L’Europe honorée de la venue du pape à Strasbourg
Que dira le pape François au Parlement européen et au Conseil de l’Europe, ces deux instances devant lesquelles le chef des Catholiques va prononcer un discours solennel pour chacune d’elles le 25 novembre prochain ? La question est dans toutes les têtes. Renouant avec les visites éclairs de Paul VI, le pape François n’honorera le sol français de sa présence que quatre petites heures entièrement dévolues à la cause européenne, mais il y a fort à parier qu’elles seront denses et peut-être même inattendues. Radio Vatican titre déjà « Grande attente pour la venue du pape à Strasbourg » et inscrit le voyage du pape dans le grand renouvellement des instances qui vient de se réaliser. Le père irlandais Patrick Daly, secrétaire général de la Comece, la Commission des Épiscopats de la Communauté européenne s’est ainsi exprimé :
Je crois que le programme du Pape est dans un certain sens déterminé par le nouveau programme au niveau européen. Nous avons une nouvelle Commission, un nouveau président de la Commission, un président qui vient d’être élu au Conseil européen, Monsieur Tusk et un nouveau Parlement avec 58% des députés qui sont là pour la première fois. C’est une grande occasion pour le relancement du projet européen et je crois que ce nouveau départ pour l’Europe, en particulier pour l’Union européenne, attire l’attention du Pape. Et c’est à ce moment crucial, vingt-cinq jours seulement après le lancement du programme de la nouvelle Commission que le Pape vient parler aux parlementaires.
Le repos hebdomadaire du dimanche
Entre autres sujets parmi tant de sujets brûlants mais qui nous occupe sur ce blog dans la perspective de la doctrine sociale de l’Église, l’affaire du repos hebdomadaire traditionnellement donné le dimanche en Europe.
C’est le 12 novembre 1996 que l’Union européenne a mis fin au dimanche sans travail. Dans l’affaire C-84/96, la Cour de justice de l’Union européenne devait se prononcer sur un recours en annulation intenté par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Était notamment visée la fixation au dimanche du jour de repos hebdomadaire (dans l’article 5 deuxième alinéa de la Directive 93/104/CE concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail). La Cour de justice de l’UE a dit pour droit, au § 37 de son arrêt : « Le Conseil est resté en défaut d’expliquer en quoi le dimanche, comme jour de repos hebdomadaire, présenterait un lien plus important avec la santé et la sécurité des travailleurs qu’un autre jour de la semaine. Dans ces conditions, il convient d’annuler l’article 5, deuxième alinéa, de la directive. »
C’est ainsi que fut mis en doute le dimanche comme jour de repos hebdomadaire, que l’Union européenne a mis fin à un acquis social et une tradition centenaire, toujours vivants dans tous les États membres. Désormais le dimanche n’était plus le jour de repos hebdomadaire pour tous. Cet arrêt est à considérer comme un acte politique des institutions européennes, même si la Cour se cache derrière des arguments de droit.
Les amendements de 2008 pas soutenus
Certains états membres se rebiffent alors, tel l’Allemagne. Au Parlement européen, ça remue également, ça tangue sur cette question. L’espoir renaît de retrouver ce qui a été enlevé de manière sournoise. Mais pataquès, c’est le coup de Jarnac qu’on a du mal à oublier. Souvenons-nous, c’était le 19 décembre 2008.
Malgré les amendements déposés par des députés européens et le soutien des Églises, le débat n’avait pas eu lieu. Les députés européens Marie Panayotopoulos-Cassiotou, Thomas Mann et Hubert Pirker avaient déposé deux amendements visant à introduire le dimanche comme devant être « en principe » le jour de repos hebdomadaire. Ces amendements avaient été signés par plus de quarante députés issus de tous bords politiques. Les représentations des Églises, des alliances pour la protection du dimanche et des syndicats de nombreux États membres avaient également soutenu cette initiative. Pour des raisons de procédure, des députés européens n’ont pas pu s’exprimer sur ces deux amendements et ont ainsi été empêchés de débattre d’une question aussi cruciale pour les citoyens européens.
Le père Piotr Mazurkiewicz, alors Secrétaire général de la Commission des Épiscopat de la Communauté Européenne (COMECE) en 2008 avait jugé cet abandon de manière sévère :
« Le dimanche comme jour de repos hebdomadaire privilégié ne sera pas mentionné dans la future Directive sur le temps de travail, alors même que l’objectif affiché de cette Directive est de permettre la réconciliation entre travail et vie familiale. C’est une incohérence et un acte manqué lorsqu’on sait à quel point les citoyens européens attendent aujourd’hui une Europe sociale qui protège les travailleurs et leurs familles.
De février à avril 2010, une déclaration écrite visant à protéger le dimanche comme pilier du système social européen avait alors été lancée mais finalement déclarée caduque. De nombreux députés européens n’avaient pas signé.
L’European Sunday Alliance
En mars de cette même année, une conférence internationale autour de la sauvegarde du dimanche avait réuni plus de trois cent cinquante personnes au parlement de Bruxelles, prémices de l’organisation d’une Alliance européenne pour le repos dominical. Celle-ci voit le jour en juin 2011.C’est l’European Sunday Alliance. L’Alliance s’est particulièrement mobilisée l’année dernière lors de la campagne électorale. Le site de la COMECE avait d’ailleurs mis en ligne une déclaration en vue des élections 2014. Au point 7, on y lisait : « Nous soutenons toutes les mesures qui peuvent être prises pour protéger un jour de repos commun hebdomadaire, qui est le dimanche. »
Avec la nouvelle assemblée des nouveaux députés européens, une nouvelle Commission, les équilibres ont été recomposés. L’introduction du dimanche comme jour de repos par principe, comme jour spécial dans la directive du temps de travail a-t-elle une nouvelle chance ? Espérons-le ! Nul doute que la ligne sans doute très sociale du discours du pape à Strasbourg pourrait aider à ouvrir les yeux dans cette direction d’un humanisme intégral. H.B.
(Sources Radio Vatican, COMECE, Liberté politique)
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Lire sur le site de Radio Vatican “Grande attente pour la venue du pape à Strasbourg“
Lire sur le site de La Croix “Le pape va faire deux discours à l’Europe“
Lire sur le site de Liberté politique “François et l’Europe, quel message ?”