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Rapport Bailly : Oui au travail le dimanche, à moyen terme ?

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C’est officiel. Le rapport Bailly sera donc remis ce lundi 2 décembre. Que préconisera-t-il ? Que le repos dominical vive ? Probablement pas. On aura assez rapidement dans la matinée les déclarations du premier ministre puis celles de Jean-Paul Bailly. Nul doute que cela ne soit très orchestré et très préparé.

Où le vent soufflera-t-il ? Certains semblent savoir déjà ce qui pourrait être le cœur des propositions. Le Monde relaie, comme pour préparer la sortie du rapport, les propos de Pierre Moscovici favorable à « plus de liberté ». D’autres comme Le Figaro titrent que les dérogations demandées par les magasins de bricolage pourraient ne pas être accordées. Le Grand Journal de Canal + présente de son côté à son invité Jean-Luc Mélenchon, sur le mode caustique, la proposition de Pierre Moscovivi (13’10-15’13). Morceau d’anthologie avec le gros plan sur le « Ça me dégoûte » du président du Front de gauche. On le comprend… Depuis le début de ce dossier, rarement personnalité politique en vue aura défendu le repos dominical avec pareille fougue et pareil talent.

Là-dessus, vous découvrez, avec certes un peu en retard, l’article sur Slate de Jacques Attali demandant la libéralisation totale du dimanche. Rien d’étonnant à cela quand on se souvient des propositions 136 et 137 de son rapport sur la croissance remis à Nicolas Sarkozy. Mais, l’on reste interloqué du cynisme de l’ex-ministre de François Mitterrand qui confine ses adversaires du côté de la « rage », dans le camp de ceux « qui crient le plus fort », bref des irrationnels. On connaît la chanson. Le mensonge est énorme mais ça passe tout de même malgré le fait que la rage vienne précisément des puissances financières et médiatiques, elles qui crient si fort par JT et unes de journaux interposés. Pour solder le tout un argumentaire accablant : « Le dimanche n’est plus le jour du seigneur. Et la visite dans un magasin est un élément de la distraction. » « La visite dans un grand magasin… » Pascal, au secours ! Utiliser le mot « visite » dans ce contexte, c’est proprement lamentable. L’argent rend décidément bête. Les personnes âgées, les grands-parents, les malades, les amis apprécieront la concurrence.

Dans cinq à dix ans, l’ouverture sera totale

Sera donc probablement mis en avant, lundi, le « non » à de nouvelles dérogations, histoire de faire semblant de contenter les opposants. Ainsi, le premier ministre pourra se draper dans une nouvelle fausse vertu, pourra se défendre d’attaquer le repos dominical. Mais tomberons-nous dans le piège de cette communication bien huilée ? Ce qui pourrait paraître comme une nouvelle affirmation du principe sera sans doute truffé de pièges. Et j’en vois déjà un malgré le gros titre du Figaro dont on sait qu’il est, depuis le début, favorable à l’ouverture des magasins le dimanche.

On crée un écran de fumée avec les magasins de bricolage, volontairement exclus cette fois-ci des dérogations, dans un premier temps, pour temporiser, et surtout pour replacer la question dans du moyen terme. Lisons bien l’article du Figaro jusqu’au bout : « Le nombre d’autorisations exceptionnelles sur autorisation du maire devrait être porté de cinq aujourd’hui à une dizaine. Les employeurs devraient pouvoir, comme le réclame le Medef, notamment, se servir de ces nouveaux dimanches quand ils le voudraient. » Tout est là dans ces trois petites dernières lignes. Sur les cinquante-deux dimanches de l’année, cinq encore de pris sans compensation ni volontariat. Cela augmente, vous en conviendrez, les ouvertures dans une proportion considérable. Cela laisse penser qu’à cette vitesse, dans un horizon s’étirant de cinq à dix ans, tous les dimanches seront bientôt ouverts. Nos adversaires sont patients mais comptent bien y arriver. Comme en Irlande… Sans compter que dans l’affaire du dimanche se cache naturellement celle des jours fériés…

Casser le temps ! Ce n’est pas Bruel qui le hurle. Casser la semaine (la sepmaine comme on l’écrivait il y a longtemps avec la trace du chiffre sept), casser le temps hebdomadaire. C’est un chœur de libéraux-libertaires étrangement unis sur la question qui vous en chantent la chanson. Casser le temps… Oui Monsieur Mélenchon, je dis – pour une fois – avec vous « Ça me dégoûte ! » H.B.

Curseur à 13’10-15’13

Petit scoop : le rapport Bailly sortira le 2 décembre... Pour rappel, la conclusion officielle du rapport Bailly précédent, datant de 2007, qui reste un extraordinaire joyau de novlangue, ou de langue de bois :

  • Le dimanche n’est pas un jour ordinaire et doit rester un marqueur, un repère symbolique, un point d’ancrage stable pour la vie familiale et le lien social.
  • Or, les mutations de notre société conduisent à l’individualisation des attitudes, de chacun d’entre nous à chaque moment de sa vie.
  • L’étude du Conseil économique et social propose, pour que nous puissions faire toujours « société ensemble » que le dimanche soit un jour du libre choix pour chacun, y compris d’être plus actif.

Trois phrases, trois contradictions. 1 : le dimanche doit rester un marqueur. 2 : Or la vie change. 3 : pour que rien ne change, que chacun fasse ce qu’il veut. Il reste à espérer que les consignes reçues par M. Bailly pour son rapport 2013 ne soient pas de la même eau…