Euthanasie : le fort pourcentage des pour est-il crédible ?
Époque contrastée que la nôtre ! On s’émeut ces jours-ci qu’un magnifique berger allemand puisse être euthanasié abusivement. Un quotidien, La Dépêche, prête même ses colonnes pour lancer un appel à adoption. Mais nous serions 91% à vouloir que la loi autorise l’euthanasie active pour nos proches incurables qui en feraient explicitement la demande. Le magazine Grazia de mode, de beauté et de luxe, n’a-t-il pas en mars dernier commandé à l’agence Harris Interactive un sondage intitulé les Français et l’euthanasie dont les conclusions iraient dans ce sens ? On frôle le plébiscite.
1787 individus ont été interrogés pour cette enquête d’opinion sur trois petits jours et cet échantillon, même s’il a été augmenté de plus de sept cents individus par rapport au sondage de deux jours d’août 2011, représenterait l’ensemble de la population française. Qui va croire cela ? Comme le logiciel Power Point, les tableaux bariolés de l’Institut Harris ou ses affriolants camemberts aux couleurs vertes ou rouges, affichent des résultats dont la justesse suscite quelques interrogations. Ces schémas simplificateurs ne sont peut-être pas loin de nous rendre stupides en nous faisant admettre un peu trop vite ce qui pourrait bien relever de la manipulation mentale. N’en déplaise aux raisonnables, le chiffre mirifique de 91% a été lancé en pâture à la presse qui s’est naturellement jetée dessus comme argent comptant pour faire rebondir efficacement un certain nullement démontré.
Tant de catholiques pro euthanasie ?
Un détail de taille laisse pourtant planer des incertitudes. Un des tableaux de résultats fait état des différences selon les pratiques religieuses. Ils ne seraient que 7% de catholiques à dire non à cette euthanasie dite active. Pas de colonnes concernant les catholiques messalisants. Bien sûr, le chiffre augmente sensiblement s’il s’agit de catholiques pratiquants mais l’on a du mal à admettre qu’il n’y en ait que 27% à se déclarer contre l’euthanasie active soit « l’administration de produits accélérant la mort du patient ». Si ce chiffre fleure bon le faux, que dire alors des autres ? Aux autres questions annexes qui sélectionnent leurs réponses selon les mêmes modes d’appartenance religieuse, pratiquants et non pratiquants, l’on reste pantois devant les chiffres obtenus. L’on voudrait s’attarder sur ces catholiques interrogés acquis à la cause des pro-euthanasie.
Mais l’on connaît l’art des sondages, et si l’on faisait un sondage de plus sur les sondages eux-mêmes, nul doute qu’on verrait que dans l’esprit des Français les sondages sont largement vus comme créant l’opinion, l’influençant pour ne pas dire manipulant les foules. Celui de Harris Interactive n’échapperait sans doute pas à cette suspicion grandissante. Il serait par conséquent dramatiquement léger de s’appuyer sur de semblables études pour bouleverser un pan majeur de la loi française et autoriser ce qui ne s’apparente ni plus ni moins qu’à un droit de tuer transgressif.
Certains regrettent que le Président de la République avance de manière timorée sur cette question, qu’en faisant appel au professeur Sicard François Hollande fasse la part belle aux proches de « la théologie morale catholique ». C’est une fois de plus méconnaître les catholiques. Quand ils défendent la vie, les catholiques sont tout sauf communautaristes, se fondent moins sur des arguments religieux que sur des arguments dits de loi naturelle. Le « Tu ne tueras point », l’interdit de meurtre donné dans la loi mosaïque, est certes un don divin mais il l’est pour tout homme, pas seulement pour les croyants. L’interdit revêt un caractère universel. Recevant la loi et le législateur, les hommes se constituent en peuple. La loi revêt donc également un caractère social.
Qui nous fera voir le bonheur ?
Ce n’est pas un mince paradoxe que de voir tant de pays transgresser un fondement majeur de toute société, de balayer d’un revers de main les « maudites questions éternelles », maudites questions essentielles, qui ont suscité tant de développements subtils et profonds dignes de l’esprit humain pour faire valoir la dignité de la personne humaine. À quoi croit-on après la mort ? Quel est ce rivage d’un pays inexploré dont nul voyageur n’est revenu ? La mort n’est-elle que délivrance des souffrances de ce monde-ci ? une fuite ? un sommeil ? L’Au-delà, comme on se plaît à caractériser ce passage inévitable vers un autre monde, est-il vide ? Plongera-t-on vers rien ou quelque chose ? Ce corps voué à la putréfaction reprendra-t-il vie ? L’âme existe-t-elle ? Meurt-elle quand le corps meurt ? ou subsiste-t-elle ? est-elle immortelle ? Un esprit source de notre esprit nous fera-t-il voir le bonheur ? La neutralité laïque que notre pays réclame à cor et à cri ne saurait empêcher de poser les bonnes questions métaphysiques ni de trouver certaines réponses meilleures que d’autres conformes à la raison. N’en déplaise aux sondages et à leur panel suspect.
En tout cas, quiconque tiendra la seringue de la sédation finale, « acte médical assumé » dans ce monde-ci pour s’octroyer un acte qui jusqu’ici ne lui appartenait pas, acte dont on voudrait bien aujourd’hui qu’il ne soit pas réalisé par le corps médical, engagera quelque chose d’inaliénable du mourant comme de soi. Son salut ? H.B.