Le morale à l’école et la religion républicaine
Lu dans la lettre du Cours Charlier ce billet signé Emmanuel Tranchant. H.B.
Il est parfaitement légitime que le professeur de philosophie qui préside ces temps-ci aux destinées de l’éducation nationale souhaite le retour de la morale à l’école. Eh quoi ? direz-vous, elle en avait donc disparu ? Ce que notre œil superficiel avait bien cru discerner se trouverait confirmé par la plus haute autorité ? La morale des hussards noirs de la République s’inscrivait pleinement dans la morale naturelle. Au point que le « Livre de morale des écoles primaires » de Louis Boyer en 1895 mentionne même les devoirs envers Dieu : « …L’instituteur s’attache à faire comprendre à l’enfant que le premier hommage qu’il doit à la divinité, c’est l’obéissance aux lois de Dieu telles que les lui révèlent sa conscience et sa raison ». On mesure la pente entre cette morale républicaine de la première laïcité, qui n’était qu’anti-catholique, et l’éthique citoyenne du laïcisme tardif où l’individualisme initial de la République des Jules a accouché en notre nouveau siècle de l’athéisme et du relativisme absolu. C’est-à-dire de l’impossibilité d’un discours moral forcément soumis à une autorité de surplomb d’avance récusée.
Une autorité provenant d’une habitation de soi profonde et consciente
L’école devient alors le lieu où s’expérimentent nos petits pas vers la barbarie : la tolérance, le respect, le vivre ensemble, cette morale a minima en quoi se résume toute l’actuelle morale scolaire, mènent à des déchaînements de violence que nul ne songera à relier à la liberté de mœurs conséquente au « jouir sans entraves » des années 68. Toute limite à l’autonomie individuelle proscrite, le naturel revient donc au galop et seul un système de contraintes et de lois répressives apparaît viable aux prophètes de l’interdit d’interdire. Où est l’éducation dans tout cela ? Et sur quoi peut se fonder l’autorité de maîtres qui en récusent l’aspect moral ou qui pratiquent le double langage du “faites ce que je dis, pas ce que je fais” ? Si le professeur est maître de savoir, ne doit-il pas l’être aussi de sagesse ? Peut-il être enseignant sans être éducateur ? Évelyne Martini, inspectrice d’académie, demande que la formation des maîtres en fasse des professeurs « congruents », des hommes et des femmes « dont l’autorité provient d’une habitation de soi profonde et consciente ». Souhaitons-lui d’avoir l’oreille du ministre.
Religion de la République, religion de substitution ?
Mais comment oublier le but donné à l’école publique par ses fondateurs ? « Nous ne faisons pas les élections, nous faisons les électeurs… tenir l’école, c’est tenir la France », disait Jean Macé en 1885. Quant à Vincent Peillon qui se recommande de Ferdinand Buisson, il milite pour une foi laïque, « la religion de la République»… qui pourrait bien être aujourd’hui celle de «gender» et de l’autocréation de l’homme par l’homme. Il lui appartiendra de préciser ce qu’il entend par là et à quel modèle anthropologique il se réfère. L’histoire montre que toutes les tentatives de la République à se poser en religion de substitution ont donné lieu à des mascarades dont elle n’est pas sortie grandie et plutôt qu’aux mânes de la déesse raison, mieux vaut se fier à la raison tout court, comme nous y invite Benoît XVI. Seul son bon usage ordonné à la vérité peut guider l’action droite : c’est la simple morale naturelle. D’où nous conclurons que si la République a besoin d’une religion rationnelle pour conforter son système éducatif, qu’elle ne cherche pas trop loin : elle est à portée de main. Il n’y a qu’à se baisser pour la relever. Elle seule connaît le code fondateur qui permet la synergie du pouvoir de César et du pouvoir de Dieu et qui fonde la laïcité. E.T.