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Laïcité française : Guillebaud et Tincq s’insurgent

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     Passionnante émission que celle diffusée sur KTO et intitulée « Les prises de parole dans l’espace public » ! Henri Tincq [1], Jean-Claude Guillebaud et Laurence Masurel, trois journalistes spécialistes des informations politiques et religieuses, étaient les invités de la télévision catholique. Nos trois experts, écrivains également, intervenaient lors des « Mardis des Bernardins » et ont cherché à analyser les évolutions d’un environnement médiatique qui s’emballe, son « immensité informationnelle », le « tohu-bohu » qu’il révèle, regrettant que soit brouillée la frontière entre l’information et la rumeur, que la prime soit donnée à la rapidité, stigmatisant « la chasse au scoop ». Un excellent débat vraiment autour de ce « sixième continent », avec sa « télévision attrape-tout », reine de « médias réducteurs et manipulateurs ».

De nouveau, crise de la laïcité

   Particulièrement intéressant le moment, où à la faveur des échanges, le thème de la laïcité émerge. C’est le journaliste de Slate, auteur des Médias et l’Église (Le Cerf), qui ouvre la discussion rebondissant sur l’atmosphère ambiante de raillerie dont venait de parler Guillebaud. Extrait (curseur 38’30-43’10) :

«  Il y a aujourd’hui plus que de la raillerie, une conception laïque qui rigidifie les comportements par rapport à l’Église, il y a de nouveau  une crise de laïcité, je ne sais pas si c’est l’anticléricalisme de grand-papa dont parlait à l’instant Jean-Claude Guillebaud, mais il y a aujourd’hui des conceptions très rigides sur le plan de la laïcité. Par exemple, récemment, il y a eu des images qui sont passées à la télévision du procès de Florence Cassez ; au Mexique, on a encore une tradition dans le tribunal de mettre des crucifix. Eh bien, une télévision française avait reçu les consignes de flouter le crucifix pour qu’on ne  le voie pas pendant les images retransmises dans un journal télévisé.

 Ou encore tel évêque qui se plaignait l’autre jour parce qu’il y a eu une pétition dans son coin où on lui disait qu’on allait supprimer le panneau indicateur de l’évêché dans sa ville !… Au nom de la saine laïcité ! En fait, c’est une laïcité de plus en plus fermée. On est à cet égard en pleine régression. »

« Goguenardise laïque, agressivement laïque »

  « Fermée et ignorante » renchérit alors Guillebaud avec raison, « ignorance de la réalité religieuse, vertigineuse. »

« Je vais tous les ans au Québec, et il y a eu là-bas un grand débat. On voulait interdire les sapins de Noël parce que c’était un symbole chrétien. Mais le sapin de Noël, ironise l’auteur du Deuxième déluge (DDB), cela n’a rien de chrétien. C’est une tradition assez tardive que les chrétiens reprennent encore, mais cela n’a rien à voir avec le message évangélique. C’est vrai que dans cette goguenardise laïque, agressivement laïque, moi ce qui me frappe c’est l’étendue vertigineuse de l’ignorance. »

  Tincq ajoute encore que ce week-end de Pâques – l’émission date du 11 avril il a entendu parler de [kateʃymɛn] pour « catéchumènes », entendu encore « une télévision d’information continue concernant le message du pape au monde et à la ville, dire la « messe Urbi et Orbi… D’une certaine façon, elle a raison, la messe est ouverte à l’Église de Rome et au monde mais quand même, c’est le message du pape qui est Urbi et Orbi. Pas la messe. »  

Et Guillebaud de conclure :

« J’ai lu, il n’y a pas très longtemps, une interview de François Hollande où il y avait tout de même cette chose extravagante. Il expliquait qu’il avait été pendant très longtemps agnostique, qu’il ne l’était plus, agnostique, car il savait maintenant que Dieu n’existait pas. C’est assez touchant de naïveté ! mais que cela soit dit par le probable président de la république… »

H.B.

[1] Henri Tincq, Jean-Marie Lustiger. Le cardinal prophète, Grasset.

Présentation KTO

LES MARDIS DES BERNARDINS

Les prises de parole dans l’espace public

Diffusé le 10/04/2012 / Durée 52 mn

 Comment prend-on la parole dans l’espace public et médiatique ? Et qui la prend ? Suivant quelles stratégies ? Le christianisme et l’Église semblent rencontrer des difficultés pour communiquer. Les raisons en sont multiples. Exigence de simplification du « message », primat de l’émotionnel, « peopolisation », goût des polémiques, tout cela pourrait décourager les chrétiens eux-mêmes et leur donner la tentation de fuir des pratiques qui leur paraissent souvent étrangères et hostiles. Mais au titre de l’Esprit qui l’a fondée et qui l’anime, l’Église ne peut pas s’abstenir de toute communication … À quelles conditions, avec quels moyens, cette parole doit-elle être prise et exprimée ? Avec la participation de : Jean-Claude Guillebaud, co-fondateur de l’association “Reporters sans frontières”, chroniqueur politique au “Nouvel Observateur ” et chroniqueur au journal “La Vie” ; Laurence Masurel, rédacteur en chef à Paris-Match, chargée du service politique et chroniqueur politique à Radio Notre Dame ; Henri Tincq.