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Frigide Barjot et Tugdual Derville parlent aux Français

Frigide BarjotLe rendez-vous qui fait le buzz se fait attendre. Twitter a tout à coup frémi hier matin, tôt, des Indiscrets de France Inter : Le président les recevrait. Qui ? Les membres du Collectif de La Manif Pour Tous. Malgré la mobilisation historique du rassemblement du 13, énorme, géante, monstre – bref « consistante » – les petites phrases des ministres se suivaient en effet sur les plateaux pour juger que la demande du Collectif ne relevait pas du niveau du Président. Pourtant les pays étrangers qui avaient en professionnels couvert l’événement ne s’y sont pas trompés. Les États-Unis, l’Italie, la Grande-Bretagne savent ce qu’il en est réellement. Et pour ne pas tomber dans le ridicule du déni, ces pays ont même osé des titres, certains à la une, sur l’événement français, analysant autour du printemps français, de la révolution française, de la rébellion française… C’est sans doute l’un des titres de Famille chrétienne qui sonne le mieux avec son « Nés un 13 janvier ! »


François Hollande les recevrait donc. Vendredi 25 ? Peut-être. La confirmation tarde. Les principaux intéressés affirment sur Twitter n’être pas encore au courant malgré leurs « portables ouverts ». D’autres tweets font état d’un horaire de rendez-vous à l’Élysée pas bien arrêté encore. Étranges pas en avant et pas en arrière, qui en disent long sur le mépris voire la brutalité dont le collectif est l’objet depuis le début, collectif dont l’habit décomplexé rose et bleu de saltimbanques, sans langue diplomatique, gênerait peut-être une gauche déjà enivrée des ors d’une République académique. L’argumentaire du Collectif n’en serait-il pas moins sérieux pour autant ? Ne juge-t-on pas sur des apparences trompeuses cette stupéfiante femme leader Frigide Barjot, certes parodiste, mais plus profonde et intellectuelle qu’il n’y paraît, n’en déplaise à Guy Carlier sur Europe 1 ? Notons à ce propos que le chroniqueur d’À la petite semaine n’a d’ailleurs pas dit dans sa chronique pourquoi il s’en prenait à Frigide Barjot. Juste la citer plusieurs fois pour la flinguer ? Certains ne prennent pas de gants pour tenter de la disqualifier espérant toucher le cœur de cible de l’édifice tout entier.


La Manif pour Tous et partout ! 


Mais Frigide Barjot prépare en stratège son coup de maître, l’air de rien. Désarmante, elle sait quand l’argument ne vaut même pas la peine d’être servi comme chez Laurent Ruquier face à Caroline Fourest, créant malgré les clivages une forme de complicité aussi affectueuse qu’apaisante. Ses slogans, ses trouvailles lexicales désarçonnent mais avouons qu’ils font mouche : gageons d’ailleurs que la dernière invention écrite sur son tee-shirt rose «  Les Français parlent à François » va encore faire parler quand la Porte-parole de La Manif Pour Tous inscrit son entrevue avec le Président dans une démarche de résistance. Ajoutons une autre trouvaille heureuse, toute récente pour rendre compte de l’évolution post 13 janvier : le nouveau nom des prochaines mobilisations : « La Manif pour Tous et partout ! ».


Une chose est sûre, les oiseaux de mauvais augure avaient croassé fort. Dès la première manifestation annoncée, celle régionale du 17 novembre, il s’en était trouvé pour faire la fine bouche jusque dans les colonnes de La Croix. La faible mobilisation annoncée pouvait être contre-productive et devait tuer dans l’œuf le débat naissant. Ce fut tout le contraire, un franc succès même, préparée par la scénographie d’Alliance Vita à La Défense. Puis, il y eut l’annonce de la manifestation nationale du 13. Une fois de plus, les mêmes sceptiques faisaient leur travail de sape et montraient les risques de coups d’épée dans l’eau : la mobilisation pouvait se diluer. L’on perdrait le bénéfice acquis de la manif du 13. Le résultat là encore fut inespéré : le million de manifestants, atteint sûrement et probablement davantage, révèle quelque chose d’inouï, sans précédent depuis la Libération. Un nouveau mai 1968, pense même Frigide Barjot. Mais, les mêmes pensent doctement que notre blonde à mini-jupe ne serait pas assez comme il faut, valable interlocutrice pour le face à face avec le Président. Inutile de dire, vous l’aurez compris, que l’on se trompe comme l’on se trompe quand on croit que la mobilisation aurait fait le plein le 13. Il y a encore une fort belle réserve.


Que ce soit le paisible Tugdual Derville s’émerveillant d’une écologie humaine naissant, que ce soit la fougueuse Frigide, pas si barjote que cela, impossible depuis le 13 de les ignorer, de les sous-estimer. Impossible de ne pas les recevoir et de bien les recevoir. Il n’y a rien de populiste à les écouter parce que la rue est avec eux. Sans doute représentent-ils même davantage leurs compatriotes que certains députés. Ils portent avec grand sérieux malgré le rose et l’allure de fête une majorité de Français en mal de représentation justement, ce qu’a également compris Henri Guaino en appelant à la création de Comités locaux pour un référendum. Ceux-là ne naviguent pas à vue, ne parleront pas au gré du vent des opinions. C’est du solide et du fidèle. Ils sont là pour quelque chose de supérieur, qui les dépasse eux-mêmes comme ils l’ont déclaré lors de la conférence de presse du 21 janvier. Il y a de l’Antigone chez Frigide Barjot, du Gandhi chez Tugdual Derville ! À François Hollande de n’être en l’espèce ni Créon, ni Churchill ! H.B.