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Le dimanche chrétien : le signe entre Dieu et les hommes

dimanche

Rappelons ici, à toutes fins utiles, que les défenseurs du dimanche (CAD) ont commencé par défendre le lundi de Pentecôte (voir le Collectif des Amis du lundi-CAL) et qu’ils sont sur le pont, pour certains, depuis plus de dix ans. Que beaucoup dans l’opinion se mobilisent tout à coup pour les jours fériés des DOM-TOM, soit ! Mais qu’ils ne soient pas incohérents : les jours fériés n’ont de sens qu’éclairés par le dimanche, dimanche bien vécu, source de tant de bienfaits. Comme souvent, c’est quand ce dernier nous sera enlevé pour de bon qu’on se rendra compte de ses vertus : mais ne sera-t-il pas trop tard pour pleurer ?


Nous traitons souvent sur ce blog de la dimension sociale et politique du dossier. Ci-dessous, un livre pour entrer plus avant dans la  dimension religieuse du dimanche et quelques rappels en liens. H.B.

Recension parue dans la revue d’été Liberté politique 2010.

À propos du dimanche

Jean-François Froger

Le Maître du Shabbat

Éditions grégoriennes, 2009, 171p., 17 €

C’est sans doute ce qu’il reste à faire de plus intelligent dans la question toujours débattue du dimanche chômé en France : remonter à la source. Quand une question, une valeur, un thème semble tellement usé qu’il en vient à avoir perdu tout sens, toute utilité, il faut s’en remettre avec confiance à la raison et essayer de saisir ce qui a bien pu arriver pour en être là. En replaçant le dimanche chrétien dans ses sources juives, Jean-François Froger apporte une clarification irremplaçable et rappelle dans un débat social et politique ce qui n’aurait jamais dû être oublié, en tous les cas de chrétiens dignes de ce nom : les racines anthropologiques et religieuses du premier jour de la semaine. N’ont-ils pas l’habitude d’entendre le dimanche ces chrétiens endormis quoique « messalisants », loin de tout marcionisme, quatre lectures dont les deux du Nouveau Testament ne sont jamais déconnectées de celles de l’Ancien ? Pour reprendre conscience du jour particulier qu’est le dimanche dans la semaine de sept jours, quoi de plus juste que de relire la façon dont Jésus a lui-même vécu le sabbat, comment Jésus est lui-même notre sabbat.

Le sabbat, jour sacré d’un peuple, appelé à être celui de tous

Textes à l’appui, partant notamment des commandements et de l’incontournable lettre apostolique de Jean-Paul II sortie en pleine année préparatoire au Grand Jubilé, Jean-François Froger propose un itinéraire sûr. Le lecteur pérégrine ainsi du jour universellement reconnu du judaïsme à la pratique parfaite du sabbat par Jésus, jusqu’à la mutation du sabbat en Dies Domini et en Dies Christi.  Pas d’étapes heurtées mais une continuité démontrée où l’on va des figures à l’accompli, l’accompli du dimanche pour « la communauté chrétienne universelle ». Il y eut un premier sabbat, puis ce « grand sabbat » vécu par Jésus le samedi saint, et il y aura tous les suivants qui tendent vers celui qui n’aura pas de déclin.

Les textes convoqués de la Genèse, de l’Exode, du Deutéronome révèlent que le repos du sabbat est une obligation, que le travail ce jour-là non seulement cesse mais est interdit et que le repos qui en découle est le signe de la consécration d’Israël. Pas seulement loi positive cependant propre à un seul peuple, mais jour révélé à part pour tous, jour unique « qui n’appartient pas à la suite des jours, un jour qui ne relève pas de la matrice cyclique. » Et pour le distinguer des autres jours que faire dans le réel de la vie qui voit les jours et les nuits se succéder sinon « un rituel de consécration » ? Enjeu vital, le sabbat est signe entre Dieu et son peuple, Dieu et les hommes. Ce qu’il signifie dès lors n’est rien moins que l’origine divine de l’homme. Rien d’asséné. Les démonstrations précises et nourries de Froger se suivent fines et éclairantes.

Avec le sabbat « source de connaissance », se pose la question épineuse des pratiques. Comment se reposer, se souvenir ? Qu’est-ce que ne pas travailler ? Quel statut du corps ce jour révèle-t-il ? L’on voit que ce jour où l’homme est appelé à faire comme Dieu est rituel d’attente de la résurrection des corps, « prophétise la résurrection des corps sans pouvoir la réaliser ».

