Le blog-notes de Radio Notre-Dame
Le blog-notes du 9 février 2015 – Le pilote jordanien : symbolique avertissement ? (À 02:20 sur le site de Radio Notre-Dame en réécoute)
Louis Daufresne : Et ce matin vous revenez sur la mort du pilote jordanien. Symbolique avertissement, dites-vous.
H.B. : Je ne sais pas si tous les auditeurs en ont eu connaissance mais ce pilote jordanien a été brûlé vif dans une cage. Ca me hante. C’était évidemment fait pour cela, cette horreur. Il s’agissait de nous saisir dans une escalade de terreur toujours plus barbare. Même si vous ne vouliez pas voir la vidéo en ligne sur internet, vous ne pouviez pas échapper aux photos qui arrivaient sur votre ligne de tweets. Dans sa chemise de condamné orange, le pilote encagé a vu la flamme se propager par le sol, l’atteindre peu à peu jusqu’à faire son œuvre épouvantable.
L.D. : Alors, c’est évidemment un épisode traumatisant ; on est obligé de regarder ?
Ecoutez, j’ai été, moi, forcée de la voir par photos, j’ai ensuite longuement médité, assez abattue, sur « cet œil pour œil, dent pour dent ». Mais, peu à peu, je suis remontée au-delà de ce seul épisode traumatisant, j’ai été amenée à penser aux millions d’innocents ayant subi le déluge de feu des bombes et qui comme ce pilote brûlent vifs prisonniers de l’endroit où ils sont. Je pense notamment aux 210 000 morts en Syrie. En quatre ans de guerre. On s’habitue trop à entendre ces chiffres, entre publicités et JT qui vous présentent l’horreur de manière aseptisée. Ça saigne, là-bas, partout dans le monde, et ce ne sont pas des jeux vidéo !
L.D. : La guerre high-tech et elle a évidemment des répercussions concrètes
H.B. La guerre de la destruction massive. Depuis 1945 c’est devenu possible. Nous allons fêter les soixante-dix ans du largage de la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki faisant respectivement 140 000 et 70 000 morts, ce qui faisait dire à Camus horrifié dans le journal Combat que « le long dialogue avec les hommes s’était arrêté ». Une façon de dire que l’humanisme était mort.
Dans ces deux villes martyres japonaises, il y a les hibakushas qui gardent la mémoire de ce qui s’est passé, comme ce reste d’une école primaire pulvérisée à 11 h 02, le 9 août 1945. Un souffle brûlant à 4000 degrés Celsius de Fat Man, la deuxième bombe atomique larguée, « Un son frappant comme 1000 coups de tonnerre ». Située à 500 mètres de l’hypocentre cette partie de l’école a étrangement tenu le coup. Tous les environs ont été rasés. Des 1400 élèves 50 ont survécu. Les autres ont été brûlés vifs. Une survivante, elle avait huit ans lors de l’explosion, confirme l’intense lumière qui avait envahi le ciel, les cris des personnes brûlées et déshydratées qui couraient, affolées, pour trouver de l’aide et de l’eau.
L.D. : Une destruction inimaginable
H.B. : « inimaginable », oui Louis, l’adjectif utilisé en 1979 par Jean-Paul II dans Le Rédempteur de l’homme ; notre pape craignait « une autodestruction inimaginable », issue des productions de l’homme, celles qui contiennent une part spéciale de son génie et de sa créativité, mais pouvant être retournées radicalement contre lui-même. Oui, autodestruction inimaginable « en face de laquelle tous les cataclysmes et toutes les catastrophes connues dans l’histoire semblent pâlir ».
Vous voyez, la mise à mort abominable du pilote jordanien m’a emmenée loin. Symboliquement, oui, cet homme peut représenter l’humanité tout entière. Espérons que le feu de nos bombes ne fasse pas de la terre une cage de mort.