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Radio classique promeut la GPA ?

Radio-classique-koenig.pngMères porteuses en batterie

Ci-dessous retranscription d’une chronique de Gaspard Koenig, président du think tank « Génération Libre ». L’interview a été diffusée Éric Mauban le vendredi 4 Juillet 2014 dans la rubrique quotidienne « Des idées neuves » à 7h20 sur Radio classique.

http://www.radioclassique.fr/player/progaction/initPlayer/podcast/des-idees-neuves-7h20-2014-07-04-07-19-30.html

ES : « Pour un marché des ventres », c’est l’« idée neuve » de ce matin. Vous nous parlez donc de la Gestation Pour Autrui.

GK : Eh oui, alors d’abord rappelons un tout petit peu les termes du débat, parce que des fois (sic) on est tous un peu confus. La PMA, la « fameuse » PMA, c’est la Procréation Médicalement Assistée par insémination artificielle, qui n’est aujourd’hui ouverte qu’aux couples hétérosexuels… bon alors là, pour la PMA, y’a pas trop de difficultés, parce que si le « processus » est autorisé et que par ailleurs, l’adoption homosexuelle est permise, alors là c’est un syllogisme simple, et je ne vois pas très bien comment on peut s’opposer à la PMA.

Ce qui fait difficulté, c’est la GPA, la Grossesse Pour Autrui, qui est aujourd’hui interdite à la fois pour les couples homosexuels, mais aussi pour les couples hétérosexuels, et les femmes ne pouvant porter d’enfant. Alors cette situation est assez bizarre, puisque maintenant, évidemment, les techniques permettent aux gens d’aller à l’étranger, de se faire inséminer et de revenir en France, d’avoir des mères porteuses à l’étranger, pardon, et donc ça pose des problèmes juridiques assez compliqués ; les tribunaux de grande instance de Versailles, puis d’Aix, ont refusé de considérer l’adoption pour des enfants nés sous PMA. La CEDH a très récemment, le 26 Juin, condamné la France pour avoir refusé de transcrire à l’état civil des actes de naissance d’enfants nés par mère porteuse aux États-Unis et la secrétaire d’État de la Famille a affirmé récemment à l’Assemblée Nationale que la France ne contesterait pas cet arrêt. Donc, c’est un peu, c’est très ambigu et il est sans doute temps de mettre fin à ces situations anormales et éprouvantes pour les familles.

ES : Donc, vous proposez de légaliser la GPA, c’est pas très moral…

GK : Bah, ça dépend un peu de quelle morale on parle.

Parlons de la morale judéo-chrétienne ; bon, Marie, finalement, était la première femme à subir une PMA, et puis Sarah, la femme d’Abraham, qui décide de donner à son mari sa servante Agar, pour avoir un enfant, dans la Genèse, pratique l’équivalent à l’époque, étant donné les techniques existantes, de la GPA.

Morale « historique » ? Bah en fait, on s’aperçoit, en lisant des anthropologues, comme Françoise Héritier ou Maurice Godelier, que, y compris dans les sociétés très anciennes, il y a toujours eu des solutions collectives pour pallier à (sic) la stérilité individuelle, et que comme le dit Maurice Godelier, « on pouvait déjà faire appel à la sexualité de multiples co-géniteurs sans pour autant qu’il y ait appropriation collective de l’enfant ». Donc, c’est quelque chose qui est vieux comme le monde.

Loi naturelle ? Bah, je pense que là il faut être raisonnable, et dire que la biologie évolue et que l’homme, finalement, est maître et possesseur de la nature, et revenir à la définition disons culturaliste de la maternité que propose Élisabeth Badinter, quand elle parle de « projet d’enfant ». Bon on pourrait en lister d’autres, et je pense au contraire que ce que je mettrais en avant, c’est pas tellement le « droit à l’enfant », mais la liberté, avant tout, entre adultes consentants de – et dans la mesure où cela ne nuit pas à l’enfant – de procéder à la GPA. Et si même, à titre personnel, vous le condamnez, pourquoi la société devrait l’interdire collectivement ?

ES : Bon, Gaspard, comment ça se passe dans les autres pays ?

GK : Eh bien, c’est… il y a tous les cas possibles : ceux qui autorisent, ceux qui interdisent, ceux qui laissent une zone d’ombre. L’exemple le plus parlant, c’est pas les États-Unis, en fait, c’est Israël. En Israël, on le sait peu, mais depuis 1996, les mères porteuses sont autorisées. Donc on a déjà…on peut déjà voir ce que ça donne. C’est très encadré, c’est un phénomène qui reste marginal, y’a pas d’quoi s’affoler, il y a eu six cent cinquante demandes depuis le début, deux cents mères porteuses. Et par ailleurs, étonnamment pour un pays aussi religieux, eh bien il y a une proposition de loi qui est maintenant débattue pour ouvrir la GPA aux célibataires et aux couples homosexuels. Après, vous avez le modèle… – et là dans le modèle israélien la mère porteuse est payée – …vous avez aussi le modèle canadien où la mère porteuse n’est pas payée, et qui est en place depuis 2004.

ES : Bon, très rapidement, Gaspard, est-ce que vous êtes pour le don, ou pour le « marché des ventres » ? pour le modèle israélien, ou canadien ?

GK : Alors, je reconnais la beauté éthique du modèle du don que défend Badinter. Le problème, c’est que ça ne marche pas. On voit au Canada en fait, il y a très très peu de cas, et le meilleur exemple c’est le Nevada, puisque c’est un des seuls des États-Unis où la GPA n’est permise que sur le modèle du don, et à ce moment-là, tout le monde va en Californie. Et puis par ailleurs, on parle toujours de marchandisation des corps, mais après tout, au nom de quel principe étrange ne pourrait-on pas vendre son corps ? on le fait tous les jours, et puis, après tout, on en est le propriétaire. Le « marché [des ventres] » permettrait également en un sens de dédramatiser les aspects psychologiques en ramenant cette GPA à un simple contrat entre individus libres. Alors il faut, je pense, à la fois libéraliser, et bien sûr réguler.