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Demain les sans-dimanche ?

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Travail le dimanche, serpent de mer en vue ! Le journal des Échos relaie le premier : le gouvernement a annoncé que le travail le dimanche serait réformé par ordonnances. Pour étonnant et autoritaire que cela paraisse, il n’y a aucun mal à le croire. N’est-ce pas déjà par ordonnance, le 1er mai 2008, quelques mois avant que la Loi Mallié ne soit débattue à l’Assemblée nationale en 2009, que l’obligation de respecter le principe du dimanche chômé, de respecter le repos dominical, est passée à la trappe ? Dans le plus grand silence, sans effet d’annonces, le principe  formulé ainsi « Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche » est devenu – ironiquement un jour de la fête du travail ! – « Le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Un tout petit mot barré pour un grand dégât. Le verbe « doit » est effacé au profit du seul verbe « être ». Exit donc l’obligation. Tout est là… Premier cheval de Troie avant le second, terrible, l’amendement d’Isabelle Debré (UMP) permettant dans une loi de consommation que les magasins de meubles dérogent au repos dominical, l’amendement de circonstance « Confokea ».

 

Beaucoup de commentateurs voient ces ordonnances à venir d’un bon œil, comme une manière d’aller plus vite et d’accélérer le pseudo processus de relance de la croissance, du pouvoir d’achat, de création de dizaines de milliers d’emplois, des milliards promis. Mais il ne faut pas se laisser abuser.

 

Y a de l’abus, Monsieur le ministre !

 

Gare en effet. Si la gauche veut légiférer par ordonnances, poussée par une poignée de patrons de très grandes enseignes, ce n’est pas pour aller plus vite mais pour éviter qu’on ne compare les arguments d’aujourd’hui à ceux d’hier et que les contradictions et les lâchetés ne soient par trop voyantes dans une atmosphère délétère de perte de confiance. La confrontation pourrait bien être sanglante et les frondeurs de gauche, tous les jours plus nombreux, se montrer efficaces. Ceux qui se souviennent des débats de 2009 ont bien en tête les interventions d’une gauche vent debout contre la loi Mallié, solidaire de quelques députés du centre et de droite dans une union sacrée étonnante.

 

Ce que ne dit pas en réalité Laurent Fabius, ministre en charge du tourisme, c’est l’aptitude des très grandes enseignes à inclure dans leurs énormes magasins efficaces toujours plus de secteurs sans vendeurs dédiés pour cela, quand dans le petit commerce sont embauchés plusieurs salariés. Contrairement à ce qui est dit, le travail du dimanche des grands magasins ne créera pas d’emplois. Cela en supprimera. Les prix augmenteront même.

 

Et à moyen terme, c’est la libéralisation du dimanche qui s’imposera. Si le dimanche devient un jour comme un autre, il n’y aura plus de volontariat, plus de compensations. Jour ordinaire, deuxième samedi en réalité, la concurrence déloyale touchera toujours plus de secteurs dans un effet domino dévastateur.

 

Le travail le dimanche, c’est pour les autres ?

 

Très étonnant de ne pas voir cette évidence. Très étonnant que tant de personnes se croient protégées de devoir un jour travailler le dimanche, pensant que c’est naturellement pour les autres. Rien de moins sûr. Il est vrai que cela commencera par celles qui ne pourront pas refuser, les femmes vivant une situation de précarité.

 

Les pauvres et les précaires, voilà ceux à qui l’on enlèvera d’abord ce droit historique d’une avancée sociale et culturelle majeure. Demain les sans-dimanche ? Oui, car aujourd’hui les prédateurs aux dents longues ! H.B.

 

Communiqué de presse de la CGAD (1)

01/09/2014

Le travail du dimanche bientôt réglé par ordonnance !

 

Le gouvernement prépare un projet de loi sur la croissance qui devrait prendre la forme d’une  “loi d’habilitation à procéder par ordonnances”.  Ce projet de loi devrait être présenté en Conseil des ministres début octobre. Il aura pour objectif d’assouplir les dispositions sur le travail dominical, par ordonnance et de libéraliser les professions réglementées.  Il ne devrait donc pas y avoir de débat parlementaire de fond sur cette question même si  un accord sur une orientation générale est nécessaire.

 

Le texte de cette future ordonnance devrait reposer sur les conclusions du rapport Bailly, rendu au 1er Ministre en décembre 2013.

 

Ce rapport avait notamment préconisé une modification de l’article L. 3132-26 du code du travail permettant l’ouverture de douze dimanches par an. Il avait été ainsi proposé un passage de cinq à sept du nombre maximal de dérogations accordées par le maire et la possibilité, pour les commerçants, de déroger cinq fois par an à la règle du repos dominical, sous réserve d’une obligation de déclaration préalable auprès du maire.

 

Le rapport avait mentionné  l’opposition du secteur représenté par la CGAD à ces propositions.

 

La CGAD rappelle, une fois de plus,  l’importance de maintenir un statu quo sur la législation actuelle en matière de travail dominical. En effet, une augmentation du nombre de dimanches autorisés à douze, voire à quinze comme certaines organisations professionnelles  le préconisent,  permettrait à la grande distribution d’ouvrir toute la journée du dimanche, et non seulement jusqu’à 13h, ce qui fragiliserait les artisans et les commerçants du secteur alimentaire.

 

(1) La Confédération générale de l’alimentation en détail (CGAD) est l’organisation interprofessionnelle représentative des métiers de l’artisanat, du commerce alimentaire de proximité et de l’hôtellerie-restauration. Elle rassemble seize Confédérations nationales de branche représentatives des différents Métiers de l’Alimentation.

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Mise à jour 4 septembre 2014 12:37

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