Mariage gay, Marianne triste
Mariage gay, Marianne triste, par Jérôme Serri, Journaliste au magazine « Lire », Commissaire de l’exposition « Bleu, blanc, rouge, les couleurs de la France dans la peinture française », présentée au congrès de l’Association des Maires de France en 2010.
De très nombreux maires inquiets à l’idée d’être obligés demain de marier deux hommes ou deux femmes ont revendiqué, au nom de la liberté de conscience, le droit de ne pas appliquer la loi. On peut comprendre qu’ils aient voulu dès aujourd’hui signifier leur refus de se prêter demain à ce qui leur apparaît comme un dévoiement de l’institution du mariage. Le Président de la République lui-même n’a-t-il pas semblé sensible au malaise qu’éprouvent ces élus et, avec eux, un très grand nombre de leurs administrés, en leur annonçant en novembre dernier, lors du congrès de l’Association des Maires de France, son intention d’introduire une clause de conscience dans le texte gouvernemental ?
Même si, immédiatement rappelé à l’ordre par les lobbies gays, le Président s’est repris le lendemain en affirmant que « la loi doit s’appliquer partout, dans toutes les communes », le fait que, dans un moment de sincérité, il ait trouvé légitime la revendication des maires, est bien le signe que, dans ce « mariage pour tous », un élément fondamental de notre société est en jeu, qu’aucune argumentation en faveur d’une prétendue égalité des droits n’arrive à réduire.
La question qui est soulevée par la valse-hésitation du Président est celle de la nature d’une loi de la République que la liberté de conscience n’aura pas accompagnée durant son élaboration. Ce n’est pas une question subsidiaire. Elle vient désormais en appui à la demande d’un débat national.
Les maires acculés au non respect de la loi
Dans une République qui se conçoit bien, il n’est pas acceptable qu’un maire, puisse se dispenser d’obéir à la loi de la République. Quand celle-ci a été votée par les représentants de la nation élus démocratiquement, elle s’applique. Et si la fonction de maire, dans une de ses attributions, heurte la conscience de l’élu, celui-ci a toute latitude pour démissionner. Ce qui est choquant dans cette affaire, ce n’est pas la réaction des maires, c’est qu’ils aient été acculés à cette réaction par le refus du Président de la République d’organiser un débat national. En envisageant d’accéder à leur demande, le Président a de fait reconnu – ne serait-ce que le temps d’un congrès – que quelque chose n’allait pas dans son entêtement à vouloir imposer une proposition de campagne dont l’apparente générosité cache une forêt de graves confusions et de conséquences encore plus graves. Les revirements, les tiraillements et la cacophonie au sein de la majorité révèlent l’improvisation d’un gouvernement obsédé par la discipline de vote. Comment cette loi pourrait-elle être respectable puisqu’il lui aura manqué d’avoir été examinée en toute liberté ?
Monsieur le Président, vous n’avez toujours pas tiré la leçon du malaise de ces élus locaux. En proposant d’introduire une clause de conscience dans le texte gouvernemental, vous avez commis une faute contre la République : vous avez accepté de mettre la liberté au plus mauvais endroit, au plus dangereux pour l’ordre républicain. Même si vous vous êtes ensuite ressaisi, cette clause n’avait pas à être proposée par le garant de nos institutions que vous êtes.
Faire une juste place à la liberté de conscience des parlementaires
Ce n’était pas à l’autre bout de la chaîne, dans la mairie, qu’il fallait envisager de mettre cette liberté, mais dans l’hémicycle, au début du processus législatif, mieux, dans un dialogue avec le pays tout entier. Le rappel à l’ordre des lobbies gays, pour intolérable qu’il soit, vous a, d’une certaine façon, tiré de ce mauvais pas. Mais ceux-ci se sont bien gardés de vous rappeler que la seule manière de rester dans le droit fil de ce qu’exige la République était de faire une juste place à la liberté de conscience des parlementaires.
Il y en a à gauche qui ne veulent pas de ce texte en l’état ; ce sont des hommes et des femmes pour lesquels ce « mariage pour tous » est une hérésie anthropologique et qui ne le voteront que parce que vous les y obligez. Acceptez donc, si vous avez le souci de la République, que ce texte puisse être discuté librement puis voté, en leur âme et conscience, par tous nos parlementaires à l’Assemblée nationale puis au Sénat ! N’obligez pas vos amis socialistes au pitoyable sacrifice de leur conscience sur l’autel des investitures à venir !
Il paraît que ce mariage est un marqueur de gauche. Quelle misérable motivation pour un sujet aussi grave ! Que ne lui préférez-vous cette liberté de conscience réclamée par le pays tout entier et qui, n’étant ni de droite ni de gauche, est un marqueur de la République ! Car en garantissant la pertinence de nos lois, cette liberté affermit l’ordre républicain. Peut-être devriez-vous méditer l’intervention de Bruno Nestor Azerot, Député de la Martinique. Sachant ce qu’est la liberté, celle qui se conquiert sur l’esclavage et à laquelle la liberté des mœurs n’a aucune leçon à donner, ce parlementaire serait de bien meilleur conseil que ces lobbies qui vous entourent. Ceux-ci – nous ne le répéterons jamais assez – eurent le mérite de vous avoir rappelé que la loi de la République s’applique dans toutes les communes. Est-ce heureux ? Oui, si vous ne vous arrêtez pas en si bon chemin et si, faisant preuve d’indépendance, êtes capable de reconnaître que, depuis le début de cette affaire, vous faites marcher la République sur la tête. Car cette liberté que vous placiez si mal – ne nous y trompons pas – les lobbies ne la veulent pas pour autant au juste endroit, à savoir au Parlement ou dans des débats préludant à un référendum. Ils ne la veulent nulle part !
Passage en force contre le pays
Si donc, obtempérant à leur odieux chantage, vous continuez de priver de leur liberté de conscience les parlementaires de votre majorité, vous serez alors le premier Président qui aura accepté que les principes de la République soient retournés cyniquement contre elle. Le premier Président qui aura été acculé, par faiblesse, au passage en force contre le pays. Et le dernier à pouvoir reprocher aux maires de refuser d’appliquer une loi pour l’élaboration de laquelle la liberté républicaine aura été mise sous le boisseau
/J.S.
Sondage IFOP-Maires Pour l’Enfance à ce lien
http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=2145
“Les maires et le projet de loi sur le mariage pour tous”
Loin d’être “une courte majorité” quand on voit le chemin parcouru, ce 52% peut être considéré soit comme un véritable renversement d’opinion soit le signe d’un mensonge qui ne peut durer plus longtemps.