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NKM en Don Quichotte des salariés : qui va croire cela ?

« Faire des courses le dimanche, ça a du sens. » Qui parle ainsi ? Nathalie Kosciusko-Morizet à propos des ouvertures des grandes enseignes à Paris. Interrogée sur BFM Business, la candidate UMP à la Mairie de Paris a plaidé, avec un air de compassion appuyé, pour toujours plus de dérogations au repos dominical. À noter qu’une enseigne a été convoquée plusieurs fois lors de ce débat, Sephora, avec sa volonté d’ouvrir « le soir ». Comme si le travail « le soir » existait dans le code du travail !


L’alliance du pouvoir médiatique (BFM), du pouvoir financier (LVMH) et du pouvoir politique (UMP) éclatait énorme sous nos yeux. Mais que remettait en cause NKM face à son interlocuteur Joseph Thouvenel ? « le diktat des syndicats ». L’inversion était formidable. De la même façon, assez mauvaise joueuse, l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy taxait « d’incohérences » les votes récents des députés de la majorité actuelle qui viennent de retoquer son projet d’ouverture des commerces la nuit, proposition de loi « de circonstance » comme l’a bien nommée Michel Sapin. À l’Assemblée nationale, le terme y est alors bien à sa place : travail « de nuit », et non pas travail « le soir ». Les députés avaient le droit au mot juste ; les télespectateurs, quant à eux, on peut bien les abuser : travail « le soir » les choquera moins, bien sûr.


L’émission sur BFM Business avait été enregistrée. La vidéo bogue bizarrement à 3 mn 51. La CFTC-Paris note sur son site que manque alors l’interpellation de Joseph Thouvenel s’étonnant que l’on puisse à la fois défendre, à juste titre, la lutte contre l’insécurité et oublier la délinquance économique. Joseph Thouvenel prenait l’exemple des pickpockets qui s’en prennent aux touristes Gare du Nord ou place de l’Opéra. Ce qui, pour le Vice-président de la CFTC, a des conséquences plus graves sur la fréquentation touristique de la Capitale que de s’en prendre à notre art de vivre en ouvrant les centres commerciaux le dimanche.


Les partenaires sociaux méprisés


Une chose est sûre : le dialogue avec les partenaires sociaux se dégrade. Et voir, à l’inverse, NKM s’ériger en Don Quichotte des salariés, est pour le moins cocasse ! Faire croire que ces derniers (on appréciera dans la vidéo le pluriel indéfini qui ne renvoie à aucun chiffre réel) veulent travailler le dimanche est une vaste supercherie. Vouloir sur la base d’un petit nombre de volontaires, souvent manipulés et/ou aux abois, défaire un code du travail protecteur de tous… voilà un  sacré coup de canif dans notre cher principe d’égalité. Ce sont les bas salaires et la précarité qui les poussent à venir travailler ce jour-là.

 

Depuis la sortie du rapport Bailly, les choses s’accélèrent. S’appuyant sur ce rapport, le gouvernement vient d’annoncer que le secteur du bricolage va être inscrit sur la liste des secteurs ayant la possibilité d’ouvrir le dimanche sans autorisation préalable.

 

Seuls les établissements d’Île-de-France sont pour l’instant concernés. Le décret précise que cette dérogation expirera au plus tard le 1er juillet 2015. Le CGT a du mal évidemment à croire qu’au-delà de cette date « les bonnes habitudes ne perdureront pas ». La centrale syndicale a sans doute raison d’y voir la libéralisation du dimanche en marche, quoi qu’en dise Nathalie Kosciusko-Morizet, qui comme ses collègues Luc Chatel et Frédéric Lefebvre, rappelle toujours le principe mais le vide et l’efface dans le même temps.

 

C’est parti également pour un petit décret-bricolage pendant les vacances. Étrange de voir comme certains patrons sont très pressés de négocier. La FMB (Fédération des magasins de bricolage et de l’aménagement de la maison) espère un accord de branche et vient d’écrire à la Commission mixte paritaire du bricolage. « Dans le cadre du projet de décret provisoire que prendrait bientôt le gouvernement sur l’ouverture dominicale des magasins de bricolage, le Ministère nous propose de nous réunir en commission mixte paritaire exceptionnelle le plus rapidement possible. Ils nous ont dit avoir réservé une salle à la DGT pour la journée du jeudi 19 décembre 2013 pour négocier sur un projet d’accord de branche. »

 

Bref… À y bien réfléchir, le député Christophe Sirugue avait tout vu en stigmatisant les visées électoralistes de la proposition de loi discutée, ce 5 décembre dernier… NKM sur BFM, ambassadrice de Sephora (… et de toutes les grandes enseignes à Paris qui auront raison des petits commerces)… Pourquoi donc ? On se le demande bien… H.B.