En arriver à défendre le jour du Seigneur, qui l’eût cru ?
« M. Thiers, dans le sein de la Commission sur l’instruction primaire de 1849, disait : « Je veux rendre toute puissante l’influence du clergé, parce que je compte sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici-bas pour souffrir et non cette autre philosophie qui dit au contraire à l’homme : « Jouis ». M. Thiers formulait la morale de la classe bourgeoise dont il incarna l’égoïsme féroce et l’intelligence étroite.»
Il est loin, le temps où Lafargue écrivait le Droit à la paresse (1883). Loin l’époque où « Jouissez sans entraves » était un slogan recevable (1968). Nous ne sommes plus là pour rigoler. D’ailleurs, « jouir » est un gros mot — sauf pour les patrons, auxquels François Hollande vient de souhaiter une bonne année.
Pas à nous. Rarement entendu une cérémonie des vœux aussi cynique sous ses airs papelards. « Pas convaincus », les Français, paraît-il. Ils sont bien difficiles.
Le capitalisme a ceci en commun avec l’islamisme qu’il progresse volontiers à petits pas feutrés, en faisant croire que ses objectifs (grignoter tout ce qui pouvait entraver sa marche triomphale vers le Toujours plus) sont les nôtres (avoir la liberté de se faire empapaouter).
Nous travaillerons donc le dimanche, à Bricorama d’abord et ailleurs ensuite. En attendant de travailler la nuit, et aussi pendant les vacances, que nous ne prendrons plus. Un peu mieux payés, promettent les sirènes : mais quand ce sera devenu une habitude, les salaires du dimanche rejoindront les autres, qui d’ailleurs baisseront. La loi de l’offre et le droit de mourir de faim. Le jour des saigneurs.
Sept sur sept. Oh, dans le respect des 35 heures, mais dans la pratique des heures sup jamais payées entièrement. Huit heures de boulot, trois heures de transport. Vous embrasserez vos gosses l’année prochaine, vous aurez tout le temps de vous reposer quand vous serez mort. On en arrive à prendre pour un acquis social le droit d’aller attraper le cancer à la pause. Ou pour une promenade dominicale la possibilité d’aller se perdre dans une aire commerciale. Plan-de-campagne forever ! Sûr que ça va plaire aux mômes ! Sûr que le lendemain, ils travailleront en classe — la vraie motivation, ce n’est pas en travaillant qu’on la trouve, c’est justement en ne travaillant pas. À l’âge où ils devraient rêver de « fuir ! là-bas, fuir ! », on leur propose une virée chez Barnéoud, avec restauration chez McMerde. Et l’on s’étonne qu’ils préfèrent dealer du shit ?
Je n’aurais jamais cru en arriver à défendre le jour du Seigneur. …
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