Fêtes, dimanche, nuit : c’est la semaine qu’on assassine !
À l’heure où les fêtes civiles prolifèrent [1], le traitement chômé des heures de repos sanctuarisées par l’histoire va diminuant. Le paradoxe n’est pas mince. La nouvelle « fête de la laïcité » le 9 décembre prochain est de celles-là, une création purement idéologique quand ce qui revêt du sens est effacé.
On ne l’entend d’ailleurs plus Dounia Bouzar, nommée par Matignon à l’Observatoire de la laïcité ! Elle se tait. Il est vrai qu’elle avait parlé un peu vite… avec son idée saugrenue du remplacement de deux fêtes chrétiennes chômées par le Yom Kippour et l’Haïd. D’ailleurs l’idée, n’a pas été rejetée formellement par son président, Jean-Louis Bianco.
Signe des temps ? les journées du truc ou du machin qu’on nous sort à un rythme effréné — journée de la politesse, de la courtoisie au volant ou des voisins de bureau… En réalité, pointe le calendrier laïque où tous les saints seront bientôt remplacés par ces journées artefacts.
Jean-Christophe Rufin l’avait bien prophétisé non sans un certain humour dans Globalia (Gallimard, 2004). Dans ce monde radieux du progrès pour tous et de la sécurité, tous les jours c’est jour de fête : fête de la pluie, fête de l’enfant, fête des malentendants… avec une fête au carré, la fête de la fête même. Cette dernière a lieu le 17 juillet, jour de la commémoration de la mise au point du premier vaccin contre la maladie d’Alzheimer ! Bref, la Fête Globale dans un monde de vieux…
Totalitaire
Inutile de préciser que ce monde à peine futuriste est déjà là — comme l’annonçait le romancier dans sa préface. Juste un petit problème en vue : ce monde-là, neuf et sans racines, est un monde totalitaire !
Personne ne fait bien attention à cette révolution du temps en train de se dérouler sous nos yeux. Les syndicats eux-mêmes négocient ce bouleversement. En arrière-fond de ce redéploiement du calendrier des fêtes, la démolition du dimanche, et bientôt, de la nuit. On casse en réalité la semaine de sept jours (“sepmaine” comme on l’écrivait autrefois).
Dans l’Éducation nationale, c’est en cours, avec la tentative de réforme en catimini de l’annualisation du temps réglementaire de service des professeurs.
Dans la série de la dérégulation totale, après l’amendement Confokea pour le dimanche, voici la proposition de loi d’ouverture des magasins la nuit pour faire plaisir à LVMH/Sephora à nos amis des Champs-Élysées, et à Nathalie Kosciusko-Morizet, Luc Chatel et Frédéric Lefebvre, dont la fibre sociale n’est plus à démontrer.
Après le dimanche, c’est au tour de la nuit… Que restera-t-il comme protection aux salariés et à leurs familles ?
H.B.
Extrait de l’interview de Michel-Édouard Leclerc donnée ce jour au Parisien :
Êtes-vous favorable aux préconisations du rapport Bailly publié lundi qui propose d’ouvrir 12 dimanches par an au lieu de 5?
Le diagnostic est bon, ce rapport rappelle que le problème est essentiellement parisien. Chez Leclerc, la loi en vigueur nous va bien.
C’est-à-dire?
En tant que commerce alimentaire, nous avons le droit d’ouvrir jusqu’à 13 heures le dimanche. Nous ne sommes pas demandeurs d’élargir cette autorisation. Personnellement, je suis contre la banalisation du travail du dimanche. Un sondage a été réalisé l’année dernière à l’intérieur du groupe : 80 à 85% des salariés et des directeurs de centre ne veulent pas remettre en cause le non-travail du dimanche. Ils veulent rester en famille.