Le blog-notes de Radio Notre-Dame
Jean-Baptiste Le Roux : Le recours à l’article 49.3 pour la Loi Macron a fait passer aux forceps cette loi et avec elle, la libéralisation du travail du dimanche. S’agit-il de baisser les bras ? La messe est-elle dite ?
Héléne Bodenez : Non ! Le combat continue. D’abord au Sénat où il y a fort à parier que des demandes de compromis vont fleurir. Reste à savoir s’ils seront encore rejetés quand le texte reviendra définitivement à l’Assemblée. Sans doute qu’une reculade sur ce sujet précis serait vécue comme une trop forte humiliation par l’orgueilleux Manuel Valls. Le combat continue sur différents terrains ensuite. Le terrain social et politique d’abord en opposant à la politique des petits pas – enfin, petits pas, un petit peu moins désormais – du gouvernement une sensibilisation de terrain qui commence à porter ses fruits. Par exemple, avec l’idée que la croissance ou l’activité ne seraient pas forcément au rendez-vous. Comme Éric Heyer de l’OFCE l’a démontré, les prix pourraient augmenter.
J.-B. L. : Pourquoi pourront-ils augmenter ?
H.B. : Puisque les salaires seront supérieurs, dit-il, il y aura « un coût supérieur pour ces magasins-là qui risquent alors d’augmenter leurs prix. Et ces prix, ils ne vont pas les augmenter que le samedi et le dimanche. Pourquoi le citoyen qui faisait ses courses dans la semaine devrait voir ses prix augmenter pour permettre à une petite frange de la population de faire ses courses le dimanche ? »
J.-B. L. : Cette loi promettait une libération de la croissance ? Ce qu’il va se passer ?
H.B. : Pour vous répondre cet exemple parlant que le Collectif des Amis du dimanche d’Étienne Neuville a rappelé cette semaine le cas de la librairie Le Grand Cercle, à Eragny dans le Val d’Oise. En 2009, elle avait défrayé la chronique. « Ouvrant illégalement le dimanche, elle avait été attaquée par FO mais soutenue par deux ministres de la République. À l’époque toujours, le député Mallié expliquait à la France entière que le travail dominical allait créer “des dizaines de milliers d’emplois”. Bénéficiant depuis de la loi du 10 août 2009, la librairie Le Grand Cercle a échappé à la plupart de ses sanctions. Actuellement, elle bénéficie de plein droit de la possibilité d’ouvrir le dimanche. Or, qu’est devenue la librairie du Grand Cercle ?
Entre 2009 et 2014 elle est passée de 135 salariés à 106 alors qu’elle fournit toujours le même service et occupe le même emplacement : 29 emplois ont été purement et simplement supprimés. Au Grand Cercle, la dérégulation du travail dominical s’est simplement traduite par une modification de la répartition de la masse salariale, qui n’a absolument pas évolué du fait de l’ouverture Non seulement aucun emploi n’a été créé, mais presque 30% des postes ont été supprimés. »
J.-B. L. : Le travail le dimanche revêt une dimension religieuse? À ce titre, vous dites que le combat continue également …
H.B. : Naturellement. Rappeler à temps et à contretemps qu’il y eut un premier sabbat, puis ce « grand sabbat » vécu par Jésus le samedi saint, et il y aura tous les suivants qui tendent vers celui qui n’aura pas de déclin. Le dimanche n’est pas substitution au sabbat, mais bien sa réalisation dans la Résurrection du Christ. Il n’est pas pour cela « le sabbat des chrétiens ». Le dimanche n’est pas de ce monde, mais du monde qui vient. Irruption du repos de Dieu, non plus prophétisé mais là.