Par

Pétitions CESE : Recours pour excès de pouvoir !

Vidéo publiée le 26 avril 2013 par France Citoyenne – Extrait.

 

Philippe Brillault : “Maître Briard, vous êtes avocat au Conseil d’État. Vous avez bien voulu défendre les 730 000 signatures de la pétition citoyenne collectées par la Manif Pour Tous. Merci de vous engager dans le cadre de votre fonction, c’est important… Ces Français ont souhaité saisir le Conseil Économique et Social, pouvoir apprécier l’impact de la loi Taubira sur la filiation. Ces pétitions ont été déposées le 15 février et le 26, le bureau du CESE devait confirmer ou infirmer la transformation de ces pétitions en saisine. Le bureau a refusé cette saisine… Vous venez de déposer aujourd’hui jeudi 25 avril 2013 cette requête et mémoire. Alors, qu’est-ce qui, selon vous, permet d’espérer que cela devienne une saisine ? “

 

Maître Briard : “Vous avez été mandatés par 700 000 Français. Vous me mandatez. Vous venez de déposer un recours pour excès de pouvoir, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une requête qui demande au tribunal administratif de Paris l’annulation de la délibération du bureau du CESE. Pourquoi demandez-vous l’annulation ? Pour plusieurs raisons: pour des moyens de légalité externe et des moyens de légalité interne. La légalité externe, c’est tout simplement que le CESE a cru devoir demander au premier ministre son avis sur cette pétition – je rappelle que dans la constitution, le conseil est là pour précisément assumer une mission consultative auprès des pouvoirs publics – et que fait le président du conseil ? Il fait le contraire : il va voir le premier ministre en lui disant : qu’est-ce que vous en pensez ? C’est évidemment une démarche d’abord qui n’est pas du tout prévue par la constitution ni par la loi organique, et ensuite c’est une démarche qui compromet à notre sens gravement l’impartialité de la délibération du conseil. 700 000 Français ont saisi le conseil dans le cadre de cette pétition et que fait le président du conseil ? Il saisit le premier ministre ! Donc c’est un premier moyen de légalité externe qui me paraît très sérieux. Autre moyen de légalité externe : la délibération n’est pas signée, c’est un peu surprenant. Sur le fond, le problème majeur de cette affaire est que le président du conseil a adopté une position qui probablement lui a été suggérée par Matignon, qui consiste à dire : le droit de pétition ne peut pas s’exercer à l’égard de textes qui font l’objet d’un projet de loi en cours de discussion. Ça n’est pas du tout ce que dit la constitution. Et là, je crois qu’il y a deux erreurs de droit : la première, c’est que le conseil devait statuer sur la recevabilité de la pétition, et c’est tout, le texte est clair : le conseil devait dire si oui ou non cette pétition était recevable. Et ensuite sur le fond, évidemment le droit de pétition s’exerce de manière générale sans restriction. Cette restriction est une invention du CESE et n’a aucun fondement juridique. Donc, sur le fond, la légalité interne, je pense que vous pourrez obtenir satisfaction et obtenir l’annulation de cette décision. J’ajoute que nous avons demandé au tribunal administratif de Paris d’enjoindre au CESE de produire la note que le premier ministre a semble-t-il adressé au président et qui a conduit à cette position. Voilà comment les choses se présentent aujourd’hui.”

 

Philippe Brillault : “… la loi organique dans son article 5 est-elle souveraine pour définir les clauses de recevabilité de la pétition ? “

 

Maître Briard : “C’est un problème de hiérarchie des normes, c’est une pyramide : au sommet de l’ordre juridique interne, vous avez la constitution ; ensuite les lois organiques, après les lois ordinaires, les règlements… Pour l’exercice du droit de pétition, deux niveaux s’appliquent : la constitution, qui est notre loi fondamentale, qui prévoit ce droit de pétition, et il y a la loi organique qui définit les modalités de ce droit, et notamment les conditions de recevabilité. Les conditions de recevabilité, elles sont simples et elles sont remplies. Cela n’a strictement rien à voir avec le fait que ce projet de loi était en cours de discussion. Et d’ailleurs, vous n’avez pas cherché de ce point de vue, à interférer dans la discussion parlementaire, vous avez simplement demandé au conseil son avis. 700 000 Français ont demandé au conseil son avis et cette instance s’est révélée incapable d’exercer sa mission et donc vous saisissez le juge, au regard de cette disposition de la constitution et de la loi organique. Et nous pensons juridiquement que la démarche est correcte… “