Loisirs, divertissement : matérialisme du temps libre
Coïncidence ou air du temps ? Deux articles de presse cette semaine s’attardent sur notre drôle de société de loisirs avec son moteur emballé de la conquête du temps libre.
Le Figaro paru le samedi 4 août donne, dans sa rubrique Débats et Opinons, la parole à l’économiste Philippe Chalmin. Ce dernier regrette que notre société soit remodelée par les congés et la civilisation des loisirs. Ainsi la naissance des vacances est-elle associée à la désacralisation du septième jour avec la montée en puissance du travail le dimanche. Étrange paradoxe que cette conquête du temps dit « libre » signant la mort du repos dominical !
« Le dimanche et les vacances furent deux des principales conquêtes des luttes sociales du XXe siècle, et elles contribuèrent à l’épanouissement matériel, moral, et spirituel des Français. Dans toutes les grandes religions, en effet, un jour de la semaine, mais aussi quelques périodes privilégiées du calendrier religieux sont consacrées au ressourcement tant spirituel que familial. De manière insidieuse, l’entrée dans l’économie des loisirs les a banalisées. L’économie y gagne un peu, les équilibres familiaux et sociétaux y perdent beaucoup. »
Interviewé la même semaine pour Famille chrétienne, le romancier Gaspard-Marie Janvier (Le dernier dimanche, Mille-et-une-nuits) est amené à tourner autour de cette même problématique du loisir mais la déplace vers la notion plus profonde de « divertissement ». Il met à nu ainsi la source du mal qui ronge l’homme diverti de l’essentiel, c’est-à-dire détourné de Dieu. Et à la question de ce qui détourne l’homme contemporain de Dieu, l’auteur de Quel Trésor ! (Fayard, à paraître) répond :
« C’est le matérialisme et l’idée qu’il fait notre bonheur. De tout temps, les gens se sont divertis, mais aujourd’hui le divertissement bénéficie de moyens économiques jamais égalés. Les jeux du cirque ont pris une place folle. Comme le dit Pascal, nous courons dans le précipice après que nous avons mis quelque chose devant nous pour nous empêcher de le voir… Le divertissement est une forme de religion, un moyen d’esquiver l’ennui, la mort, les vrais sujets ».
Même constat donc. D’un côté « une économie des loisirs », de l’autre « des moyens économiques jamais égalés ». Les deux analyses font voir le piège parfaitement tendu, tout disposé à attaquer l’esprit et le cœur, à faire son œuvre mauvaise dirigée insidieusement contre l’homme, ce roseau pensant. H.B.