La Manif Pour Tous : bientôt deux millions dans la rue ?
340 000. Adjugé. Le schmilblick paraît tout de même un peu gros. Voilà que la Préfecture de police, probablement gênée aux entournures par un « comptage malthusien » qui a fait disparaître pas moins de sept cent mille manifestants, convoque une conférence de presse. Il s’agit de confirmer aux journalistes des chiffres qui sont pourtant la risée de tous, et de les revoir même à la baisse. Minimiser à ce point l’ampleur d’une mobilisation que Le Figaro a titrée à la une « Le raz-de-marée » choque chaque jour davantage, finira malgré tout par jouer contre ceux qui mettent une telle stratégie en œuvre.
Mais écoutons le reportage d’un de ces journalistes convoqués (retranscrit ci-dessous), journaliste presque ému et mûr pour gober ce qu’on lui sert :
« Voyez ! Pour l’occasion, quatre responsables dont les deux patrons de la Direction du renseignement parisien reçoivent dans une salle de réunion. Trois écrans plats, chaque cortège – il y en avait trois – a été filmé. Les images sont plutôt de bonne qualité. On voit bien toute la chaussée. Opération vérité pour un service presque meurtri et lassé en tout cas des polémiques. Son directeur René Bailly : “ Moi, je considère que c’est normal de le faire, pour travailler en toute transparence, expliquer quelle a été notre méthode de comptage et établir par le visionnage, qu’on est en train de réaliser aujourd’hui avec vous, la réalité de la manifestation telle qu’elle s’est déroulée sous nos yeux.” Impossible pour un œil non entraîné de compter précisément. Mais une chose frappe : les cortèges sont par moments très parsemés. Le chiffre de 60 000 manifestants à l’heure avancée par les organisateurs pour arriver au total des 800 000 paraît effectivement exagéré. Pas d’autres conclusions possibles. Mais les policiers ne sont en tout cas pas les seuls à vouloir sortir de ces contestations. Des sociétés travaillent sur un logiciel de comptage numérique automatique. Pas encore au point techniquement. »
Cortèges très parsemés
… « des cortèges parsemés »… on n’en croit pas ses oreilles ! Quand vous avez été sur le terrain en tant que volontaire, que vous avez été convoqué dès 10h30, que vous avez vu jusqu’à plus de 18h, de vos yeux vu grossir les avenues donnant sur la place d’Italie, que vous avez visionné la vidéo de la foule (à 13h30) au lion de Belfort de la Place Denfert-Rochereau, comment peut-on oser parler de « cortèges parsemés » ? La préfecture de Police m’inviterait-elle à visionner ce qu’elle a montré à Julien Dumond d’RTL ? Comment s’expliquer pareil tour de passe-passe ? Les agents du comptage ont-ils été dépêchés sur place avant 13h, au moment des premières arrivées des responsables de l’accueil et de la sécurité vers 10h, bien avant que les cortèges ne se forment ? N’ont-ils été attentifs qu’aux seuls sas de sécurité des cortèges entre les différentes zones, espace sans manifestants ? Je cherche honnêtement à quelle réalité de telles déclarations correspondent. En vain.
On nous demande de garder notre calme. Certes. On nous objecte que le Président connaît forcément les chiffres. Mais l’on en douterait presque tant les façons d’agir du chef de l’État nient l’ampleur de l’événement. L’hypothèse pourrait n’être pas en vérité si folle. L’isolement de tout Prince au sommet de l’État est après tout bien connu. L’on peut de surcroît, sinon lui mentir au moins ne pas lui communiquer toute la vérité. L’Histoire et toute la littérature sont pleines de ces mensonges d’État.
Un autre point ne laisse pas d’intriguer : comment des photographes avides de photos insolites, qui les ont certainement réalisées, n’ont-ils pas été davantage exploités ? Il est certain que les agences de photos doivent sur une mobilisation pareille receler bien des pépites ; elles doivent, elles aussi, savoir à quoi s’en tenir. Qui aura vu en tout cas la longue file des cars au péage de Saint-Arnoult puis escortés par la police en fin de matinée de ce dimanche pas comme les autres sait qu’on n’a pas utilisé tout le pouvoir de certaines photos, de ces photos qui auraient dû faire le tour des rédactions.
À quelques jours de l’ouverture des débats, il est quasi inévitable de ne pas voir les deux bords se crisper davantage. Pour ne citer par exemple qu’une seule radio, Europe 1 s’en tient aux anathèmes et aux humiliations, invite Frigide Barjot pour lui servir une chanson obscène d’avant sa conversion. C’est vraiment petit quand l’on constate à quel point la Porte-parole de La Manif Pour Tous a toujours le souci de ne jamais blesser qui que ce soit. Il ne resterait donc plus que cela aux pro mariage gay ? Si tôt à bout d’arguments, obligés d’être bas et vils quand ils ne pompent pas « des trucs et des machins » comme les Shadocks !
Deux millions ? Trois ?
Que faudra-t-il pour que le texte soit retiré ? Que nous soyons bientôt deux millions dans la rue ? Je ne crois pas l’idée farfelue du tout. Les yeux rivés sur le destin de Zapatero qui avait ignoré superbement les manifestations monstres de son peuple, je me rappelle bien sûr comment la loi est passée de force en Espagne mais surtout comment Zapatero n’a pas été réélu. À méditer évidemment quand certains veulent forcer la France à faire comme l’Espagne. 2014 n’est pas loin. Et 2017 non plus ! H.B
Photo : H.B.