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La force tranquille de l’appel intérieur. Les éducateurs chrétiens à Lille

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Décryptage | Hélène Bodenez

Lille 2008 : la Communion missionnaire des éducateurs a tenu son huitième congrès depuis sa création lors du jubilé de l’an 2000. Signe de l’importance de l’événement, le communiqué de Radio Vatican qui a rendu compte des deux journées de travail des 150 participants, les 26 et 27 janvier dernier.

 

La brûlante question de l’éducation et de l’école valait plus que jamais ces deux jours intenses de réflexion et de prière.

Particulièrement remarquable en effet, l’inscription de ce congrès dans un profond climat spirituel : vêpres, messes, adoration, spectacle d’art sacré joué par Lucile Vignon (Le Château de l’âme, textes de Thérèse d’Avila), présence de l’Église en sa diversité — avec Mgr Léonard, évêque de Namur, soucieux d’unité, mais également avec plusieurs prêtres, frères de Saint-Jean en habit, prêtres en clergyman ou en pull…

 

Tout disposait les participants à recevoir les différentes interventions qui allaient nourrir et fortifier leur engagement aussi personnel qu’intérieur, plus qu’un engagement en réalité, leur mission . Lille 2008 fut un ressourcement essentiel et fraternel, un ressourcement de l’espérance. Retenons surtout l’appel appuyé de Mgr Léonard au cours de l’homélie du dimanche : Ce n’est pas seulement des valeurs, fussent-elles chrétiennes, que nous avons à introduire dans nos écoles, mais c’est bien une personne, la personne du Christ que nous devons laisser entrer dans nos écoles chrétiennes, toute la personne du Christ, qu’il faut laisser rayonner. En cela, on retrouvait bien l’esprit du Père Lyonnet, s.j. cité dans les tracts de la Communion des éducateurs : Le Christ n’a pas sa place dans l’éducation : il veut toute la place, il veut régner partout, et non à certaines heures. Il veut toute l’intelligence. Il veut tout le cœur de l’homme et toutes ses forces.

 

Lafforgue : appel à l’Église

 

Laurent Lafforgue, bien connu désormais pour ses paroles roboratives, n’a pas composé pour redire la vérité sur la débâcle de l’école . Sans désespérance mais avec toute la rigueur du mathématicien, il a dressé un tableau que certains se refusent toujours à regarder ou à admettre, comme en témoignent la récente publication de Philippe Meirieu (Pédagogie : le devoir de résister, édit. ESF) ou certains anathèmes entendus ici ou là sur ceux qui osent émettre des doutes sur la qualité du système scolaire.

 

L’original de Lafforgue, cet ancien élève de l’école publique, tient à son audace d’en appeler pourtant à l’Église. Pour lui, si l’école publique a eu son heure de gloire, c’est bien qu’elle restait irriguée dans le secret par la sève du christianisme . Elle a prospéré sur un fonds chrétien . C’est donc naturellement vers l’Église que Laurent Lafforgue voudrait se tourner pour que soit à nouveau assurée une transmission chrétienne des connaissances. Il bataille encore et encore, en prophète parfois mal reçu, contre une triple tentation à l’œuvre dans notre système éducatif bien mal en point : contre l’utopie corruption de l’espérance , contre le puéro-centrisme corruption de la charité , contre la capitulation de l’intelligence corruption de la foi . Notre Médaille Fields 2002 va jusqu’à dire que la crise de l’école résulte de la crise interne de l’Église. C’est sans doute vrai pour une large part.

 

Cet appel à l’Église, le père J.-L. Foerster o.p. y a répondu, à sa manière, en invitant les congressistes à plonger dans la méditation de la Parole de Dieu, insistant sur le grand mot de saint Grégoire qui disait que l’Écriture grandit avec celui qui la lit, appelant par la même les éducateurs à grandir avec ceux qui leur sont confiés. La parole est élan de transformation, de conversation, de Salut. Elle nous garde de tout esprit de fatalité.

 

Pro-éducateurs

 

Mgr Léonard a, le dimanche, sommet du congrès, pris acte à son tour, de l’appel de Laurent Lafforgue. En tant que métaphysicien, en tant que pasteur, l’évêque de Namur y a répondu en mobilisant tous les éducateurs de bonne volonté présents, les pressant avec douceur d’accepter dans l’admiration leur condition d’animal, non seulement le plus impotent qui soit, mais aussi surtout le plus ouvert qui soit au mystère de l’être, ayant besoin d’être acheminé vers son humanité.

 

Le prélat a montré la grandeur de la vocation d’éducateur qui n’est pas spectateur mais acteur de la vie d’autrui, éducateur qui accepte, dans l’humilité, d’être pro-éducateur conjointement aux parents pro-créateurs , c’est-à-dire relais de l’éducation divine du maître intérieur cher à saint Augustin. Très beau développement que l’analyse d’un aspect de la liberté par laquelle l’éducation est engendrée, à l’opposé du concept existentialiste où l’on se fait soi-même. Avec l’Église, et par l’Église, Ecclesia mater, l’éducateur éduit , doit être sur-meneur éveille chacun à sa vocation surnaturelle. C’est toute la portée métaphysique, anthropologique de l’expérience humaine de l’éducation que Mgr Léonard a ainsi mise en lumière. Portée considérable et trop oubliée aujourd’hui : l’homme est un être à éduquer. Le bagage héréditaire, biologique, ne le prépare pas à la liberté qui fait sa grandeur, à cet engendrement qui va vers le Créateur. Ainsi éduquer reviendra-t-il toujours à faire sortir les potentialités qui sont contenues dans la puissance en acte : l’éduqué aura donc toujours une dette d’être .

 

Faire grandir la communion

 

Des propositions de carrefours, comme par exemple celui de la catéchèse de la première annonce , essentielle dans des écoles au christianisme minoritaire de la société actuelle, ont permis de réfléchir au concret de situations inédites de la vocation d’éducateur.

 

En dernier lieu, l’économiste Thérèse Lebrun, président-recteur de la Catho de Lille, a fait écho à l’exigence du mathématicien qui avait ouvert le congrès. Insistant avec un pragmatisme énergique sur le concret de la situation sociologique dans laquelle on se trouvait, situation d’acteurs dans une société en profonde mutation, Mme Lebrun a souligné combien difficile et immense était la tâche des formateurs catholiques. Particulièrement appréciées des paroles fortes concernant la nécessité d’éduquer, d’être entrepreneurs dans des domaines aussi attendus, entre autres, que celui du handicap et de la dépendance.

 

L’équipe organisatrice conduite par Xavier Dufour, secrétaire général de la Communion missionnaire des éducateurs, le père Denis Branchu, aumônier de Saint-Jean-de-Passy, M. François Tellier du lycée Sainte-Thérèse-d’Avila de Lille qui recevait le congrès, Frédéric Chassagne, directeur du lycée de la Sauque (Gironde), aura proposé une rencontre de très grande qualité, aux prolongements désormais attendus : la communion n’appelle-t-elle pas vie et unité ? partage et mise en commun ? amitié et miséricorde ? Elle ne demande qu’à grandir pour que, plus enracinés dans la foi, les éducateurs voient leur espérance s’affermir et leur charité se réchauffer.

 

Faire grandir la communion, c’est participer chacun à son humble mesure au grand sauvetage de l’éducation : en ce domaine, il ne peut y avoir aucune concurrence, seulement urgence d’unité.

 

Pour en savoir plus :■ Le site de la Communioneduc.free.fr Communion missionnaire des éducateurs