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Nous les esclaves modernes avons perdu même le dimanche !

Luigino Bruni

Nous avions, sur ce blog début juin, donné un large écho à la VIIe Rencontre mondiale des familles à Milan, et notamment aux interventions du pape Benoît XVI qui avait répondu présent à l’invitation du cardinal-archevêque de Milan, Mgr Angelo Scola. À plusieurs reprises, la problématique du dimanche, premier jour de la semaine, jour de fête, avait été abordée avec insistance. Elle fut sans conteste le fil rouge de ces quatre jours ainsi que le confirme encore la communication absolument remarquable que KTO vient de mettre en ligne sur son site, celle de Luigino Bruni explorant le thème de la famille du travail et de la fête dans le monde contemporain.

Rappelons qu’avant que ce professeur d’économie à l’Université de Milan-Bicocca ne prenne la parole, Mgr Gianfanco Ravasi avait ouvert le congrès théologique et pastoral en arrière-fond d’une manifestation qui a vu se réunir des centaines de milliers de personnes. Dans un propos tournant autour de  « la famille entre le travail de création et la fête du Salut. », le Président du conseil pontifical pour la culture entendait lever la difficulté à comprendre pourquoi l’homme, le roi de la création, avait été créé dans la réalité du sixième jour, dans une réalité imparfaite, de limite, de caducité. Voici que le dernier jour de la création éclaire tout :

«  Il y a cependant le septième jour. Le septième jour n’est pas seulement le jour de Dieu. C’est aussi le jour où nous célébrons le sabbat, le culte, la prière, où nous écoutons la parole de Dieu. Nous sortons des jours de travail pour entrer dans le chant. Notre regard n’est plus horizontal, mais vertical. Voilà, l’homme devient parfait et plein lorsqu’il célèbre la fête.  Et c’est pour cela que si l’on perd la fête, si l’on perd la joie, la réflexion, la sérénité, le détachement, le repos, finalement, nous restons toujours enfermés dans le sixième jour. »

Ne pas subir l’indigence d’une culture économique réductionniste 

Mais revenons à Luigino Bruni et à son exceptionnelle analyse, argumentée et si finement illustrée. Après avoir traité du « travail bien fait », après avoir fait une différence très subtile entre gratuit et gratuité, la gratuité cette « chose sérieuse », Luigi Bruni invite à une nouvelle confiance dans les ressources morales et spirituelles du travailleur, en appelle à une culture qui verrait où est la vraie valeur des choses, pas seulement ce qui a un prix de marché. Ce serait, affirme-t-il avec conviction, « une bonne bataille de civilisation » que de ne pas opposer le contrat au don, une bonne paye à la gratuité. On en vient maintenant au développement autour de la fête, autour du dimanche (Curseur 39’47) :

« La fête a besoin du travail. Non seulement parce que sa dimension est inhérente à un travail réellement humain et éthique, mais aussi parce que ce sont les temps du travail qui scandent ceux de la fête et vice versa. Il est important, selon moi, de rappeler que lorsqu’on est au chômage on perd le travail et la fête puisque la fête sans travail n’est jamais vraie, ni pour la personne ni pour la famille. Il est tout aussi vrai que si celui qui travaille ne connaît pas la fête, il ne travaille plus, devient presque un esclave même s’il est bien payé. Il est de plus en plus fréquent que les grandes industries embauchent des jeunes, qu’elles rémunèrent très bien, avec des voitures de luxe, avec des perspectives de carrière importantes mais tout cela a un prix que je considère trop élevé, renoncer à la fête, renoncer donc à la vie.

 Chez les juifs les esclaves avaient le sabbat. Nous, les esclaves modernes, avons perdu même le dimanche ! Si l’on perd les temps de la fête et donc de la famille, et de la vie, gardant peut-être un peu de place pour le divertissement, chez ces travailleurs les puits de la vie s’assèchent. En quelques années ils seront épuisés, et rejetés. Il est urgent aujourd’hui de créer du travail, de protéger le travail fragile. On pourra ainsi recréer la fête. Dans ces années de crise, il y a des gouvernements qui voudraient éliminer les fêtes : c’est une erreur puisqu’avec la fête on crée aussi du travail. »

Nous ne restituons ici qu’une toute petite part des propos remarquables prononcés. La vidéo (ci-dessous) est à regarder d’urgence dans son intégralité. C’est tonique, vivant, et vrai. Brillant. H.B.

Pour info

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Du mardi 28 au jeudi 30 août 2012, sur KTO : “La famille et le travail” 

Pour mémoire

rencontre des familles       

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Oui au repos dominical ! Lp

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Et toujours le débat sur newsring : 3240 votes, 71% contre le travail le dimanche.