La pratique du sabbat par Jésus

Parmi les pages les plus passionnantes mettons à l’honneur celles rapportant les guérisons de Jésus, le jour du sabbat précisément, ces gestes qui ne font qu’attiser chaque fois davantage la haine des Pharisiens. Jean-François Froger en propose de riches significations faisant ouvrir des yeux nouveaux sur les passages bien connus d’une Parole de Dieu à la profondeur insondable. L’enseignement du Christ, en gestes et en paroles, prend de fait une envergure particulière le jour du sabbat à la synagogue. Ainsi expliqué le « collier » de l’enseignement sur le sabbat et ses sept perles : « L’homme à l’esprit impur », «  l’épisode des épis arrachés », « l’homme à la main desséchée », « la femme courbée dix-huit ans », « l’hydropique chez les pharisiens », « le paralytique de Bezatha », « la guérison de l’aveugle-né ». C’est l’enseignement « neuf » de Jésus, plein de cette présence qui « déclenche la crise de l’esprit impur qui habite un homme ». C’est le jour de la sanctification de l’homme montrant un autre rôle du corps. Du neuf car c’est le jour où la vie de Dieu, Intelligence et Amour, se communique en abondance, où le bien et le bon sont à faire, où il s’agit de faire agir sa liberté et où sont prophétisées toutes les libertés. De ce collier égrené, découle une certitude : Jésus n’a jamais transgressé le sabbat, ne l’a à aucun moment violé. Il l’a accompli parfaitement. Son œuvre parmi les hommes qui rejoint celle du Père qui œuvre toujours, communique sa vie intime, « l’acte de Dieu en Dieu », révélant surtout à l’homme perdu et enténébré « qui est Dieu » .

Le dimanche : shabbat-accompli

Dans cette perspective, le dimanche on l’aura compris n’est pas substitution au sabbat, mais bien sa réalisation dans la Résurrection du Christ. Il n’est pas pour cela « le sabbat des chrétiens ». Rappelée d’ailleurs, au cœur de ce jour, l’importance de l’eucharistie, « repas sacrificiel shabbatique », participation au corps du Christ ressuscité que les catholiques « assimilent pour en être assimilés » et entrer dans le Repos de Dieu. Jour après le sabbat, premier jour de la semaine, appelé par les Pères « huitième jour », il désigne le temps éternel qui s’avance dans le temps des hommes. « Ce n’est plus un « non-jour » mais « un jour de lumière pure du monde venant. Il est vrai que le dimanche n’est pas de ce monde, mais du monde qui vient. Irruption du repos de Dieu, non plus prophétisé mais là ».

Pour Froger la défense du dimanche chômé et de sa fonction sociale y compris par certaines autorités religieuses sur le seul terrain des bénéfices extraordinaires de ce jour a quelque chose de perverti, c’est « un accaparement du repos par le peuple, qui s’en trouve bien mais se fait ainsi maître du shabbat. Ce n’est pas Jésus qui accapare la Torah ni le shabbat, c’est le peuple qui en fait sa chose et l’interprète à son profit, en ce monde-ci ! » Citant Benoît XVI et la page 134 de Jésus de Nazareth, Froger souligne à juste titre l’inquiétude du cardinal Ratzinger, « le dimanche est aussi un jour où se rassemblent tous les membres du Peuple de Dieu, dont la racine éternelle est le peuple d’Israël. Les peuples qui perdront la faculté de chômer le dimanche seront de nouveau des peuples où l’esclavage sera la règle. »

Une fin d’ouvrage un peu ardue s’adressera aux seuls spécialistes : à ceux qui depuis le premier tome de Jésus de Nazareth s’intéressent au dialogue du rabin Neusner et au point de vue du cardinal Ratzinger. Et si on avait pu également se laisser décontenancer au fil des pages par quelques moments hermétiques, le dernier chapitre lié à une formulation mathématique de physique quantique s’y enfonce complètement et sera réservé aux esprits scientifiques férus de notions de quaternité et de logique quaternaire ; il y a d’ailleurs invitation réaliste à passer outre.

Un ouvrage très dense à lire, à relire et à méditer. Une veine à part et bienvenue dans un horizon marqué par tant de vide hérétique ou de prétentieux rabâchage. H.B.

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