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Quand Claude Guéant se rit du dimanche

 

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Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, était l’invité de l’émission « Face aux chrétiens » animé par Frédéric Mounier, le 4 décembre sur Radio Notre-Dame.

Première question de Stéphanie Gallet (RCF) : « La majorité présidentielle est actuellement partagée par un certain nombre de questions de société dont celle de la question du travail le dimanche. Est-ce vraiment une bonne idée d’en finir avec le dimanche ? » Réponse de celui qu’on appelle au Château « le Cardinal » :

« Il s’agit de préciser un certain nombre de dérogations aux règles qui régissent le repos dominical. De deux façons : d’abord pour les zones touristiques, et je dois dire qu’il y a un consensus total à ce propos ; les Parisiens savent bien qu’il y a une foule de touristes qui déambulent sur les Champs-Élysée qui cherchent à faire des achats le dimanche et qui n’arrivent pas à les faire parce qu’il y a une réglementation… »

 
L’auditeur n’en croit pas ses oreilles, tellement la réponse est bateau. Frédéric Mounier ne peut s’empêcher de faire remarquer que « l’exemple est bien connu. » Le secrétaire général de l’Élysée l’admet, mais poursuit, imperturbable :

« Mais on pourrait dire cela de beaucoup de villes balnéaires où beaucoup de touristes sont désolés de trouver boutiques closes. »

 
Ne lâchant pas ce qui fait difficulté, Frédéric Mounier insiste, « il y a autre chose dans ce projet ». Réponse de Guéant :

« Il y a autre chose effectivement qui consiste pour l’essentiel à stabiliser juridiquement les situations existantes à savoir [que] dans les agglomérations d’un million d’habitants au minimum — il y en a quatre en France — , à permettre [que] sur l’initiative des maires en concertation avec les partenaires sociaux [qu’on puisse] ouvrir les commerces dans l’alimentaire. Ce qui veut dire quoi ? Tout le monde le sait bien en région parisienne, et c’est très clair aussi dans beaucoup de grandes agglomérations : il y a des commerces d’ameublement, de loisirs, de jardinage qui sont ouverts parfois au mépris de la loi ; il s’agit de leur donner des possibilités claires, juridiquement sûres, d’ouvrir ; il ne s’agit pas d’autre chose. »

     
Tentant de devancer l’objection, Claude Guéant se justifie :

« Il ne s’agit pas du tout de systématiser le travail du dimanche ; il s’agit d’épouser les souhaits des consommateurs. Vous faisiez allusion à ce sondage (Ipsos pour Radio Notre-Dame, Famille chrétienne, CFTC) ; j’en ai lu d’autres, nombreux sur ces sujets-là. On voit bien que la France urbaine est très attachée à ce qu’un certain nombre de commerces puissent être ouverts le dimanche. On peut le regretter ou non, mais il y a un certain nombre d’achats que l’on fait en famille quand la famille est regroupée. »

 
Sceptique, Aymeric Pourbaix (Radio Notre-Dame) rappelle à toutes fins utiles l’incroyable sortie de Patrick Devedjian : « Les raisons de l’opposition à cette libéralisation du dimanche sont des considérations éthiques qui n’ont pas lieu d’être dans la République. » Le journaliste ne manque pas alors de remarquer qu’on est en droit d’entendre aussi derrière de tels propos « un discours anti religieux qui s’exprime ». Il se demande à juste titre — et les auditeurs avec lui — si « ce n’est pas une conception un peu arbitraire, intransigeante de la laïcité contraire à la laïcité positive prônée par Nicolas Sarkozy » ?
 
La réponse est pitoyable :

« Les considérations d’éthique dans une société sont évidemment respectables et doivent être prises en compte et je crois que c’est une responsabilité presque suprême du législateur et des responsables politiques. […] Je ne désavoue pas Patrick Devedjian. Ces considérations éthiques méritent respect, mais il y a d’autres considérations qui méritent d’être prises en compte et le fait d’encourager les familles aller s’acheter un salon lorsque la famille est regroupée le dimanche, ça n’est pas du tout contradictoire. »

 
Interrompant les questions, comprenant à quel point les choses étaient tout de même vues par le petit bout de la lorgnette, le secrétaire général de l’Élysée change de cap : « Je voudrais dire quelque chose de fort. » Déception : « Nous sommes pour une société de liberté et le texte qui est prévu permet à chacun de conserver sa liberté. »
 
La fin de l’émission est particulèrement pénible. Après s’être félicité de ce pseudo progrès d’un « amendement apporté à la proposition de la loi initiale qui permet dès le stade de l’embauche aux salariés de refuser l’éventualité de travailler le dimanche », Claude Guéant perd pied et devient ironique :

« Mais je me permets d’attirer votre attention que les commerces ne sont pas ouverts que le dimanche et que vous observez comme moi, Madame, vous qui faites sans doute vos courses le dimanche dans certains grands magasins – à moins que par éthique vous ne le vouliez pas du tout [rire de l’auteur] –, qu’il y a le dimanche nombre de salariés, d’étudiants, de gens qui font des extras ; c’est aussi respectable. »

 
Le secrétaire général de l’Élysée se moque de l’éthique. Et de l’exploitation « respectable » de pauvres travailleurs qui n’en peuvent mais. Édifiant.