Hidalgo fait volte-face sur le repos dominical
La gauche n’aurait-elle eu en 2009 qu’une posture anti-Sarkozy en défendant le repos dominical ? Les toutes récentes déclarations d’Anne Hidalgo, appuyée par le maire de Paris, le laissent penser. En se prononçant mercredi aux Échos TV pour une remise à plat des “zones touristiques”, qui déterminent à Paris le droit à travailler le dimanche, elle a provoqué un tollé chez ses alliés.
La première adjointe au maire de Paris, candidate à sa succession, est prête à quelques mois des municipales à courir après NKM et pour l’occasion à réviser sa position. Vent debout à l’Assemblée et au Sénat, la gauche n’avait pas pu avoir raison d’une Chambre acquise aux options libérales du président Sarkozy et de ses successifs ministres du Travail Xavier Darcos, et Xavier Bertrand. La bataille des amendements avait abouti aux fameux PUCE, objets de tous les litiges, malgré les distorsions de concurrence annoncées, et vérifiées depuis.
Aujourd’hui plusieurs dossiers fument. Avec notamment l’audience de la Question ouverte de constitutionnalité (QPC) déposée par Bricorama sur le thème de la distorsion de concurrence entre les enseignes de bricolage et celles de l’ameublement. Comme pour faire pression, les médias s’agitent depuis quelques semaine. Le Journal du dimanche titre : « Le grand bazar du dimanche », citant un sondage CSA pour la FMB (Fédération des magasins de bricolage et de l’aménagement de la maison) selon lequel 54 % des Franciliens déclarent avoir repoussé une activité de bricolage faute de trouver un spécialiste ouvert le dimanche.
Autre cible des enseignes de bricolage : l’e-commerce. Là encore, l’argument est purement rhétorique : les grandes enseignes de bricolage (Castorama, Bricorama, Leroy-Merlin) n’ont-elles pas leur site de vente en ligne, contrairement au quincaillier du coin ?
Maître Lecourt, en charge du dossier, observe la logique en cours. Après l’ameublement, l’électroménager (loi Châtel), les conflits sociaux à Paris et sa banlieue, à Lille, à Plan-de-Campagne en 2009 (loi Mallié), « le bricolage sera-t-il la prochaine étape, en 2013 ? Sera-ce ensuite la parfumerie (Sephora), le garage (Autobacs), les vêtements et les chaussures (Chaussland) ? L’engrenage se révèle des plus dangereux ; certains jouent l’autruche se voilant la face à bon compte tant que ce sont les autres qui travaillent le dimanche. Pourtant qui peut croire que cela ne le touchera pas ? Que ce ne sera pas demain à son tour d’être de l’autre côté de la caisse ? »
Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que le feu prenne aux poudres. Le Front de gauche s’insurge de la volte-face d’Anne Hidalgo. Les syndicats réagissent également. Casus belli ? Peut-être bien ! Le collectif des Amis du dimanche a mis en ligne le communiqué express de la CFTC signé par Joseph Thouvenel, président de l’Union départementale de Paris :
« La CFTC Paris s’inquiète des récentes déclarations d’Anne Hidalgo concernant le travail du dimanche dans la capitale. La CFTC Paris attend du successeur de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris, quel que soit celui-ci, autant de bon sens et de fermeté sur ce dossier que l’actuel maire de la capitale. Pour la CFTC, la priorité est la sauvegarde de ce temps essentiel pour la vie familiale, personnelle, associative, spirituelle qu’est le Dimanche.
Si des dérogations de bon sens, concernant notamment le service public, l’art, la culture, les espaces verts et les petits commerces de proximité sont acceptables, la CFTC fera tout pour éviter que la Capitale ne devienne un vaste centre commercial pour bobo en mal de consommation. Concernant les touristes : ce qu’ils viennent rechercher à Paris, d’abord, c’est un art de vivre, des flâneries, de la culture, du lien social, de la beauté et un contact vrai avec les Parisiens et non pas des surfaces marchandes comme on peut en retrouver dans n’importe quelle capitale anonyme.
La CFTC Paris ne doute pas qu’avant de céder aux puissances marchandes, Mme Hidalgo, ancienne inspectrice du travail, aura à cœur d’obtenir des grandes enseignes qui ouvrent le dimanche à Paris : 1/ le respect de la loi ; 2/ le paiement double de l’heure travaillée ; 3/ les récupérations pour les dimanches sacrifiés. »
Une chose est sûre : en pleine crise économique, la déclaration d’Anne Hidalgo n’est pas un couac. Rien de plus voulu et de plus concerté. Elle ne peut pas être très éloignée des préoccupations de l’Élysée et d’une gauche libérale proche de certains grands patrons cherchant par tous les moyens ces nouvelles ouvertures dominicales.
Hélène Bodenez
À Dieu, le dimanche ! (Éd. Grégoriennes, 2010)
Liré également :
Travail le dimanche : le bricolage vent debout (Le Figaro, 10/04/2013)
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Et toujours le débat sur newsring : 4,2 K votes, 67% contre le travail le dimanche.