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Quand laurent Guimier prend le faux pour le vrai !

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Connaissez-vous Laurent Guimier ? Il fait la leçon sur Europe 1 chaque matin dans une chronique intitulée Le vrai du faux. Non sans un certain savoir-faire. Après avoir écouté le chroniqueur, Thomas Sotto en charge de la matinale, conclut d’une phrase. Ce matin celle intitulée « La botte secrète de Jean-Claude Mailly » le fut par un docte « Un jugement de Salomon ! », content de soi.

 

À l’ordre du jour la protection des salariés le dimanche et une récente interview sur RTL du patron de FO. La chronique est appelée à durer : la vidéo est toute de suite insérée sur le site d’Europe 1 et devient note écrite. On le constate depuis plus d’une semaine, toute la rédaction monte au front sur le sujet. Une heure après, Morandini reprendra d’ailleurs le flambeau, comme il l’avait fait la semaine dernière. Toutes les garanties d’apparences du vrai sont données avec force habileté. Or, ce contenu de la rédaction d’Europe 1 est tout à fait sujet à caution. Un comble pour un journaliste qui prétendait démêler le vrai du faux ! Selon Maître Lecourt, avocat de l’intersyndicale du commerce de Paris rassemblant les syndicats CGT, CFDT, FO, Seci-Unsa (jusqu’à récemment affilié à la CFTC), SUD et CFE-CGC, c’est bien Jean-Claude Mailly qui a raison. H.B.

 

Faux : la France a ratifié la C106 en 1971. C’est la Convention qui a été adoptée en 1957 par l’OIT. Confondre adoption et ratification est déjà une erreur significative.

 

Faux : il ne s’agit pas de “juges” mais de la commission d’experts (chargé de l’instruction du dossier) de l’Organisation internationale du Travail. On peut difficilement s’y tromper. Son nom figure sur le rapport lu par le journaliste. Il n’y a pas de fonctionnaires mais des représentants des travailleurs, des patrons et des États signataires.

 

Faux : La Commission des Experts écrit exactement le contraire de ce que le journaliste lui fait dire. C’est le problème d’une citation hors contexte et incomprise par une personne qui ne connaît pas les mécanismes qui sous-tendent le fonctionnement de l’organisation internationale du Travail.

 

Selon la Commission, l’amendement Debré et la Loi Mallié excèdent le champ des régimes spéciaux permis par la Convention.

 

Pour l’amendement Debré

“Or cet intitulé (NDLR celui de la Loi Châtel du 3 janvier 2008 contenant l’amendement Debré ) démontre clairement qu’elle répond à des préoccupations économiques, liées à la concurrence, et aux souhaits des consommateurs. Les considérations sociales, quant à elles, à savoir l’impact de cette dérogation sur les travailleurs concernés et leurs familles, ne paraissent pas avoir été prises en compte ou en tout cas pas au même titre que les considérations économiques. Par ailleurs, si l’ouverture des magasins d’ameublement peut correspondre à un souhait des consommateurs, elle ne paraît pas répondre à une nécessité telle que l’application du régime normal de repos hebdomadaire se révèle impossible.”

 

Pour la Loi Mallié :

Les mesures légales aménagées en faveur des zones touristiques et des PUCE appellent des observations analogues la part de la commission. Antérieurement à l’amendement introduit par la loi du 10 août 2009, la dérogation en faveur zones touristiques était limitée dans le temps à la période d’activité touristique et dans son objet aux établissements de vente au détail mettant à la disposition du public des biens et des services pour faciliter son accueil ainsi que le déroulement des activités de détente et de loisirs. Ces conditions qui semblaient de nature à confiner la dérogation dans les limites de l’objectif qui lui est assigné ont été écartées par l’amendement du 10 août 2009 précité. De son côté, l’institution de PUCE répond ouvertement à des préoccupations d’ordre économique qui correspondent néanmoins aux préférences de nombreux consommateurs. Elle a cependant pour effet d’englober dans la dérogation tous les établissements installés dans l’enceinte des grands centres commerciaux sans tenir compte de leur taille ni de l’activité qu’ils exercent, dépassant de ce fait le champ des régimes spéciaux que la convention définit à partir de critères afférents à l’impossibilité de s’en tenir au régime normal qu’elle instaure, en raison de la nature du travail, de la nature des services fournis par l’établissement, de l’importance de la population à desservir ou du nombre de personnes employées (article 7, paragraphe 1).”

 

On ne peut pas faire plus clair à ce niveau diplomatique.

 

La C106 permet de mettre en place des dérogations mais elles doivent répondre à certaines exigences énoncées aux articles 6 et 7 et notamment l’impossibilité de mettre en place le régime normal de repos hebdomadaire. Tel n’est pas le cas.

 

C’est pourquoi, si la Commission explique qu’elle comprend bien que la concurrence exacerbée amène les États parties à permettre des exceptions, il n’en demeure pas moins qu’il reste à démontrer pour instaurer une dérogation, que celle-ci répond bien aux cas prévus par la Convention.

 

On recommandera au journaliste de faire également un petit tour à la page 733 sur la fin des observations adressées à la Nouvelle Zélande.

 

Source : Rapport de la commission d’experts pour l’application des Conventions et recommandations, p.728 à 731 (100ème session, 2011)

Téléchargeable ici http://www.ilo.org/ilc/ILCSessions/100thSession/reports/reports-submitted/WCMS_151558/lang–fr/index.htm

 

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Lire également l’article sur le site de Libération “Travail de nuit et dominical : le CLIC-P, une intersyndicale atypique”