l’enseignement primaire. Effectivement, si on pouvait, pour une fois, consacrer l’ensemble de nos efforts à l’enseignement primaire et laisser de côté, un peu, les autres degrés, nous progresserions peut-être dans cette entreprise de refondation globale ou, du moins, de rénovation, de réforme de notre système éducatif.
Il s’agit, ensuite, de la place que vous accordez à l’enseignement numérique. Bien entendu, personne ne peut être contre ces nouveaux outils. Ils sont même tout à fait indispensables si l’on considère l’avenir qui attend les enfants et les jeunes.
Enfin, j’approuve vos efforts – et aussi ceux de la commission, puisque ceci a été l’objet de quelques échanges – en ce qui concerne les relations qu’entretiennent l’éducation nationale et les collectivités locales. Le projet de loi ne va pas beaucoup plus loin que les prêts de locaux aux associations, mais ce n’est déjà pas si mal. Tout cela devra être précisé, et nous attendons avec impatience quelques éléments complémentaires.
Quelques trous dans la toile : rôle de l’enseignement libre ?
Cependant, il y a quelques trous dans la toile.
Je ne vois rien, en effet, sur l’évolution du métier et le statut de l’enseignant. Je ne vois rien sur l’autonomie des établissements, le rôle des directeurs d’école, la liberté pédagogique des professeurs.
Je ne vois pas un mot sur la violence scolaire. J’aurais pourtant souhaité que cette question fût abordée, dans ce texte, de même que dans le rapport de la commission de l’été dernier ; elle ne l’est pas, alors que nous savons que, sur ce sujet, les attentes de la communauté éducative, des pouvoirs publics, des parents et, souvent, des élèves eux – mêmes sont fortes.
Il n’y a pas un mot non plus pour rappeler que les parents sont les premiers éducateurs et que, en tout état de cause, l’éducation nationale ne doit agir que par délégation donnée par eux.
Enfin, je ne vois pas non plus de précisions sur le rôle de l’enseignement libre dans l’enseignement de la République. Je ne sais quelle conclusion en tirer, monsieur le ministre, mais je suppose que vous nous éclairerez sur ce point.
Réinterroger quelques éléments de notre système éducatif
Ce projet de loi pouvait être l’occasion de réinterroger quelques éléments de notre système d’éducation qui connaissent une grave crise, même si, par ailleurs, celui-ci nous procure quelques motifs de satisfaction légitime.
Premièrement, dans le rapport d’orientation, le collègue unique est quasi sacralisé. Il est présenté comme une pierre absolument essentielle et fondamentale de notre système éducatif ; je cite à peu près, de mémoire, l’un des alinéas du rapport d’orientation. Or on sait bien que le collège unique pose de nombreux problèmes. Je songe notamment à cette idée selon laquelle l’hétérogénéité des classes est le principe qui assure le succès de l’ensemble, qui ne me paraît pas de bon sens.
Deuxièmement, la réaffirmation de l’objectif de 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat et de 50 % d’une classe d’âge avec un diplôme d’enseignement supérieur me paraît illusoire. Cela risque au contraire de déprécier la valeur des diplômes qui seront décernés. Il est clair – mon collègue Juanico, que je salue, saura de quoi je parle – que, si le diplôme demeure visiblement, pour les jeunes, un facteur d’insertion tout à fait essentiel, quasi obligatoire, il est tout à fait certain, par ailleurs, que le baccalauréat et les diplômes d’enseignement supérieur ne peuvent pas être la référence ultime de notre système éducatif.
Dilution des matières fondamentales dans les options
Troisièmement, la dilution de l’enseignement des matières fondamentales dans les options et les activités d’éveil n’est l’objet d’aucune interrogation, d’aucun développement. Je regrette que cette question des options, qui deviennent en outre une machine à contourner la carte scolaire absolument redoutable, ne soit pas directement traitée. Peut-être le débat nous permettra-t-il d’y revenir.
Enfin, monsieur le ministre, j’en viens à ce qui suscite, chez moi, le plus d’interrogations, à ce qui manifeste le plus nettement la dimension politique de votre projet : la question de la morale laïque. Je comprends bien, ou je crois voir un peu, ce que peuvent être des morales d’inspiration naturelle ; la question de la raison naturelle, celle de la raison et de la foi se posent à l’humanité depuis longtemps. Je comprendrais aussi que vous vouliez réintroduire l’apprentissage des droits et des devoirs de chacun dans l’enseignement, cela me paraîtrait même de bon sens.
Mais, je le demande avec le sourire, et j’espère une réponse souriante mais sérieuse de votre part, monsieur le ministre, comment allez-vous traiter, dans l’enseignement primaire, l’interdiction de voler ? Et vous interdirez-vous d’enseigner aux élèves de l’école primaire qu’il est interdit de mentir au motif que, comme l’interdiction du vol, celle du mensonge figure dans le livre de l’Exode et le Décalogue révélé sur le mont Sinaï à Moïse ? La morale laïque que vous préconisez ira-t-elle jusqu’à couper de leurs racines ces enseignements fondamentaux dont l’une des premières traces figure dans les livres dits saints ?
Qu’est-ce qu’une morale laïque ? Enseigner relayer les études de genre ?
Enfin, je fais écho à ce que notre collègue disait tout à l’heure de la théorie du genre. J’ai le regret de dire que, si je considère comme utile, le fait que ces sujets soient étudiés dans le cadre de l’enseignement de la philosophie ou de la sociologie, je ne comprends pas pourquoi il faut faire de quelque chose qui n’a, en aucun cas, le statut d’une science, de quelque chose qui voudrait en quelque sorte déraciner de jeunes enfants, séparer leur identité de leur propre substrat corporel, de leur corps même, une orientation pédagogique obligatoire. C’est pourtant l’objet de l’article 31 de votre projet de loi !
Au total, monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, et nonobstant les éclaircissements que le débat pourra permettre, je ne vois pas comment je pourrais être favorable à votre texte. / J.-Fr. P.
Texte des deux amendements relatifs au refus de la mise en place des « conditions à l’égalité de genre » en primaire
Amendement 1101
ARTICLE 31
Cet amendement est en cours de traitement par la division de la séance.
Supprimer l’avant-dernière phrase de l’alinéa 6.
EXPOSÉ SOMMAIRE
Contrairement à ce qui a été avancé, la notion d’égalité des genres ne renvoie pas à la simple égalité homme/femme, mais à un principe idéologique, celui de la théorie du genre. Comme cela a déjà été signalé lors du débat concernant les programmes et les manuels de biologie, la théorie du genre est, précisément, une Théorie philosophique et anthropologique. En tant que telle, elle n’a aucunement sa place parmi les missions de l’école de la République, sauf à vouloir faire des élèves les cobayes d’expérimentations sociétales et anthropologiques.
Amendement 1102
ARTICLE 31
Cet amendement est en cours de traitement par la division de la séance.
À la fin de l’avant-dernière phrase de l’alinéa 6, substituer aux mots : « de genre » les mots : « entre hommes et femmes ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Il a été affirmé que la notion d’égalité de genre» ne recouvrait rien d’autre que la simple égalité homme/femme. En ce cas, plutôt que de faire appel à une terminologie ambigüe et controversée, le bon sens et le principe d’intelligibilité de la loi commandent de reformuler cette phrase, de sorte que la notion d’égalité entre homme et femme y soit formulée avec clarté et précision.