Lundi de Pentecôte travaillé : insensé sauf en dictature !
Lundi de Pentecôte 2012 ! La « journée de solidarité » a viré au casse-tête ! Férié ou non ? Doit-on travailler ou pas ? À peine 20% des salariés français devraient être au travail aujourd’hui. Journée offerte au nom de la solidarité avec les personnes âgées et dépendantes. Emmanuel Maubert recevait Joseph Thouvenel ce lundi de Pentecôte 28 mai.
On en parle ce matin sur Europe 1 avec vous ce matin (par téléphone) Joseph Thouvenel. Vous venez d’écrire à Michel Sapin une lettre ouverte, Michel Sapin, le nouveau ministre du travail. Vous dénoncez cette journée dite de solidarité.
Cette journée est tout sauf solidaire ! C’est une journée de « travail forcé», inscrite dans les textes ! Comme en Union soviétique ! En Union soviétique, il y avait la journée du Parti. En France, il y a la journée de solidarité [1] où l’on oblige les salariés à travailler sans rémunération. La CFTC ne peut pas accepter ce principe.
Dans votre lettre ouverte à Michel Sapin, vous utilisez le terme de “corvée”, vous reprenez un terme usité du temps des seigneurs où les serfs devaient aux seigneurs une corvée.
« Oui en bon français, c’est cela, le dernier exemple c’est le Moyen-Âge. On voit donc que ce n’est pas très moderne. Et puis, il y a des injustices flagrantes. Pourquoi mon pharmacien, parce que profession libérale, ne participe pas au soutien de la dépendance ? Si je gagne au loto, pourquoi en étant rentier je ne participe pas ? Si je suis caissière dans une grande surface, alors là on va me demander une journée de travail supplémentaire gratuitement ! Et si je suis cheminot, on me dit c’est 1 mn 52 par jour !
On en parlait dans le journal tout à l’heure. Absolument.
Ça c’est une invention fantastique, certainement d’un crâne d’œuf qui n’a pas dû être beaucoup en entreprise ! Il y a par contre un vrai problème. On arrête l’injustice tout de suite. Quand on travaille, j’ai un salaire. Si j’ai un salaire, en fonction de mes revenus, je participe aux charges de la Nation. Et là, il y un débat à avoir pour savoir à quelle hauteur je participe. Car effectivement, aujourd’hui, les sommes pour la dépendance sont insuffisantes. Je vous rassure tout de suite, que vous travailliez aujourd’hui ou tout autre jour sur la journée dite de solidarité, ça ne rapporte pas un euro supplémentaire à la caisse pour la solidarité nationale parce qu’en réalité c’est une taxe sur les salaires de 0,3% qui est prélevée tous les mois. Chacun peut le vérifier sur sa fiche de paye. Il y a une ligne URSSAF-Solidarité. Donc ce n’est pas une journée de plus ou de moins. Ça, ça s’appelle de la com’, et de la mauvaise com’ ! Car si aujourd’hui j’accepte une journée, alors demain j’en accepte deux, j’en accepte trois. Allez, je vais solutionner tout de suite le problème économique de la France. Je rétablis l’esclavage. Je fais travailler les gens sans les payer. On n’aura plus de déficits !
On n’en est pas là évidemment ! Vous, ce que vous demandez à la CFTC, c’est d’annuler cette journée de solidarité ?
C’est clair ! On enlève des textes de la république le fait d’obliger les salariés à travailler sans être payés, mais on laisse la taxe de 0,3% ; on ne touche pas aux deux milliards…
Dans cette lettre ouverte à Michel Sapin, le ministre du travail, vous rappelez au passage, en forme de clin d’œil peut-être, qu’à l’époque quand ça a été instauré du temps du gouvernement Raffarin, un certain Jean-Marc Ayrault évoque “une fausse bonne idée”, même chose pour un certain François Hollande.
Absolument. Maintenant ce sont des gens qui doivent avoir certaines responsabilités, semble-t-il ! Ils vont aller au bout de leurs démarches ! Et cette année, c’est sans doute le dernier lundi de Pentecôte où l’on va obliger les gens à travailler sans être payés. On va revenir à la normale et à des choses censées.
De toute façon, vous Joseph Thouvenel, le Vice-Président de la CFTC, vous voyez Jean-Marc Ayrault demain. Vous allez en reparler ?
Absolument. Oui, ce sera l’un des sujets, ce ne sera pas le seul. Il y en aura d’autres. On va parler du travail du dimanche. On va parler des licenciements. On va parler des retraites. On va parler aussi du financement de la protection sociale, de la productivité. Vous savez que les Français sont les plus productifs à l’heure, dans le monde. Mais, il y a peut-être des problèmes avec un certain nombre d’entreprises. On va parler de l’industrie. Il y a plein de sujets. Il va falloir ne pas qu’en parler, il va falloir agir. Et là, le gouvernement peut agir tout de suite sur la journée de travail forcé.
Passer par une loi, ou simplement un décret ?
Il peut y avoir un décret qui suspend. De toute façon, ce texte-là, on l’attaquait dans les juridictions européennes, je pense qu’on aurait gagné devant les juridictions européennes. C’est insensé d’obliger les gens à travailler sans être payés, sauf en dictature.
Mon dimanche, 25 mai 2012, Joseph Thouvenel : « Un jour qui doit échapper à la pression de la consommation »
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CFTC-Saint-Nazaire Si tu veux militer, bouge ! bouge ! “. Choisis la négociation, sans faire de compromissions, et dans l’engagement, sois toi-même !”
[1] Rappel aux lecteurs de Globalia de Jean-Christophe Rufin (Gallimard, 2004) : la devise du monde totalitaire de Globalia c’est Liberté, Solidarité, Sécurité !. Quand le roman était paru, J-Ch. Rufin avait présenté sa dystopie en disant « c’est déjà là ! ».